Comme chaque année ou presque, revoilà Enter Shikari sur les routes françaises, cette fois pour fêter comme il se doit les dix ans de son premier album, Take To The Skies. Un album dont une partie de la fanbase n’a jamais vraiment su se détacher malgré l’évolution du groupe et qui fait figure de madeleine de Proust pour un certain nombre de fans. L’occasion pour La Grosse Radio de se rendre à Tourcoing pour la dernière date européenne de cette tournée qui contenait forcément son lot de raretés et vieilleries niveau setlist. A noter que le concert de ce soir commence excessivement tôt puisque tout est déjà terminé avant 21 heures.
Mallory Knox
Bien que les portes de la salle soient ouvertes depuis à peine 20 minutes lorsque Mallory Knox monte sur scène, le public est déjà assez dense pour applaudir les Anglais. Logique pour un groupe qui commence à avoir une notoriété conséquente et quelques fans au premier rang connaissant les paroles sur le bout des doigts.
Musicalement, on est face à un pur produit Anglais, à la Young Guns ou Don Broco : un indie-rock sage qui s’énerve de temps à autre mais qui reste la plupart du temps trop lisse pour convaincre des spectateurs venus pour l’explosion qu’est Enter Shikari. Le chant se partage entre le frontman Mikey Chapman et le bassiste Sam Douglas, ce dernier possédant un grain typé pop-punk plutôt appréciable.
Les titres parviennent à se démarquer du rock anglais classique grâce à de belles nuances jouées par les deux guitaristes et le groove de Dave Rawling à la batterie leur donne une pêche certaine. Mais en dehors de tout ça, on ne peut pas dire que l’attitude scénique des cinq membres respire la motivation et la sympathie, malgré quelques interventions de Mikey entre les titres. Alors qu’ils bénéficient d’un auditoire conséquent pour une première partie, Mallory Knox ne se donne pas à fond pour le convaincre et l’ensemble reste donc plutôt passif. Fatigue ou légère flemme de fin de tournée ?
Mallory Knox fait partie de ces groupes d’ouverture loin d’être inoubliables, avec une direction musicale bien trop sage pour coller avec les expérimentations de la tête d’affiche du jour. Après avoir annoncé que l’on pourrait les revoir au Download festival parisien dans moins d’un mois, le combo quitte la scène pour laisser sa place à Enter Shikari.
Enter Shikari
Après avoir tourné sans relâche pour The Mindsweep, voilà Enter Shikari de retour chez nous cette année pour nous proposer son premier album Take To The Skies en intégralité. L’occasion de constater à quel point le son du groupe a évolué depuis dix ans pour se replonger dans les breakdowns et les mélodies electro cheaps qui ont fait la signature des quatre anglais déjantés à leur début.
Pour commencer, Rob Rolfe arrive sur le devant de la scène au milieu de ses camarades pour nous jouer l’introduction avant que ne débarquent les premiers riffs d’« Enter Shikari » qui mettent déjà un joyeux bazar dans la fosse. Pas de barrière pour une communion totale entre le public et les musiciens, les premiers stage dives ne tardent pas à arriver alors que les premiers rangs scandent d’une seule voix la devise du groupe : « And still we will be here, standing like statues ».
En ce début de concert, le son est plutôt brouillon et on a du mal à entendre le chant au milieu de ce public qui hurle si fort chaque mot. Tout cela ne va pas s’arranger avec « Mothership » et son breakdown dévastateur qui met littéralement le Grand Mix à feu et à sang. Il est surprenant de voir à quel point le public connait sur le bout des doigts les chansons de Take To The Skies, même les moins connues, preuve de l’influence énorme de cet album sur nos adolescences lorsque le metalcore n’était encore qu’un genre balbutiant. Tourcoing, tu peux être fier de toi ce soir, même si l’affluence est moindre que dans les autres pays européens la passion est absolument remarquable.
Le public a beau être incroyable de son côté, sur scène on ne peut s’empêcher de sentir un petit malaise. Rou Reynolds est beaucoup plus réservé que d’habitude et la communication est réduite au minimum, le groupe enchaînant les chansons sans sourciller. Alors qu’on est habitué à une proximité maximale lors des concerts des Anglais, on ne peut s’empêcher de s’étonner du manque d’enthousiasme que l’on sent chez eux, peut-être à cause de quelques problèmes techniques. On aura du mal à entendre le chant durant tout le concert et juste avant « Juggernauts », c’est le clavier de Rou qui semble le laisser tomber avant que Rory C ne le fasse miraculeusement repartir, s’attirant les hourras de la foule.
Take To The Skies est évidemment une machine à tubes et « No Ssssweat » donne l’occasion aux plus téméraires de saisir le micro pour s’égosiller. Les breakdowns assassins de « Return To Energiser » et « Sorry You’re Not A Winner » déchaînent les mosheurs avant que le plus récent « Anaesthetist » ne trouve lui aussi parfaitement sa place au cœur de la setlist. On a toujours du mal à entendre le chant mais il est comme d’habitude bien partagé entre Rou et les timbres plus aigus de Rory et Chris, notamment sur la très enjouée « Jonny Sniper ».
Le concert est passé beaucoup trop vite et voilà déjà les titres de clotûre de Take To The Skies. Un « Adieu » très attendu et superbement interprété par Rou et Chris à la guitare acoustique avant « Redshift » en rappel, deux des moments les plus calmes du concert. Mais ce calme n’est qu’apparent car tout le monde le sait ici : « Ok, Time For Plan B » débarque avec ses moshparts dantesques, l’occasion pour le public de Tourcoing de conclure avec un joli wall of death et des stage dives à foison. Bizarrement, Shikari ne s’arrête pas là et conclut avec « The Appeal and the Mindsweep II » qui semble un peu hors de propos, mais on ne va pas se plaindre de reprendre trois minutes supplémentaire de concert.
Quiconque a déjà expérimenté le bazar monstre que peut-être un concert d’Enter Shikari ne peut s’empêcher de rester sur sa faim au vu de la retenue manifeste des membres du groupe ce soir. Ces derniers ne s’éternisent d’ailleurs pas sur scène et les roadies se dépêchent de tout ranger pour attraper à l’heure le ferry qui les ramènera chez eux. On se consolera en se disant que pour n’importe quel autre groupe, ce concert aurait été plus que satisfaisant et que côté public, les fans français et belges n’auront pas à rougir de leur énergie.
Setlist:
Enter Shikari
Mothership
Anything Can Happen in the Next Half Hour...
Labyrinth
The Last Garrison
Sorry, You're Not a Winner
Juggernauts
No Sssweat
Today Won't Go Down in History
Anaesthetist
Return to Energiser
Jonny Sniper
Adieu
Redshift
OK, Time for Plan B
The Appeal & the Mindsweep II
Photos : Nathan Dobbelaere sur la date d'Anvers.
Nathan Dobbelaere Photography