Une carrière immense, de nombreuses dates françaises, que ce soit en région parisienne comme en province, et pourtant, il aura suffi d'une mention, celle de The Long Goobye Tour, pour que Deep Purple puisse enfin remplir la salle emblématique et ô combien plus grande qu'est le Palais Omnisports de Paris Bercy. En effet, à défaut d'avoir du mal à remplir les derniers Zénith sous leur seul nom, il était difficile de voir les anglais passer sur une salle de capacité plus importante. C'est pourtant chose faite et c'est donc pour découvrir Infinite, leur dernier album, que le public s'est déplacé en masse ce soir.
Monster Truck
À chaque prestation son introduction, et le groupe fait ce soir un choix intéressant avec les canadiens de Monster Truck. Si le nom fera directement penser à la folie des gros calibres véhiculaires et à un côté "Redneck America", le son sera à la hauteur de ce à quoi on s'attend. Patibulaire, lourd et très carré, il fait son effet de rouleau compresseur, limite dévastateur, et nous entraîne immédiatement avec lui. Si l'on était un peu moins convaincu en studio, le tout est terriblement efficace en live.
Ce côté rock stoner extrêmement inspiré 70's nous fera immédiatement penser à Wolfmother, dans son apparat rock le plus brut, mais aussi à The Answer grâce à la puissance de Jon Harvey (chant, basse), nous rappelant les envolées de Cormac Neeson. En frontman frénétique, Jeremy Widerman (guitare) donne tout ce qu'il a dans les tripes, et le spectacle est beau à voir, tant dans la musique qui forcera les plus récalcitrants à donner de leur énergie que dans le visuel, simple mais empleint d'une énergie pure, électrique.
Le seul bémol au tableau restera la présence masquée de Brandon Bliss (claviers), noyée sous les décibels des guitares. Au final, ses lignes étant surtout centrées sur des nappes d'accords, il n'y aura rien d'indispensable, et l'occasion de l'écouter s'exprimer se fera sur un blues plutôt longuet et franchement dispensable face à l'efficacité de la prestation. Monster Truck fait le job, est un atout fameux pour Deep Purple, et on leur souhaite une longue route mêlée d'inspiration.
Deep Purple
Lorsque le kick de grosse caisse retentit violemment pour une énième balance, tout le monde frémit. On sent déjà que la frappe singulière de Ian Paice (batterie) va provoquer de l'émoi, et que le maître à penser de la légende anglaise va encore faire des ravages. On en ressortira frissonant deux heures plus tard, fou d'un batteur qui aura tabassé ses futs comme jamais, quelquefois plus calme dans ses interventions mais avec des breaks toujours aussi uniques.
Mais il serait de mauvais goût de ne saluer que le talent du dernier vétéran de la bande. "Time For Bedlam" lancera les hostilités et avec elles leur lot d'émotions. Deep Purple n'est pas juste en vie, il déborde d'inspiration et d'énergie. On le verra dès la fin du premier couplet, où Ian Gillan (chant) se tentera de passer quelques notes à l'octave supérieure, pour nos plus grands frissons. S'il la jouera plus sage sur "Bloodsucker", là où il se lâchait encore l'année dernière, ces moments où les falsettos font rage, comme la fin de "Strange Kind Of Woman", démontrent encore que le chanteur en a dans le caisson, là où depuis quelques années, on s'attend à son dernier râle. Le septuagénaire porte finalement bien ses années, et en ayant réadapté sa puissance vocale parvient de temps en temps à sortir des prouesses, mêlées à son humour habituel, que ce soit dans ses discours très "british" ou dans sa manie de lire ouvertement ses paroles quand il s'agit de nouveaux morceaux, lui qui s'en fout de les apprendre et est juste là pour le kif. Nous aussi, on était là, et on a kiffé cette spontanéité.
La bonne humeur est toujours de la partie avec Deep Purple, ce qui nous fait encaisser leurs années avec sourire. Eux aussi d'ailleurs, que ce soit Roger Glover, fatigué mais bien présent, qui se réveillera comme à son habitude vers la fin du concert pour venir balancer quelques choeurs sur "Hell To Pay", ou Steve Morse qui gardera le sourire malgré les douleurs que l'on décèlera sur son visage lors des parties techniques. Malgré ses problèmes d'ailleurs, et une fin de concert où forcément, on le sentira moins enclin à balancer du shred à tout va, son exécution est toujours d'une finesse et d'une précision incroyable, et fait honneur à son jeu reconnaissable entre tous, quelles que soient les nombreuses formations auxquelles il a adonné sa patte.
L'immense claque de la soirée sera celui qui depuis son arrivée dans le groupe, en 2002, prend de plus en plus d'ampleur, tant dans la présence scénique que dans les choix de compositions (notamment au niveau des sonorités). Lorsque Don Airey (claviers) entame son solo qui introduira "Perfect Strangers", il s'élève au rang de virtuose. N'importe quel pianiste classique ou jazz ne pourra être qu'impressionné par la technique, la rapidité et la constance du jeu d'Airey. Jouant sur les ambiances, ce dernier joue comme il respire, et tout lui semble d'une simplicité déconcertante. Avec Paice, il tient la baraque, et on sait que tant que ces deux-là auront la forme, le groupe tiendra la route, et ce Long Goodbye Tour durera encore quelques années.
Côté setlist, pas de surprises si ce ne sont les nouveaux morceaux. Quatres titres représenteront Infinite, et là où "Johnny's Band" peinera à gagner en intensité live, "Birds Of Prey" sera beaucoup plus intéressant à redécouvrir, donnant envie de se faire un second avis sur le morceau qui, en studio, avait moins convaincu, et laissant la part belle au solo final ultra-mélodique de Steve Morse, ce qui compensera l'absence d'une véritable intervention en solitaire du guitariste ou d'un "Well-Dressed Guitar", qui avait pourtant une place de choix dans les sets habituels du pourpre. Malgré tout, le groupe prendra le risque en interprétant "The Surprising", morceau le moins abordable et le plus fouillé de l'album, titre qui sera d'ailleurs idyllique en milieu de prestation.
Une fois passée la présentation des nouveaux titres, le groupe finira sa prestation en autoroute, enchaînant les mêmes titres placés au même endroit qu'à l'accoutumée. Dommage pour les fans fidèles des différentes apparition françaises du quintette, mais véritable dose d'efficacité pour les fans qui pourront découvrir l'intensité d'une formation à l'aise dans ses interprétations, et surtout ses improvisations. Car comme toujours, Deep Purple s'exprime, notamment à partir des rappels, où "Hush" et "Black Night" sont l'objet de passages plus libres pour chaque musicien. Que ce soit l'introduction de "Hush" - cette fois-ci un instrumental sur le "Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band", des Beatles (une grande première !) -, le fameux question/réponse Morse/Airey qu'ils feront durer avec malice, prouvant que malgré un poignet en vrac, Steve Morse en encore capable de repousser bien violemment ses limites, ou le solo de Roger Glover avant "Black Night", destiné à nous faire participer dans un échange basse/batterie simple et efficace, ce qui ne manquera pas de faire mouche.
Oui, le groupe a vieilli. Mais pour une formation vieillissante dont deux des membres ont dépassé les 70 ans, le constat reste bénéfique, et tout tient sacrément la route, notamment musicalement. Les envolées sont là, la technicité n'a pas de pair, et on passe un grand moment dans un rock qui joue au jazz, avec des maîtres en la matière qui se connaissent comme ils connaissent leurs instruments à la corde près. Un immense moment, et une grande tournée qui commence. Rendez-vous au Hellfest !
Setlist :
Time For Bedlam
Fireball
Bloodsucker
Strange Kind Of Woman
Johnny's Band
Uncommon Man
The Surprising
Lazy
Birds Of Prey
Hell To Pay
Keyboard Solo
Perfect Strangers
Space Truckin'
Smoke On The Water
Hush
Bass Solo
Black Night
Photos : Nidhal Marzouk / ©2017
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