Attention pépite. Ou mine d’or devrait-on désormais dire tant les australiens de Holy Holy impressionnent de par leur créativité. Comme pour faire suite à leur bonne entrée en matière, on touche une nouvelle fois à du lourd, caché derrière un tableau moins sobre que le nom de son auteur, James Drinkwater.
A peine deux ans après leur très réussi premier opus When the storm would come, les prolifiques têtes créatives du groupe ont géré avec une facilité quasi naturelle la difficile étape du deuxième album mais surtout celle de la confirmation après la réussite. Ce n’est pas chose aisée quand on sait que des cadors de la discipline ont déjà connu l’échec (Rest In Peace Kid A, tu trouveras un jour ton public). Ici, nous avons entre les mains un album abouti, sincère et réfléchi où on peut sentir le plaisir que le groupe a eu à le réaliser. Analyse probablement peu objective d’un disque d’ores et déjà en place d’honneur dans ma collection.
Comme dans tout bonne histoire, l’album commence par un ‘’il était une fois’’ des plus agréables avec "That message" sobre mais à la ligne de basse terriblement efficace lorgnant légèrement du coté du R&B. On retrouve la voix enivrante qui parait si loin et si proche en même temps de Tim Carroll et le talent du guitariste Oscar Dawson qui arrive à nous sortir des sons venus d’un autre monde. C’est justement la basse que l’on entend le plus dans le morceau "Willow Tree", qui se fend d’une sortie de morceau instrumentale un rien psychédélique et étouffante qui fait fort penser à ce trip dément qu’est le morceau "On the run" des Pink Floyd.
Comme s’ils s’étaient tous passé le mot ces derniers temps (le clip de "I feel it coming" de The weeknd ou la série Stranger Things en sont des bons exemples), certains morceaux nous font voyager dans le temps, un temps où les téléviseurs étaient teintés de couleurs flashy douteuses, le gilet de baseball à la mode et "Girl just want to have fun" sur toutes les lèvres. Les morceaux "Elevator" et "True Lovers" portent l’album à des sommets encore jamais atteints par le groupe et pourraient limite provoquer un sentiment de nostalgie de cette époque à des personnes n’y ayant même pas assisté (je plaide coupable). De loin les titres les plus réussis de l’album, les arrangements de synthétiseurs et guitares sont impressionnants d’originalité et font étrangement penser au type de sons qu’utilisait autre fois feu Prince. Commençant étrangement comme l'envoutante "Tubular Bells" de Mike Oldfield, les guitares saturées de "Elevator" viennent vite nous rassurer. C’est impressionnant comme leurs grattes ont toujours un sens, quelque chose à dire et ne sont pas juste là pour nous balancer des gammes pentatoniques lourdes et du tapping à n’en plus finir. Le morceau finit en nous ordonnant de ne pas regarder en arrière, sûrement parce que le meilleur est encore à venir.
Des morceaux plus calmes parsèment l’album en transportant toujours cette image de néon mauve flashy très 80's ("December" et l’utilisation de la reverb pour la voix ou encore "Shadow" dont la fin est on ne peut plus intéressante) mais c’est principalement de folie qu’on parle dans cet album. On a souvent l’étonnante impression que les morceaux se dirigent tous doucement vers une sortie banale, que la fin est proche et que l’on a qu’à manger notre main et garder l’autre pour demain mais ils ont plus d’un tour dans leur sac, les gredins. Très étouffant et oppressant grâce à une batterie folle et un débit de paroles à faire pâlir d’envie Marshall Mathers, le morceau "Gilded Age" rappelle de manière impressionnante la fin complètement barrée de "2+2=5" des Radiohead. Cela tient limite de l’hommage quand les boys sortent le style de riff de guitare de Johnny Greenwood. Et c’est tant mieux, ça fait toujours plaisir de savoir qu’il y a des groupes qui osent encore surprendre.
Bon stop. Se poser, remettre le CD, respirer et redevenir objectif. Holy Holy nous propose aussi des morceaux que l’on sent plus ‘’radio friendly’’ comme "Darwinism" ou encore "Amateurs" mais sans trahir l’esprit du groupe et le sentiment de maîtrise de son sujet. Avec des guitares efficaces et sans tache, la recette miracle pour faire passer des mélodies pop entrainantes pour du rock de connaisseur. Et en guise de paraphe, le morceau à la première écoute difficile, "Send my regards", nous renvoie au temps des morceaux interminables, croulant sous les pistes de synthétiseurs, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Porte de sortie logique mais néanmoins pompeuse qui ne sera pas au goût de tout le monde.
Conclusion : "Je sais pas comment te dire ce que je peux pas écrire" diraient les autres tant l’album Paint est une vraie réussite. Chaque morceau a sa propre identité et nous propose une saveur unique, le tout emballé dans une production aux petits ognons. Si je devais moi aussi peindre un tableau, je ne le voudrais pas différent de celui que nous a peint Holy Holy. Un classique à en devenir.
Tracklist
1 That Message
2 Willow Tree
3 Elevator
4 Shadow
5 Gilded Age
6 Darwinism
7 True Lovers
8 Amateurs
9 December
10 Send My Regards
Sortie le 24 Février chez Sony Music Australia.