Jambinai – A Hermitage

"De l'inattendu c'est bien, de l'inattendu bien composé avec un chouette travail sur le son, c'est mieux. Et c'est là que se situe le fossé qui sépare les deux albums de Jambinai"

Si Jambinai suscite l'intérêt chez nous, à en croire les musiciens, ce n'est pas le cas dans leur pays d'origine, la Corée du Sud. Ce qui est un peu dommage, car le groupe n'a pas volé les réactions enthousiastes qu'il déclenche. Le premier album, Différance, sorti en 2012 en Corée (mais en 2015 dans nos contrées), nous proposait de découvrir une musique éminemment bordélique et maladroite. Clairement pas une réussite, mais l'essentiel était ailleurs : Jambinai avait des choses à dire, et paraissait bien déterminé à relever le défi de trouver son propre style, quitte à essuyer les plâtres lors de ce qui apparaît avec le recul comme une période d'apprentissage. Période d'apprentissage qui a porté ses fruits, car c'est un fossé qui sépare ce premier jet de A Heritage, sorti en juin 2016 et que le groupe a eu l'occasion de défendre de par chez nous, notamment lors de la dernière édition du Hellfest.
 

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Difficile de décrire la musique de Jambinai, l'étiquette "post-rock" étant davantage utilisée par défaut qu'autre chose, même si des passerelles peuvent éventuellement être faites avec Russian Circles pour le mélange de passages ultra rugueux et de moments planants. Jambinai se situe davantage du côté des musiques alternatives (ce n'est pas pour rien qu'ils ont été invités en 2014 aux Transmusicales). Les murs de sons furibards et dissonants ("Wardrobe") côtoient les morceaux de grâce au sein desquels les instruments coréens traditionnels se taillent la part du lion ("For everything that you lost", hypnotique). Outre les talents de compositeurs des musiciens, l'autre point fort du groupe est en effet la présence de sonorités que l'on a pas l'habitude d'entendre dans le rock.

Cette dernière affirmation n'est pas tout à fait exact : la popularité de la culture asiatique a incité certains musiciens à tenter le coup, à utiliser des Shamisen japonais, pas toujours avec bonheur, tant il est vrai qu'il peut être facile de tomber dans la mélodie pseudo asiatique ultra clichesque qui démontre davantage l'ignorance des musiciens que leur amour (par ailleurs bien réel) du genre. Ici, on a non seulement affaire à des gens du cru, mais aussi à des musiciens chevronnés. La guitare électrique côtoie donc le Haegum et le Geomungo (on vous laisse découvrir en vidéo plutôt que de partir dans de longues descriptions hasardeuses). Ajoutez à cela une section rythmique et l'absence d'un chant proprement dit (tout au plus des voix parlées qui interviennent ici ou là), et l'on obtient un groupe au son peut-être pas unique, mais original et qui procure un grand bonheur puisqu'inattendu.

 

 

De l'inattendu c'est bien, de l'inattendu bien composé avec un gros travail sur le son, c'est mieux. Et c'est là que se situe le fossé qui sépare les deux albums de Jambinai : les concerts et les 4 années qui les ont séparées ont visiblement permis au trio (il n'y a que trois membres permanents) d'affiner son propos et de proposer un labyrinthe de sonorités qui alterne phases contemplatives, passages à la limite de la bande originale de films asiatique à grand spectacle ("Naburak") et gros riffs puissants qui gagneraient sans doute à être plus présents à l'avenir. Si reproche il y a, c'est que l'album, au lieu de tout faire pour conserver son hétérogénéité, tend à délaisser certaines de ses facettes pour se concentrer sur d'autres, d'où une deuxième partie plus monochrome. 


Il y a donc encore une petite marge de progressions pour nos coréens, mais que l'on ne s'y trompe pas : A Hermitage est une belle réussite qui saura vous faire voyager.

7,5 / 10

Sorti en juin 2016 chez Bella Union
 

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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