4ème album pour les Toulousains de Brassen's Not Dead. Facile à deviner, l'album s'appelle Volume 4. 4 albums de reprises des plus célèbres moustaches que la poésie libertaire n'ait jamais connue (hormis Pierre Vassiliu bien sûr, même si son côté libertaire reste à démontrer).
Quatre albums donc, comme un défi relevé. Oui, un véritable défi, de reprendre à la sauce Punk les chansons d'un seul homme, certes au répertoire immense, mais en comptant au bas mot une quinzaine de titres par album, cela fait donc... Roulement de tambours, cymbale, et grosse disto... Et oui, soixante titres du père Brassens, rien de moins! 60, comme l'âge de Georges lorsqu'il a décidé de se retirer définitivement sur la plage de Sète. Hasard? Hommage ultime? Las, laissons ici le complotisme de bas étage, et penchons-nous plutôt sur cet album, quatrième du nom, de Brassen's Not Dead.
On ne peut pas dire que la reprise de chanson du patrimoine à la sauce Punk soit une nouveauté. Déjà les Garçons Bouchers avaient rameuté leurs copains pour pondre Ma Grand-Mère Est Une Rockeuse dans les années 90, album complet de reprises revisitées de Piaf et Fréhel (écoute Bernadette Soubirou et ses Apparitions reprendre "Je Ne Regrette Rien", tu verras ce que c'est la créativité). Et qui n'a jamais commis de reprise plus ou moins réussie, à la sauce Punk, Rock'n'Roll, reggae, Dub, ou autre, de chansons populaires? Ne cherche pas, quasiment tous les groupes en ont une qui traîne sur une vieille setlist.
Mais de là à en faire une religion de foi, un sacerdoce, un pélerinage, il y a un pas. Car les Brassen's Not Dead n'existent que pour ça. Parce que, clairement, et sans ambiguité aucune, Georges Brassens a laissé des traces indélébiles, une empreinte, même pour les jeunôts nés après 1981. Et pour que vive cet héritage, pour qu'il ne reste pas cantonné à la rubrique des hommages à nos valeureux ainés, les Toulousains ont décidé de reprendre le flambeau, avec ce qu'ils savent faire de mieux, un bon vieux Punk-Rock des familles. Et il faut dire que les chansons s'y prêtent bien. D'abord celles qui sont les plus simples musicalement, accords classiques et peu de changements de rythmes ("Quand les Cons sont Braves"), en rythme binaire, 160 coups/minute, passage en force. Mais aussi celles aux lignes mélodiques plus chiadées ("Histoire de Faussaire", "Trompe La Mort", "Le Grand Pan"), pour lesquelles on sent à la voix en rupture la complexité et la technicité du chant.
Sans tomber dans la caricature Punk à donf, certains morceaux bénéficient d'arrangements plus soignés ("Le Vent"), avec les guitares à la tierce. Moins Punk, plus Rock, mais toujours autant d'énergie. Georges Brassens est trop souvent considéré comme un parolier aux mélodies et musiques simplistes. Et c'est un tort. D'abord parce que c'est très dur à chanter. Brassen's Not Dead s'y frotte parfois avec quelques difficultés. Mais surtout, les rythmes et les accords s'enchaînent, passant du binaire au ternaire sans que cela ne choque personne. Prenons "Chanson Pour l'Auvergnat" par exemple. Ca change en permanence, tout en ruptures, et pourtant avec une continuité et une fluidité toute naturelle. En version Punk, ça passe aussi très bien. Les passages pêchus, binaires succèdent aux petites valses à 3 temps proches de l'original. Rien à dire, l'adaptation claque bien.
Et comment mieux saluer l'esprit libre et résolument pacifiste que fut Georges Brassens que clore cet album par un "La Guerre de 14-18", à la façon d'un pot-pourri, qui démarre comme une chanson de scout, puis qui se termine par deux hymnes anti-guerre, "When Johnny Comes Marching Home", connus en France par la version des Béruriers Noirs, avant de s'éteindre dans une "Chanson de Craonne" a capella. "Si vous voulez faire la guerre, payez-la de votre peau". Comme quoi, loin d'être uniquement un recueil Punk, cet album est un véritable hommage, aussi bien musical que spirituel.
Alors que conclure de cet album... Les mauvaises langues diront que c'est facile, qu'il n'y a pas d'originalité, que ce ne sont que des reprises, et qu'il n'y a rien de neuf sous le soleil. Oui c'est vrai, on connaît les chansons par coeur, elles sont en nous depuis notre enfance, elles font partie du patrimoine non pas uniquement français, mais universel. Oui c'est vrai, les reprises en Punk, ce n'est pas non plus nouveau. Et alors! Les Brassen's Not Dead jouent de la dérision, assument les clichés, et nous répondent de la meilleure des manières, avec un album qu'on a tous l'impression d'avoir déjà entendu, et pourtant riche en mélodies, en cassures de rythmes, en accords tordus, le tout avec une évidence et une continuité dignes du créateur des morceaux. C'est là tout l'art du moustachu à la pipe, et c'est très bien retranscrit. Et surtout, cet album est un prétexte, car comme toujours, c'est sur scène qu'il faut juger. Et à en croire la rumeur, il semblerait que ça vaille le coup...
Brassen's Not Dead, Volume 4
Sortie le 15 février 2017, label Be Fast
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