Si un album résume la différence encore « cousu de fil blanc » et « tissé par l'évidence » c'est bien celui-ci. Et pour comprendre ce tissage particulier, il va nous falloir vous présenter Ill River plus intimement.
Car quiconque pose son oreille sur ce disque s'étonnera de savoir qu'il s'agît d'un premier album. Premier album pour Ill River, mais sûrement pas un coup d'essai pour ses auteurs. Alors on va vous les présenter un peu mieux. Cary T Brown, souffle originel, est arrivé en France en 1994, provenance américaine. Il se pose en Alsace (faisant ainsi le chemin inverse de Bashung qui posait les fondations de l'Amérique fantasmée par un français) et profite des trois frontières pour palper au plus près l'esprit de L'Europe, et comme dit Denis Robert, profiter de ce belvédère de choix sur la folie du monde. Après une carrière déjà longue, parsemée de tournées américaines avec Aurélien Boilleau notamment, de disques en constante évolution, il forme le sextette Ill River avec Stéphane Bonacci. Ouvrant ainsi la composition, ils redéfinissent le traité transatlantique dans un disque à la production impeccable.
En 10 titres, on passe par tout ce qui nous fait rêver des grands espaces. Tout ce que l'on fantasme à propos de cet immense pays totalement schizophrène, dont on a la chance d'avoir récupéré un de ses éminents songwriters à présent tiraillé entre vieux et nouveau monde. De la pochette au titre de l'album, en passant par le nom du groupe, on sent le chemin parcouru entre souvenirs et présent. Les textes sont dans la pure lignée du songwriting US, fins et universels. Musicalement Ill River nous offre un condensé de rock qui n'ignore rien des chemins parcourus, des pères fondateurs et de la science du refrain.
« Smile for a picture » ouvre le disque sur un constat d'époque où la musique sonne comme une autoroute parcourue par Jackson Browne. « Lucky Guy » n'aurait pas été reniée par Bruce Springsteen, tandis que « Hurt you » ravive en nous la flamme qu'évoque le nom de Pearl Jam. Cette toile de fond ne prendra jamais le dessus d'une écriture très personnelle, guidée par un chant toujours émotionnellement juste et digne des volutes d'un Sivert Hoyem. L'accent américain s'est européanisé, et l'écriture musicale navigue toujours loin des frontières de la facilité, tout en restant accessible, ouverte...la fameuse chaleur de cœur alsacienne combinée à l'aversion pour l'élitisme des enfants du 4 juillet.
A tale to tell passe en revue la grande palette des émotions humaines, roadtrip dans un paysage qui n'est au fond que la métaphore des doutes et certitudes qui nous traversent. A l'instar de la pochette, nous sommes des paysages autant ouverts qu'escarpés, dans un monde qui a tout rapproché au point que parfois on se sente aussi perdus qu'une pie dans Monument Valley.
Mais le temps est le meilleur allié de l'adaptation, la preuve par un album qui marrie les deux côtés de l'Atlantique pour un résultat combinant réalité d'une expérience et imaginaire. L'idéal pour une bande son invitant à l'évasion.
Sortie le 24 février 2017
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