Sacré challenge que cette vingtième et unième édition pour la Roller Association. L'an passé, ils n'ont pas lésiné pour célébrer les vingt piges de leur Cosmic Trip made in Bourges. La prog' d'anthologie - et internationale, comme de coutume - fut récompensée par une affluence record. Et le vénérable palais d'Auron a mis plusieurs mois à se remettre de ce symposium annuel de l'amicale des amateurs de "wild'n crazy rock n'roll"… Il en fallait plus pour impressionner nos gentils organisateurs / programmateurs et la centaine de bénévoles qui oeuvrent à leurs côtés les jours J. 18 groupes, carrément… Chez ces gens-là, on ne compte pas chez ces gens-là Monsieur, on vibre !
Pour les garageux qui font le voyage cette année encore, ce fut tout aussi cosmique que l'édition précédente. Car, comme le relate la presse locale, la Roller Association a décidé "de relever le défi de faire de l'extraordinaire, un ordinaire désormais". Une vraie organisation en bande organisée, cette association de rockers patentés. A l'origine de l'affaire, quatre blousons noirs de chez noir, The Roller Coaster. Des demi-sels berruyers, qui entendaient bien développer une filière "french rock'n roll touch". Sous couvert associatif, ils raflent l'oseille pour se payer leur propre galette, une compil des méfaits de leurs semblables un peu partout dans l'hexagone. Intitulée en toute sobriété, Cosmic Trip…
Sont pas des branques, les Roller. Te blanchissent vite fait, bien fait le fruit de leur anarque. Trouvent vite des associés pour organiser des concerts, prétexte à diffuser leur came. Des prudents, qui se la joueront toujours bon père de famille. Commençent discrets, dans des rades comme le El Bongo, tenu à l'époque par un caïd du nom de Mike Turner, reconverti depuis dans le djaying wak'n roll. Passent au cran au dessus en investissant le 22 d'Auron. Quelles pattes d'élus locaux ont-ils du graisser pour parvenir ensuite à s'installer dans le Palais d'Auron, hall des congrès de la ville… C'est que l'organisation est devenue tentaculaire au fil des années. Autour des parrains fondateurs, s'est vite constituée une équipe de consigliere, d'autant plus avisés qu'ils ont d'étroites connections avec les mafias garageuses européennes. Ce qui permet de faire venir des pointures, des killers - et des killeuses - du rock garage…
Photo © Anhony Leforestier
Pas moins de 18 groupes donc, pour un public de fans venant de France, de Navarre et d'ailleurs ! Malgré la tentative de sabotage de la Sneuneuceufeu, qui décide de réaliser des travaux sur la ligne Paris - Bourges durant ce week-end de viaduc ascensionnel… Malgré la malveillance des sbires de la météo qui décrétent une canicule sur la région… Malgré tout ça, du monde encore pour cette vingt et un ième ! La moyenne d'âge s'approche toujours dangereusement de la limitation de vitesse en ville, mais chacun trouve musique à son oreille. Tous les groupes sans exception déploient une énergie sans nulle autre pareille sur scène. Des riffs, des tempos certes basiques pour des mélomanes plus cérébraux qu'instinctifs... Mais qui tapent direct dans le bide, siège de notre cerveau émotionnel, à ce qu'il parait…
Photo © Anthony Leforestier
Certains misent sur leurs frimousses et leurs énergies de gamins pour épater le public. N'est-ce-pas, Les Lullies, Plastic Man, The Shivas et consorts…. D'autres comme The Kings of outer space, préfèrent parier sur le prestige de l'uniforme. Jeoren Haamers and the Zorchmen arborrent eux le look psychobilly. Complets rouge ou blanc, banane péroxydée. Les belges de Hell o tiki osent même le costume façon Satanik tandis que les deux italiens de The Devils parodient éhontément la tenue écclesiatique. En trois jours de Cosmic, c'est qu'on en ramène des images. Des scènes, bien sûr, big stage comme jungle room. Des backstage, des loges que se partagent les groupes. Du bar VIP & bénévoles, qui ne sert ses fameux mojito qu'à 21h, sinon après c'est vomito… Des allées transformées en rock'n'roll market ; stands de fringues, de vinyles. Du bar en terrasse où le samedi, c'est blanc d'huîtres et p'tits blancs. C'est parti pour un séquence émotion en mode rock n'roll !
Photo © Anthony Leforestier
Cette année, pas de personnage haut en couleurs, picaresque, bigger than life pour les anglophiles compulsifs. La précédente édition, King Khan brillait par son sens de l'ubiquité et de l'humour vestimentaire. Encore que... Hank Robot - alias Kim Kix de PowerSolo - en djellaba et surtout avec son peigne qui dépasse de la chaussette… Erica et Giani, le duo sulfureux de The Devils, encore plus sexy à la ville qu'à la scène, une fois leurs défroques jetées aux orties. Cette fan extatique de Jeoren Haamers and the Zorchmen, qui avoue elle-même "prosélyté" à outrance : "c'est le chanteur des Batmobile, le meilleur groupe de psychobilly ! je le dis à tout le monde !" Ou le dit Jeoren Haamers, en osmose avec elle : "We are the Bourgesmen !"
Photo © Anhtony Leforestier
Les paluches du Zorchmen Scott, qui caressent avec rage sa contrebasse. Le jeu lascif de Nichole Laurenne, la chanteuse et clavier des Darts, qui fait littéralement corps avec son farfisa. Une union limite BDSM au vu de ce qu'elle lui fait subir… L'esprit maléfique des Cramps qui s'empare de Dave le guitariste de Chromo Reverse, lorsqu'il se roule par terre tel un possédé. Kim de Powersolo, qui s'éclipse de scène pour laisser toute la place à son frangin Bo et son comparse à la batterie. Le sens de l'apropos des Neatbeats vis à vis du public ; nous sommes tous incapables de prononcer le terme japonais, qu'ils souhaitent nous faire reprendre. Pas grave, ils le remplacent par "Je t'aime" et ça marche au poil ! Les 4 grrl des Darts, qui n'en pouvant plus de se déhancher côté jardin, envahissent la scène des nippons. Les mêmes sémillants et affables Neatbeats en pleine séance de congratulation avec The Omens. Un autre monstre d'affabilité, Mark Robertson, batteur des Zorchmen, légende vivante du psycho avec The Meteors et The Tallboys…
Photo © Anhtony Leforestier
The Atom Age, un des chouchous de la prog qui tient ses promesses en dechainant le public. Les mélodies incantatoires du duo de Minneapolis, The blind shake. Ce père qui initie son ado de fils au set de The Richmond Sluts : "Regarde le bassiste, il a un jeu extraordinaire. Normal, ajoutera-t-il plus tard, il vient du punk…" Un repas partagé au gatering avec Franky Zwiler, Mister Radiolux himself, docteur es-garage et vrai passionné, qui s'enthousiasme pour les jeunots qui reprennent le flambeau. Le total lacher prise des quelques cent vingt cosmic girls & boys, lors du concert before des Jon and the Vons aux 3 petits cochons. C'est tout cela et plus encore le Cosmic Trip. La Cosmic bande l'a bien compris, le garage et ses multiples sous-genres sont avant tout une musique de scène. Découvrir des groupes en live au Cosmic, c'est l'assurance d'avoir envie de les écouter aussitôt après, pour la majeure partie d'entre eux. Croyez-en un converti de fraîche date... Dans le train qui le ramenait du Cosmic, tandis qu'il rédigeait sa copie, le signataire de ces lignes aperçut par mégarde ce qu'écoutait sa voisine sur son Iphone. Macarena... Heureusement il avait The Darts à fond les ballons dans les écouteurs !
Marcus Way a réalisé un reportage sur cette 21ème édition, qui retransmet à merveille l'ambiance !