Par notre envoyé très spécial Antoine "Zebra" Minne
The Moonlandingz est un groupe fascinant. Vous avez écouté l'album ? Il est rempli de chansons pop salies sous des couches de crasse. Le talent du duo Lias Saoudi / Saul Adamczewski (chanteur et guitariste de Fat White Family) éclate au grand jour. Ou presque, car le groupe passe pour un side project, ce que confirment les deux intéressés. Leur désinvolture apparente ne laisse pourtant pas indifférent : leur alliance avec Adrian Flanagan, un des acteurs majeurs de la scène electro de Sheffield, est une réussite. Un album produit avec Sean Lennon et une tournée, sans deconner les gars, ce n'est pas juste pour partir en vacances.
Ceci dit, on sait qu'en allant les voir en concert, on assistera à une performance de branleurs impliqués. Je me comprends.
La première partie est anecdotique. Ou presque, me disent mes tympans, brutalisés à coup de fréquences désagréables dans un capharnaüm musical anti-mélodieux qui fera dire à mon voisin "c'est l'extrême de qu'est une musique de blanc"... j'en ai ri, avant qu'une nouvelle salve de distorsion virulente me replonge en salle de torture. Seul point positif : le son de guitare. Mais dans la médiocrité, c'était régulier.
Une pinte pour reconstituer mon organisme, et voilà The Moonlandingz sur scène. Lias arrive goguenard, avec une guitare acoustique sous plastique transparent dont il ne se servira pas, le front et le nez peints en rouge. L'absurdité faite homme. C'est une rock star, aussi charismatique et punk que Pete Doherty ou John Lydon à leurs débuts. Avec lui, tout peut arriver. Saul n'est pas là, remplacé à la guitare par la belle et terrifiante Mairead O’Connor. Malgré son attitude statique, on ne peut s'empêcher de l'admirer, elle fascine par ses regards fixes dans un visage fermé, sous de longs cheveux raides et noirs, elle ne regarde jamais son manche et pourtant son jeu est irréprochable. Adrian est au clavier, bob sur la tête et lèvres peintes en bleu. A la basse, un barbu, et à la batterie, Richie, une figure du rock de Sheffield ex-Hoggboy et ex-Reverend & The Makers... et qui m'avait accompagné en tournée en 2009, hi Richie, good to see you again !
Première chanson : "Vessels", rythmique glam, son de synthétiseur très très fort, voix inaudible, l'ingé son sort sûrement de table et a un problème de digestion. Il mettra 4 chansons avant de rétablir l'équilibre, après avoir plus ou moins massacré les tubes que sont "Sweet saturn mine" et "Black handz". Mais Lias s'en fout, il se secoue, crache et bave sur son torse nu, dégueulasse et sexy (oui, étrangement, il plaît, je me souviens du concert de Fat White Family un an auparavant où il avait galoché une top model sur le côté de scène malgré son haleine qu'on devinait putride).
Le groupe déroule, et voici "Neuf du pape", chanson avinée sur un riff de ska festif barbouillé au charbon. Mairead est stupéfiante, jouant ses contre-temps enjoués avec son air de fille de la famille Adams. Quand elle sourit enfin, on croirait que c'est pour mieux nous griffer.
Et soudain, voici le morceau de choix, le tube, le magnifique "The strangle of Anna", que Lias prend un malin plaisir à chanter faux, ce qui la rend encore plus horriblement géniale. Il descend l'interpréter au milieu de la foule, un filet de bave sur son épaule que viendra effleurer les chevelures féminines de quelques belles approchant la bête. C'est un moment de grâce dans un bain de boue, c'est un massage au crin, c'est un plaisir dissident.
The Moonlandingz jouent quasiment tout leur (court) répertoire, "I.D.S", "Lufthansa man", ... "Lay your head down on the road" est comme une chanson de Noël bourrée, que Lias vient une nouvelle fois interpréter, que dis-je, gémir dans la fosse.
Enfin, ils finissent en boulet de canon sur "Man in Me Lyfe", Richie cogne sur sa batterie, Lias se tord comme un poulet qu'on mènerait à l'abattoir, Adrian menace de jeter son clavier dans la foule, Mairead reste digne et part sans un sourire, suivie de Lias avec sa guitare décorative sous plastique.
Rien ne ressemble à The Moonlandingz, ils sont uniques, fascinants, le public est béat d'admiration et de dégoût. Horrible et génial, c'est ça. Mais que de bonnes chansons, bordel de Dieu !
Antoine "Zebra" Minne
Retrouvez ce concert dans le podcast de la Tournée de Zebra
Crédits photos : Michela Cuccagna