Dans son ouvrage au titre fort explicite - "Rock garage fuzz farfisa & distorsions" - Christophe Brault cite The Norvins comme un des groupes majeurs de la scène garage parisienne. Un des plus anciens également, même si le line up a partiellement changé depuis 2004. Edouard et Franck, les fondateurs n'ont pu être présents lors de cet entretien. Mais les trois autres membres des Norvins ont su "vendre" leur quatrième album tout chaud pressé, "Turning around with The Norvins". Et surtout, faire preuve de leur grande connaissance du genre, eux qui dont la route a croisée la crême de l'international garage. Des Cynics aux Fuzztones, en passant par The Love me Nots ou Los Chicos…
La Grosse Radio : alors, qui se charge de présenter le groupe ?
Max : Gerry, c'est le plus ancien de nous trois !
Gerry : Les fondateurs de The Norvins, ce sont Franck le bassiste et Edouard le chanteur…
Max : les deux absents donc !
Gerry : Et Pascal et Schrammy les ont rejoint, respectivement à la guitare et à la batterie. Mais comme Schrami jouait dans un autre groupe les Dregs, il m'a proposé de le remplacer. Et Max, ancien membre des Carpet Sellers a lui pris la place de Pascal qui a tout de même joué un paquet d'année avec nous… Même topo pour Jean-Marc ex-Volfoni's qui a lui succédé à Jérôme.
La Grosse Radio : The Norvins font donc dans le rock garage depuis 2004. Ça fait quoi de jouer depuis si longtemps dans un style, qui a tout de même plus de cinquante ans...
Max : Déjà, je dirais qu'on fait dans le garage punk…
Jean-Marc : Notre base commune, c'est sûr, c'est bien le garage sixties. Max et moi tendance pop et Gerry plutôt punk… Et c'est ce qui créée l'identité du groupe.
Gerry : On ne peut pas dire que nous sommes des puristes de garage sixties, même si on connait tous par coeur la bible que sont les compils Nuggets.
Max : Tu es assez actif sur la composition, Gerry et on est tous in fine au service d'Edouard, qui a sa vision et qui possède vraiment une voix singulière.
Jean-Marc : Une vraie identité vocale...
Max : Je ne sais pas trop quel est son bagage. On partage des tas de références mais l'album commun, c'est "Inside out" des Miracle Workers. Quant à Franck, en tant que fondateur du groupe, il est le gardien de l'esprit garage sixties.
La Grosse Radio : vous avez d'autres références mutuelles ?
Gerry : Pour tout ce qui est du revival garage des années 1980, on t'a cité The Miracle Workers, mais il y a aussi The Lyres, The Fleshtones bien sûr. Et pour les groupes pionniers du genre, on a tous écouté The Sonics, The Remains, The Outsiders, Music Machine…
Jean-Marc : Les compil Nuggets comme Gerry l'a déjà évoqué..
Max : Celles des Teenage Shutdown aussi. Evidemment tout ça, ça date un peu, mais on écoute aussi des groupes plus récents et puis, on fait nos propres compos...
Gerry : Mais qu'est ce que signifie "musique de vieux" en fait pour reprendre ce que tu disais précedememnt ? Des gens de notre âge écoutent bien du rap, de la techno, pour faire bien... Alors que les jeunes se mettent à ecouter du rock 50's ou 60's ! Donc au bout du compte on est en droit de se demander ce qu'est la musique de vieux.…
Jean-Marc : En fait, le public qui vient nous voir est souvent accompagné de leurs enfants. Et c'est peut-être eux qui vont perpétuer cette musique.
Gerry : Et nous, on essaie de prêcher la bonne parole ! Alléluia ! (tous trois reprennent en choeur, en se marrant).
Max : Une bonne chanson reste une bonne chanson, quelque que soit le genre, même si pour nous, la base demeure le rock. C'est pour ça que l'on s'autorise à s'éloigner des codes sixties habituels…
La Grosse Radio : En instillant une bonne dose de punk, par exemple ?
Max : Oui et a contrario, des moments plus mélodiques, plus pop. On essaie d'évoluer dans un format bien précis pour garder une constance dans notre direction. C'est Iggy Pop qui disait que le meilleur moyen de faire de la bonne musique, c'était de se donner un cadre assez short. Si tu commences à tout compliquer, à rajouter les boîtes à rythme, tu dérapes !
La Grosse Radio : L'esprit garage, c'est ça aussi, simplicité et efficacité…
Gerry : C'est pour ça que les morceaux sont très courts ; deux minutes trente en moyenne. Quand on dépasse d'une minute, on commence à s'inquiéter et à penser qu'on fait du rock progressif !
Gerry - Image extraite du clip de David Jamet
La Grosse Radio : Vous avez partagé la scène avec beaucoup d'autres groupes garage, américains comme européens...
Gerry : On a joué avec The Cynics et les français Os Noctambulos. Avec les défunts Kitchenmen, avec Frandol, ex-Roadrunners…
Jean-Marc : Avec les Galileo Seven aussi, le groupe d'Alan Walker le bassiste de The Prisoners. Et avec Mole Lambert le batteur des anglais de The Baron Four, de The Embrooks et le boss du label State records.
La Grosse Radio : Depuis 2008, date de la sortie de "Time machine", vous avez sorti un album tous les trois ans. Effectivement, vous êtes constants !
Gerry : Avec une part de hasard… Il se trouve qu'à chacune de ces périodes, on avait des compos à enregistrer et que notre ami ingé-son Olivier Joffrin, qui nous a malheureusement quitté il y a deux ans, était disponible. Et à chaque fois, l'alchimie entre lui et nous fonctionnait.
Max : JM et moi sommes arrivés à cette période. Si le projet à la base était de faire vivre le répertoire des Norvins, on s'est vite retrouvé avec des compos et amené à trouver un nouveau producteur pour les enregistrer. C'était indispensable ; nous sommes cinq personnalités affirmées, sans que pour autant l'un d'entre nous joue le rôle de leader. D'où la nécessité de faire appel à un producteur…
La Grosse Radio : Pour garantir une cohésion entre vous pendant l'enregistrement…
Max : Et ne pas perdre de temps en studio ! Quand nous avons appris que Jim Diamond, un producteur de Detroit, que j'adore, qui a joué dans les Dirtbombs et a enregistré une bonne partie de cette scène, s'était installé à Montpellier…
Gerry : On s'est dit, c'est avec lui et personne d'autre ! On aime tous la scène proto-punk - MC5, The Stooges - de Détroit.
Max : Et c'est Franck, via l'asso Avé the Sound, qui a pris contact avec lui et ça s'est fait. Le panard tortal, on avait l'impression de bosser avec le Georges Martin du garage !
Max - Image extraite du clip de David Jamet
La Grosse Radio : C'était quand au fait ?
Max : En septembre 2016.
Gerry : A Minimoon Studio à Montpellier, tenu par Neil Counti, ancien batteur de David Bowie et des Prefab Sprout. Que du matos vintage, on était comme des poissons dans l'eau !
JM : Et l'enregistrement s'est vraiment bien passé. Jim Diamond un mec super simple, nous a mis d'entrée à l'aise et nous a amené des idées. Un confort d'enregistrement incroyable… Et surtout chaque matin, il se ramenait avec des pédales fuzz différentes. Le bonheur pour Max !
Gerry : Le David Copperfield de la pédale Fuzz, Jim Diamond… On sait toujours pas d'où il les sortait, du vrai matos d'époque ! Enfin si on sait ; son studio de Détroit Ghetto Records a fermé et il les rapatrie au fur à mesure.
Max : C'est un sacré bonhomme ; c'est lui qui a enregistré les premiers White Stripes, Johnny Walker… On l'appelait Placid Jim. Il parle peu donc du coup quand c'est le cas, tu l'écoutes ! On était un peu fébriles, mais avec lui, y avait pas de problèmes…
JM : … que des solutions !
Gerry : Et pour que l'album sonne vraiment live, on a enregistré tous ensemble dans la même pièce.
La Grosse Radio : Ce n'était pas le cas pour vos précédents albums ?
Gerry : Si, mais avec les moyens du bord. Là, nous avions vraiment des conditions optimum pour ça…
Max : On a juste fait des overdub de fuzz ; c'est un peu la spécialité de Jim. Cela donne quatre pistes de fuzz, sans pour autant que ça fasse prog. On change juste le son fuzz, on le double, une technique connue pour l'enregistrement. On s'éloigne du pur son sixties, un peu plus sec, mais ça rend plus chaleureux à l'oreille…
La Grosse Radio : Vous écoutez quoi ces derniers temps ?
JM : The Richmond Sluts. The Poses et surtout le dernier Jésus and Mary Chain.
Gerry : The reigning sounds, le groupe de Greg Cartwright des Oblivians. Et j'écoute aussi beaucoup les copains, dès que des copains sortent un disque, j'écoute ! Comme les Shupa, par exemple…
Max : Moi aussi, en ce moment, c'est Os Noctambulos. Et les No-Things ! On les aime ceux-là tellement qu'on a repris, "She was gone" un de leurs morceaux dans l'album. J'écoute aussi la réédition des Strollers, du revival sixties des années fin 1990 /2000 et les Cosmic Pyschos, du proto punk. Et les New bomb turks, un truc bien punk avec lequel Gerry nous réveillait chaque matin à Montpellier !
JM - Image extraite du clip de David Jamet
La Grosse Radio : Vous avez tourné dans le "scopitone not dead" numéro 111 de David Vallet ?
JM : Oui, il nous fait le clip du morceau qui ouvre l'album "Twilight". Nous étions en mini tournée et on en a profité pour tourner dans un endroit où on s'est retrouvé en plein brouillard, au sens propre du terme et finalement, ça rend super bien et ça colle impeccable au morceau.
La Grosse Radio : "Turning around with The Norvins", c'est eun clin d'oeil au gimmick "Tournez ! Tournez !" de Peter Zaremba quand il est sur scène ?
Max : Bah non, ça a rien à voir avec The Fleshtones.
Gerry : En fait, à Montpellier lorsqu'on se déplaçait, on avait l'impression qu'il y avait que des ronds-points, qu'on passait notre temps à tourner en rond ! Un album, ça doit aussi raconter l'histoire de son enregistrement et puis, tourner, ça fait aussi référence au vinyle…
La Grosse Radio : Vous émargez aussi dans d'autres groupes ?
JM : Pas nous, on a lâché nos affaires !
Max : Je joue depuis 10 ans avec Gommard, un groupe de Montreuil. Essentiellement des reprises, esprit seventies pub rock, donc c'est assez complémentaire avec The Norvins et ses formats plus carrés...
La Grosse Radio : Des concerts en vue ?
JM : La release party de l'album qui aura lieu le samedi 6 mai à l'Angora bar à Bastille. Venez nombreux, c'est pas très grand, on se tiendra chaud !
Chronique de l'album à lire cet après-midi à 15 h dans nos colonnes Rock