La fin brutale et inattendue de la Jim Jones revue avait laissé un grand vide dans le monde du rock ‘n’ roll garage de première bourre. Henri Herbert est parti voler de ses propres ailes en proposant un combo axé piano boogie avec Nick Jones derrière les futs. Pour l’instant nos radars n’ont pas de nouvelles de Rupert Orton, le six cordiste… Embarquant dans son sillage Gavin Jay à la basse, le patron n’allait pas pour autant rester inactif.
Sitôt actée la fin de la Jim Jones Revue, Jim s’est remis au travail immédiatement pour nous proposer une nouvelle formation, les Righteous Mind. Mal Troon à la guitare, Matt Millership au piano et Phill Martini à la batterie complètent le line-up. Très vite les premiers singles arrivent et annoncent un rock plus travaillé, plus proche de Thee Hypnotics que de la Jim Jones Revue. La mayonnaise prend et revoilà le gang prêt à nous livrer Supernatural, son premier effort long format…
De quoi rêvent Jim Jones et ses nouveaux copains les Righteous Mind ? Certainement de choses bien rock ‘n’ roll. Le hurleur n’a rien perdu de la verve qui l’habitait dans la version Jim Jones Revue. Musicalement, on joue quand même plus du coté gros rock tendance noisy que du coté du rock revival comme pour l’ancien combo.
Les tempos sont bien plus plombés dans cette nouvelle incarnation de la Jim Jones Family. Jim "croone" à souhait, nous montre toute l’étendue de son spectre vocal. Dans les basses, il fait merveille et ressemble parfois à un chanteur de heavy metal. Le bonhomme semble possédé sur des titres comme "Aldecide", "Base Is Loaded" ou "Hands On You" avec ses chœurs "who ho ho" ne sont pas sans rappeler les mythiques vocalises stonienne qui ont fait la légende de "Sympathy For The Devil". Puis au milieu de ces ambiances aussi pesantes qu’un "Iron Man" de Black Sabbath ou d’un titre de Ty Segall avec Fuzz, un solo de piano ou une guitare solo sortie de nulle part illumine la scène, soutenus par des riffs d’outre-tombe. Un bien beau mélange qui nous prouve que Jim Jones et ses Righteous Mind ne sont pas à cours d’idées pour nous surprendre.
En tout cas, les rythmiques sont lourdes à souhait et sont capables d’ancrer solidement les bases des nouvelles compos tout en permettant à Jim Jones de se mettre en orbite autrement que hurlant tout le show. Il est vrai qu’avec la JJR, tout le monde était à fond dès le début du show puis n’arrêtait pas d’accélérer. On comprend la lassitude et surtout la fatigue qu’ont pu générer de tels shows. Ici, Jim Jones semble beaucoup plus libre, prêt à explorer différentes directions mais tout en gardant cet esprit rock anglais qui est le sien. On pourrait voir en lui un trublion successeur de Screaming Lord Sutch !
Sur cet album, on a l’impression que Jim s’est mué en hurleur des temps modernes un peu à la manière de Jon Spencer. Seule différence, le fond musical est très loin d’être typé rock fifties mais c’est plutôt du très gros rock actuel avec une rythmique martiale et des grattes bien saturées avec une basse qui rebondit dans votre crâne pour vous dicter le chemin dès fois qu’il vous viendrait l’envie de vous égarer. Ce contraste entre la gratte distordue, la rythmique puissante et la sensibilité dans la voix semble être une ligne de conduite chez Jim Jones And The Righteous Mind et c’est peut-être là que réside toute la puissance et l’originalité du groupe.
Et même si "Boil Yer Blood", le morceau le plus court de l’album, présente quelques aspects garage sixties psychédélique qui rappellent les productions de la JJR, on notera aussi que le format des chansons a beaucoup changé avec le nouveau groupe. Là où la Jim Jones Revue dépassait rarement les trois minutes, les Righteous Mind préfèrent les titres plus longs même s’ils ne rivalisent pas encore avec "Atom Heart Mother" des Pink Floyd ou "In A Gadda Da Vida" de Iron Butterfly qui remplissaient à eux seuls une face de 33 tours.
Enfin on trouvera sur ce Supernatural, deux ballades ! Eh oui ! Qui aurait vu le mec qui hurlait il y a quelque année qu’il allait mettre le feu à la maison revenir quelques années plus tard avec une ballade… Mais attention, pas n’importe quelle ballade, un truc bien ficelé à la Nick Cave, gavé de feeling, avec des musiciens qui n’ont pas leur pareil pour nous attirer dans leur monde. Leur piège fonctionne. On tombe dedans. Tel une araignée attirant sa proie dans sa toile, Jim Jones et ses Righteous Mind provoquent une fascination qui oblige à les suivre. Le coté rock est toujours bien ancré dans l’âme du groupe mais il prend diverses formes et ne se cantonne plus qu’à l’héritage des pionniers et l’énergie brute.
Avec Supernatural, Jim Jones et ses Righteous Mind nous offrent un magnifique album de rock ‘n’ roll hanté. Jim Jones prend le temps. Ici on n’est plus tout le temps à fond comme dans la Jim Jones Revue. On explore d’autres territoires, on revient à d’anciennes amours. Une ambiance plus sombre se dégage. Les morceaux sont plus complexes mais restent toujours aussi abordables même s’ils sont moins sauvages. Encore, Une bien belle réussite donc pour Jim Jones avec son nouveau combo que nous verrons très prochainement pour leur release party prévue le 10 mai 2107 au Petit Bain à Paris.
Jim Jones &The Righteous Mind - Supernatural - Sortie le 12 mai 2017 chez Hound Gawd