Stéphane Guichard (Soucoupes Violentes): On va mettre le turbo


Les Soucoupes Violentes sont de retour. Après une longue pause, Stéphane Guichard a repris les rênes, pondu un album bien fait, et montré sur scène que le groupe est toujours bien vivant. Après une date au Petit Bain, et avant deux nouvelles sorties à Vannes et à la Mécanique Ondulatoire de Paris, les 11 et 12 mai, Stéphane Guichard nous a accordé un entretien tout en simplicité, où il a été question... tu sais de quoi ? De rock'n'roll, bien sûr !

La Grosse Radio
A quoi ressemblent les Soucoupes Violentes version 2017 ?

Stéphane Guichard
Quand j’ai reformé les Soucoupes, j’avais une section rythmique impeccable. Tintin et Manu, (Manuel Bujan à la batterie et Franck Darmon à la basse, NDLR), qui étaient la section rythmique de Polaroid People. On est resté 8 ans ensemble, on a remonté le groupe, on a fait des concerts, essentiellement sur Paris parce qu’ils ne pouvaient pas tourner. On a fait le premier album du retour, S’attendre au pire, avec Florian à la guitare. Assez rapidement, Florian, qui avait 20 ans de moins que nous, qui avait envie d’autre chose, est parti faire son truc à lui. On s’est retrouvé à 3, on a fait plusieurs essais. Puis j’ai voulu refaire la formule « orgue ».
Je rencontre Elsa, et je lui propose de jouer de l’orgue. A ce moment-là, l’album sort, super bien perçu pour un truc qu’on a sorti par nos propres moyens, on a quelques bonnes critiques, on commence à faire quelques concerts. Mais Tintin et Manu, c’était prévu depuis le début, ils ne tournent pas. Donc depuis ce moment-là, depuis 2 ans, on fonctionne avec des gens qui vont et qui viennent. Tu sais comment c’est dans un groupe, il y a des clashs, des consensus…
Aujourd’hui je joue avec Nick Wheeldon à la basse, un anglais qui chante aussi dans Os Noctambulos, et un batteur qui s’appelle Fabien, un mec qui a 35 piges, qui joue aussi dans un groupe qui s’appelle 39th And The Nortons. Ca fonctionne super bien, le dernier concert qu'on a fait à Brest nous a libéré, on a la bonne formule.

La Grosse Radio
La rumeur dit que tu vas sortir un nouvel extrait de Fort intérieur...

Stéphane Guichard
Oui, on va sortir un nouveau clip prochainement, sur "Johnny Tonnerre".
C’est pas obligatoirement Johnny Thunder, mais bon, ça a forcément rapport avec un personnage comme ça, la rue, la perdition, les produits… Il y a une référence évidente.
C’est une vieille chanson tu sais. C’est une chanson qui avait été écrite par Eric Coggiola, qui était le premier guitariste des Soucoupes, et que j’avais ressortie des tiroirs. J’avais gardé juste le refrain et l’idée du texte, j’ai refait un couplet à moi, j’ai refait la musique. Un proche était en train de mourir à l’hôpital, et elle est ressortie comme ça. Je bossais la journée, on faisait beaucoup de séances de studio tard, j’étais crevé, j’étais triste tout ça, et je disais « je veux faire ça ».
C’est moi qui fait tout sur ce morceau, à part les tambours. J’enregistre la guitare sèche, j’ajoute une deuxième guitare sèche, la basse… Jean-Paul Vittori, l'ingé son, m’a appelé 3 jours plus tard, il m’a dit "j’ai trouvé un truc". Et le morceau était là.
C’était un moment pas facile. J’allais à l’hosto tous les jours. Ca fait estampillé vécu, j’aime pas trop l’image, mais il se trouve que la chanson a été écrite dans ce contexte là. C’est une belle chanson, c’est très brut, mais en même temps c’est pas une chanson rapide… J’aime bien ça, ces ballades à la guitare sèche, qui envoient quelque chose, et qui ne sont pas hyper sophistiquées. J’appelle ça l’os, j’ai touché l’os.

Soucoupes Violentes, Rock, 2017

Photo : Baldo

La Grosse Radio
Sur le clip précédent, tu as choisi un morceau avec Didier Wampas, "Trop méchante".

Stéphane Guichard
Oui, c’est un vieux pote. Il a co-écrit le morceau, il a trouvé le refrain.
Ce morceau, c’était quasiment un bœuf en studio. Dans Fort Intérieur, il y a 4-5 morceaux qui étaient écrits quand on est rentré en studio. On en a écrit 14. Donc tu vois, il y a 9 morceaux qui sont venus se coller, qu’on a fait en studio. Live. On laisse le truc tourner, on joue, le truc se colle, moi je mets les paroles, on refait les rythmiques, je fais les voix, on fait quelques re-re, et hop, roule ma poule.
Et ce morceau, "Trop Méchante", on le fait tourner. Il y avait ce riff, un peu fuzzy. On le tourne en boucle, j’avais déjà des idées de paroles, mais pas de refrain. Et puis Didier, un jour, il est venu, il écoute, il se colle à la voix, il fait le couplet, mais toujours pas de refrain. Et lui, il a sa tablette, où il écrit ses petits bouts de chanson. Et là il fait "ah tiens, j’ai peut-être une idée". Il enregistre le couplet, sa partie, et direct il enquille sur le refrain. On s’est regardé avec Jean-Paul, l’ingé son, et on a dit, c’est parfait, ne changeons rien.
Et tu sais, le clip, "Trop Méchante", ça a été tourné avec 2 Iphones, par la copine de Didier, Florence, de Sugar et Tiger. On a tourné en une demi-heure, et en 3 jours on avait le clip.

La Grosse Radio
Et alors, le mec le plus cool de la terre c’est quoi ?

Stéphane Guichard
C’est un morceau qui parle d’ambivalence, de colère. Il n’y a pas que un second degré, il y a même 18 degrés. Ca parle de moi, évidemment, mais je ne suis pas forcément le mec le plus cool de la terre. Ca parle de la colère. De dire je suis gentil, et deux minutes après je peux péter un câble.
Mais je crois que la vie est comme ça. On n’est pas d’un bloc, pas moi en tous cas. Et je trouve ça un peu rigolo. C’est un pote qui m’avait dit ça un jour, toi t’es le mec le plus cool de la terre. En fait il se foutait de ma gueule, et ça m’était resté. Dans ce morceau je voulais parler de ma colère. Mais c’est un gag, je me moque de moi-même aussi.
C’est un truc qui m’a beaucoup préoccupé, la colère. Un truc qui m’a fait faire beaucoup de conneries. Alors que je ne me considère pas comme un caïd. Mais cette émotion là m’a beaucoup fait de tort dans ma vie, que j’allais compenser ailleurs, en faisant des conneries.
Je me suis rendu compte que mon père était super en colère. C’était un mec qui venait d’un milieu très prolo. Il était chauffeur routier, il a bossé très jeune, il s’est battu, il a beaucoup travaillé pour grimper. Ma mère, anglaise, très middle class, aussi, c’était des gens qui étaient en colère. Et on hérite de ça. Ca fait partie du cadeau. Souvent je parle de toutes les influences musicales, ma mère m’a fait partager ses lectures, le cinéma, les policiers, Ray Charles, Elvis Presley, les Platters… J’étais baigné là-dedans. Mais en même temps il y avait la colère.

La Grosse Radio
Et tu es en colère contre quoi ?

Stéphane Guichard
Je pense qu’il y a plein de choses injustes. (silence). Voir de plus en plus de gens crever dans la rue, que personne ne bouge, et qu’on s’habitue à ce truc là… Sans paraître naïf, ça me fout en colère. Ca me rend très triste.
La colère c’est une protection contre la tristesse. C’est pas acceptable. C’est pas acceptable qu’il y ait des mecs qui se fassent offrir des costards à 100 000 € en donnant des leçons de droiture pendant que des gens crèvent en se décomposant. Il y a ça.
Et puis il y a d’autres choses. Je peux être en colère par exemple dans la musique. Maintenant tu trouves des directeurs artistiques, qui ont écouté 3 disques dans leur vie, mais qui ont réussi à avoir un peu de pouvoir dans une maison de disques, et qui décident pour quels groupes on va faire de la promo, et lesquels on va laisser dans un tiroir. Et c’est même pas de moi dont je parle ! Ca aussi c’est une raison d’être en colère !
Mais il ne faut pas se tromper non plus, il y a des choses pour lesquelles c’est vain, la colère. Je ne suis pas Don Quichotte non plus.
Mais il en faut, de la colère. Si tu perds ce côté-là, la vie peut vite devenir très chiante. Tu deviens résigné. Et je ne suis pas résigné. Je pense qu’il y a toujours des choses à faire. C’est ce qui se passe avec les Soucoupes. Quand j’ai repris le groupe, je me suis dit, au moins t’es pas résigné. Tu remontes sur le cheval, et tu vois ce qui se passe. C’est ça aussi ne pas être résigné.

La Grosse Radio
Par quel hasard t’es-tu retrouvé sur le solo de l’infini de Manu ?

Stéphane Guichard
C’est le guitariste de Manu, qui était dans les Bandits avant. Il connaissait les Soucoupes de nom. Et il me dit, Manu a lancé ce morceau, est-ce que ça t’intéresse ? Et moi je dit, oui, bien sûr.
Il balance le morceau, j’écoute. Techniquement je ne suis pas un guitare héros. Mais ce morceau je le trouvais super. Et puis cette idée de solo de l’infini, en boucle, ça permet beaucoup de choses. Je trouve des petits riffs, je demande à Jean-Paul, l’ingé-son, qui vient chez moi, et on enregistre sur un ordi, en deux heures. Je l’ai envoyé, ils étaient hyper contents, et ça m’a fait super plaisir.

Soucoupes Violentes, Rock, 2017

Photo : Baldo


La Grosse Radio
Fort Intérieur a été financé en partie par un crowdfunding. Comment ça s'est passé ?

Stéphane Guichard
Pour les 2 derniers albums, on s’est endetté. Je n’ai pas de home-studio. Je fais mes maquettes sur un zoom, mais je n’élabore pas mes morceaux. Je travaille avec Jean-Paul Vittori, que j’ai rencontré par hasard. Il a un studio, et le studio c’est pas gratuit.
Pour le premier album, on avait mis deux ans de cachet de côté, et on les a tous mis dans le studio. On avait fait ça en 10 jours.
Pour Fort Intérieur, le dernier, on a enregistré les démos. On lui a dit tu sais, pour l’instant on n’a pas une thune. Il m’a répondu c’est pas grave, j’ai envie de refaire un album avec vous. Si tu as des morceaux, on y va, et on verra pour la douloureuse après. Et puis ça c’est monté, et plus ça avançait plus le truc prenait une bonne gueule, et plus il prenait confiance. On n’était pas persuadé, mais on se disait que, comme on avait quelques appels du pied de labels, tu vois…
Et puis au final ces labels n’ont rien fait ! Donc on a cet album, qui a coûté du pognon, et à un moment, il est dans un tiroir. Alors qu’on sait qu’il est bien, qu’on est content du résultat. Et là, un mec, qui s’appelle Bruno Gaston, qui nous suit depuis les années 80, et qui nous parle des financements participatifs. Il nous explique le truc, comment tu calcules combien il te faut encore de thune, pour comment tu fais ton budget, rembourser le studio, presser la pochette, le mastering, tout ça, tu fais un budget au plus près. Et tu sors ton album !
Et on a tout payé nous-même, le pressage, la gravure, les pochettes, le photographe, maquettiste, avec plein de gens qui ont travaillé gratuitement. Et on a réussi à aller jusqu'au bout du truc, et à se payer l'album comme ça. Mais je ne suis pas sûr de le refaire.

La Grosse Radio
Premier album, "dans ta bouche". Maintenant, "Sur tes lèvres". Il y a un message ?

Stéphane Guichard
(rires) C'est des conneries tout ça ! C'est une histoire de nana, ça parle d'incompréhension... Dès fois tu te rends compte que les gens ne se comprennent pas.
"Dans ta bouche", ça parlait de ça, d'une manière un peu drôle, un peu rock'n'roll. "Sur tes lèvres" c'est la même chose 35 ans après. Je parlais d'une histoire où, une fois que ça a été fini, je me suis rendu compte qu'on avait vécu chacun une histoire, mais que ce n'était pas la même. C'est souvent le thème de mes chansons, mais dit d'une manière drôle, sans faire dans le philosophique.

La Grosse Radio
Et la suite ? A quoi vont ressembler les Soucoupes du futur?

Stéphane Guichard
On va ouvrir deux dates avec Paul Collins, qui fait un European Acoustic Tour. C'est un mec adorable, je l'avais vu au Petit Bain, j'avais pris une claque phénoménale. Il voulait faire une tournée en France, on s'est trouvé, et donc ça va tomber le 11 et 12 mai, Vannes et Paris. Puis après on a d'autres dates, mais ce sera après septembre.
Côté album, j’ai commencé à écrire de nouveaux morceaux, j’en ai un petit peu partout, sur des appareils téléphoniques, des notes, un petit peu partout… Maintenant il faut rassembler tout ça. J’ai commencé il y a deux semaines, et il y en a un qui est fini. Ce sera sans doute Nick qui va produire l’album. On risque de faire ça en 8 pistes, à l’ancienne. Ca ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de production, mais ça sera avec la manette de réverbe, la manette de l’écho... Et on espère sortir le nouvel album pour septembre/octobre. Mais il faut vraiment qu'on mette le turbo.

Soucoupes Violentes, Rock, 2017



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