Du bruit sur Paris.
No One Is Innocent, Tagada Jones, Les Sheriff.
Pas de doute, cette soirée de veille électrale s'annonçait chaude, très chaude même. D'une chaleur qui fait du bien, qui fait qu'on est heureux d'être ensemble, de partager une bonne tranche de rock'n'roll, avec des groupes qui portent leur musique haut et fort. Pas que leur musique d'ailleurs, tant l'engagement de chacun est un moteur surpuissant, gonflé à l'adrénaline.
Une soirée de folie, où tout le monde en a pris plein les esgourdes, plein les yeux, où la sueur a coulé, dans la fosse, sur scène, partout.
Retour sur ce qui a été un des plus grands concerts rock de ce début d'année.
No One Is Innocent
Il est un peu plus de 19 heures 30 lorsque les No One prennent l'Elysée Montmartre d'assaut. Sans doute un peu tôt, malheur aux retardataires. Paris dort la nuit, les concerts doivent finir tôt, du coup nous aurons un début de concert en fin d'après-midi, et 3 sets raccourcis (50 minutes au lieu de 1h30 sur les autres dates de la tournée).
Pas grave, ce ne sera que plus intense.
Après un "On est No One Is Innocent, de Paris" de rigueur, c'est parti pour un "Djihad Propaganda" qui embrase l'Elysée Montmartre. La machine No One est lancée, on ne l'arrêtera pas.
No One Is Innocent, c'est de l'énergie brute, du feu sur scène. Depuis toutes les années passées à arpenter les scènes, des bars aux stades, Kemar et sa bande savent donner le meilleur d'eux-mêmes, donner au public ce qu'il est venu chercher, ne grosse claque pleine de rock'n'roll.
Le set sera donc raccourci, mais encore plus intense. Kemar bondit toujours autant, Shanka tient la guitare toujours aussi juste et puissante, en dextérité contrôlée. Et sous son bonnet (pourtant il ne faisait pas froid...), Poppy assure une seconde guitare de feu. Que dire du rouleau compresseur Bertrand (basse) / Gaël (Batterie), ça bétonne l'ensemble.
Il ne faudra pas attendre longtemps avant qu'un "la jeunesse emmerde le front national" ne retentisse dans l'Elysée Montmartre. Hormis le fait que la moyenne d'âge de la salle tire plus vers le 40 que vers l'adolescent, ce slogan historique du rock fait encore son petit effet. Mais au-delà du message, Kemar veut "que tout le monde se défonce, qu'on entende du bruit dans Paris", et lance un "Kids are on the run" survitaminé. L'Elysée savoure, le sol tremble.
Le public traditionnel de No One n'est pas forcément Punk, mais l'affiche de ce soir a ouvert les horizons. Aussi lorsque Kemar lance "Johnny Rotten", l'effet ne se fait pas attendre. La déferlante, qui avait déjà bien pris de l'ampleur, prend encore plus de consistance. Le pogo devient dément, la salle est à donf.
Petite gourmandise, une cerise bien soignée sur un gâteau très épicé, Shanka nous gratifie d'un solo très blues-rock, seul en scène, bien servi par un son aux petits oignons, qui laisse tout le monde sur le flanc. D'autant plus agréable que le pubic n'a plus 20 ans, et qu'une pause n'est pas de refus. L'occasion de se rappeler que le guitariste des No One Is Innocent depuis plus de 10 ans est un virtuose, qui sait faire vibrer son instrument avec une classe inégalable.
Reprise des hostilités, "20 ans" avec l'intro a capella, puis "Chile". L'occasion pour Kemar de préciser que "ce soir, c'est du bruit pour résister aux sales idées". Le poing tendu, il n'aura pas cessé de crier haut et fort ses valeurs, humanisme, tolérance, liberté.
Kemar ne résistera pas à aller transpirer dans le public. Juste retour des choses, les No One ont donné tant d'énergie, d'intensité, que le pit est à fond, et que ce partage rock'n'roll doit être total.
Quand il remonte sur scène, c'est pour inviter Niko, de Tagada Jones, dans un "Charlie" final, qui clôt un set géant. On notera la petite boutade, les 2 frontmen s'appelant "Marc" et "Nicolas", signe de la complicité qui les unit, renforcée par cette tournée commune. Un mois à jouer ensemble, ça crée des liens, forcément.
Après 50 minutes, No One Is Innocent laisse l'Elysée Montmartre trop tôt. Le set est passé à la vitesse de l'éclair, le public en aurait bien pris plus dans sa face, malheureusement les nuits parisiennes sont désespérément trop courtes.
Mais ne boudons pas notre plaisir.
No One est toujours en vie, No one est toujours en colère, No One a toujours cette force qui les suit depuis toutes ces années.
On attend avec impatience le prochain album, enregistré à l'automne prochain. Et les concerts, bien sûr, surtout.
Setlist
Djihad propaganda
Dep in Vegas
Silencio
Kids are on the run
La peau
Johnny Rotten
20 ans
Chile
Charlie
Tagada Jones
Le match est annoncé en 3 sets. Après le premier, l'exigence physique s'avère déjà très élevée. Du bruit sur Paris, oui, mais aussi de la sueur.
Petite boisson houblonnée de réconfort, massages de récupération, quelques étirements... Ah non, ça c'est le marathon de Paris. Ce soir, c'est plus un sprint qui nous attend, tout à fond, pour des sets réduits, mais plus denses, plus compacts.
C'est dans cette ambiance que les Tagada Jones viennent prendre possession de l'Elysée. En force. En puissance.
Tagada Jones, la scène, ils connaissent. 180 dates sur leur tournée Dissident Army, une cinquantaine avec le Bal des Enragés, et Niko nous a confié qu'ils visent les 200 sur le tour qui démarre. Pas le genre à plaisanter.
Donc pour ce qui est de tenir la scène, de partager son énergie, son enthousiasme, on ne va rien leur apprendre. On va prendre, surtout. Et cher.
Dès les premières notes, "Envers et contre tous", issu du dernier album, envoie du lourd, et génère un beau bordel. Ca pogotte partout, ça slamme, le pit est en feu.
La folie va continuer 50 minutes. 50 minutes aucours desquelles les bretons vont défendre leur dernier album, La peste et le choléra, un brûlot taillé pour la scène, avec un retour aux fondamentaux, une écruture directe, brute. Les albums plus anciens ne sont pas délaissés pour autant, avec notamment "Yech'ed mat", toujours aussi fort, et dont les paroles restent toujours aussi vivantes.
Le seul reproche viendra du son, qui rend malheureusement assez inintelligibles les paroles. Mais on oublie vite cet inconvénient, d'abord parce que tout le monde connaît les paroles, et parce que l'énergie générale est à un tel niveau, les pogos succédant aux pogos, les slams aux slams, le partage est total.
"Vendredi 13" démarre sur une scène toute en rouge. Moment fort du concert, on se rappelle que No One Is Innocent avait enregistré leur dernier live juste après le Bataclan, on connait la force et l'engagement des 2 groupes, aussi ce morceau résonne tout particulièrement.
Sur le même thème, "Je suis démocratie", directement enchaîné, est un cri auquel tout le public s'associe. Ce morceau a été écrit juste après les attentats de Charlie Hebdo. Les Tagada Jones n'ont visiblement pas oublié, pas digéré ces atteintes à une liberté qu'ils portent en totem.
Le set s'achève avec "Mort Aux Cons". Ce morceau est décidément un hymne, un cri du coeur, repris par toute la salle, et accompagné par Kemar ("Marc"), qui vient rejoindre Niko ("Nicolas"), Waner, Stef et Job, pour un final dantesque. Le couplet, avec son "lalala" évoquant vaguement un "Porcherie" de 30 ans, est taillé pour la scène. Il est fait pour être scandé, c'est un slogan, fédérateur, entêtant, le genre qui reste dans tes oreilles plusieurs jours. Une bonne conclusion.
50 minutes de folie furieuse, et les Tagada Jones nous laissent nous remettre de nos émotions. La furie bretonne a fait du bruit dans Paris, c'était annoncé. Un grand moment de partage, une grosse claque de rock'n'roll dans ta face, un bon coup de pied qui fait du bien.
Setlist
Envers et contre tous
Zéro de conduite
La peste et le choléra
Yech'ed mat
Karim et Juliette
Tout va bien
Perte et fracas
Les nerfs à vif
Vendetta
Vendredi 13
Je suis démocratie
Mort aux cons
Les Sheriff
Il est bientôt 22 heures, la soirée va bientôt se terminer. Et oui les p'tits loulous, n'oubliez pas, à Paris il faut laisser les braves gens dormir !
C'est en tout cas ce que ne se disent pas les Shériff. Bien sûr ils ont laissé le temps au public de se ravitailler, pause pipi, et tout ce qu'il faut. Parce que, une fois encore, il faut reprendre des forces, le troisième set s'annonce encore bien chaud.
Alors c'est vrai, les mauvaises langues pourront dire que les Sheriff sont, parmi les 3 groupes de la soirée, le seul qui n'a pas sorti d'album depuis 20 ans ou presque. Donc forcément, il y a de la nostalgie dans l'air. Et les concerts sont bien sûr assez prévisibles. Et alors !
Depuis leur dernière venue dans la capitale, au Bataclan il y a quelques années déjà, ce qui n'était qu'un barroud d'honneur s'est transformé en tournée plaisir, quelques dates savamment distllées, pour le fun, et pour l'amour du rock.
Sur scène, les guitares sont aussi d'un autre âge. Les énormes Gibson Explorer cotoient les SG, instruments que l'on ne croise plus souvent sur les scènes. Et le résultat reste le même : Des morceaux secs, nerveux, tempo à fond, humour en bandoulière, un punk rigolard et toujours aussi efficace.
Signe des temps, les pauses entre les morceaux sont plus longues qu'il y a 20 ans. Et tant mieux, parce que, dans la fosse, ça envoie sec. Dans un excellent esprit, jeunes et moins jeunes, s'en donnent à coeur joie. Les chansons aux paroles simples et efficaces font mouche, les slams se succèdent (avec plus ou moins de succès, le plancher a recueilli plus d'une personne un peu trop enthousiaste).
Le fait de ne jouer que 50 minutes n'empêche pas les Sheriff de parcourir une grande partie de leur répertoire. D'un autre côté, leurs morceaux n'excèdent que rarement les 2 minutes 30. Sec. Ca chauffe direct. Binaire. Les guitares sont précises, basse/batterie ne prennent pas de déviation, c'est du tout droit. Le chant reste à l'égal de ce qu'on avait dans nos souvenirs les plus enfouis. Les Sheriff ont fait du Sheriff, et ils l'ont bien fait.
Setlist
L'essayer c'est l'adopter
Panik à Daytona beach
A coups de batte de base-ball
Bon à rien
Turbo
Je ne suis pas menteur
Attention à toi
Les 2 doigts dans la prise
Ca fait mal
Pour le meilleur et pour le pire
Que pasa
A la chaleur des missiles
Condamné à brûler
Arrête d'aboyer
Jouer avec le feu
Pile ou face
Pas de doute
Fanatique de télé
3-2-1 Zéro
Après quasiment 3 heures de rock'n'roll à 2000 à l'heure, l'Elysée Montmartre souffle enfin. Cette soirée a été comme une thérapie de groupe, une respiration bienvenue dans un environnement suffocant. Que des groupes aussi connus que No One Is Innocent et Tagada Jones aient réussi à monter cette tournée commune est un signe qui ne trompe pas, qui prouve (mais qui en doutait..?) que ces groupes ont des valeurs, et que le rock'n'roll a encore de belles années devant lui.
On ne va pas s'en plaindre.
Retrouvez dans la journée notre interview de Kemar et Niko Jones !
Crédits photos : Rodolphe Goupil
Merci à Elodie Sawicz de Lo Communication et à Rage Tour