"D'un côté, on peut regretter qu'autant d'anciennes gloires se contentent de faire des concerts (pas toujours très réussis et aux tarifs souvent prohibitifs par ailleurs) sans chercher à proposer du nouveau matériel. D'un autre côté, quand on entend ce nouvel album de Slowdive, c'est peut-être pour le mieux. "
Après une tournée de reformation réussie, la prochaine étape pour Slowdive était bien sûr un nouvel album, le premier depuis plus de 20 ans et l'ésotérique Pygmalion (1995). Si le groupe est devenu culte, c'est notamment du fait d'une série de 3 albums sans failles, de l'influence que les dits albums ont eu par la suite, et enfin parce que le groupe s'est arrêté après avoir plus ou moins fait le tour. La séparation n'avait cependant rien à voir avec une panne d'inspiration ou l'exigence artistique, mais plutôt avec la lassitude des musiciens, dont la musique était alors largement incomprise, dont le label ne les aidait que très peu, avant de les abandonner purement et simplement. Ce qui entraîna le départ d'un membre, puis de deux... De sorte que les 3 restants décidèrent de changer de nom et de repartir sur des bases saines avec Mojave 3. Et puis le temps a fait son oeuvre, Slowdive a gagné un statut de groupe culte, comprendre très influent et très peu vendeur. Mojave 3 étant en hiatus, c'était le bon moment pour relancer la machine.
D'un côté, on peut regretter qu'autant d'anciennes gloires se contentent de faire des concerts (pas toujours très réussis et aux tarifs souvent prohibitifs par ailleurs) sans chercher à proposer du nouveau matériel. D'un autre côté, quand on entend ce nouvel album de Slowdive, c'est peut-être pour le mieux. Quand l'inspiration a disparu, pourquoi s'acharner à la faire revenir ? Le résultat ne pourra être qu'un échec. A ce stade vous l'aurez compris, ce 4e album du combo anglais est une déception d'autant plus grande que tous les voyants semblaient au vert. Mais une fois arrivé au bout, l'impression qui prédomine est le vide.
Les premiers extraits mettaient déjà la puce à l'oreille : de la pop gentillette, peu inspirée, vaguement onirique... Rien de spécial, rien de particulier, à tel point que cet album serait celui d'une nouvelle formation qu'on se contenterait de leur adresser les encouragements d'usage : "bien enregistré, bien interprété, c'est très propre, personnalité à creuser". Quand il s'agit du 4e album d'une formation culte qui a marqué la scène rock de son empreinte, on est forcément plus exigeant. Mais rien à faire, "Slomo" se laisse tout juste écouter, tandis que le single "Star roving" ressemble davantage à une face B de The Cure qu'autre chose. Même quand le groupe tente de proposer des titres plus planants, ce qui est tout de même censé être sa marque de fabrique, on reste sur notre faim ; n'allez pas me faire croire que "Go get it" arrive à la cheville des classiques des anglais.
Où sont passés le sel de Souvlaki (1993), son aspect fantômatique issu d'un autre monde, la profondeur et l'audace de Pygmalion ? D'un point de vue artistique, il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent, ce qui est d'autant plus dommage que Mojave 3, dans un registre certes différent, nous a proposé de beaux albums, Minor Victories, dans lequel joue Rachel Goswell (avec notamment Stuart Braithwaite de Mogwai), a sorti un premier album réussi... Cet album éponyme de Slowdive tombe un peu comme un cheveu sur la soupe au milieu d'une galaxie de projets globalement bien meilleurs. Et quel est ce son, nom de nom ? Alors que le groupe est notamment connu pour une ambiance rêveuse (c'est pour cela que l'on parle de "Dream pop", ou de "Shoegazing" vu que les zicos passent leur temps les yeux rivés sur leur pédales d'effet), on n'en retrouve rien ici. Le son est désespérément propre, plat... Banal. Et sans cet univers sonore, les compositions, dans leur plus simple appareil, révèlent d'autant plus leurs faiblesses.
L'album n'est même pas foncièrement mauvais, "Don't know why" est mignonne, le final "Falling for ashes" se laisse écouter, il y a quelques moments sympathiques mais on ne décolle jamais vraiment. Cet album est tellement dream pop qu'on l'oublie aussi vite que le rêve de la nuit après une première tasse de thé. Pas foncièrement désagréable, quelques touches sympathiques, mais le bilan reste globalement inodore, incolore, anodin, et venant d'un groupe qui a été aussi marquant, c'est bien dommage.
Sortie le 18 avril