Dans les douces contrées aux limites franco-suisses, l'envahisseur a décidé de pourrir la vie des habitants en ce vendredi 21 juillet. De son nom Orage, il balance avec panache ses averses enragés, et tous les cantons sont sous son joug. Tous ? Non ! À quelques kilomètres de là, une bande d'irréductibles bien décidée à souligner sa journée sous le signe de la musique est encore épargnée par les nuages vengeurs...
Le nouveau numéro d'Astérix et le Génépi s'arrête ici, puisqu'il s'agit de retourner à Saint Julien en Genevois où nous attend la troisième journée de Guitare En Scène. Déjà côté Village, les finalistes du tremplin Blanker Republic font vibrer une foule réduite mais semblant déjà plus nombreuse que la veille.
Blanker Republic
Le rock bien plus minet du groupe aura du mal à nous séduire, tant nous sommes hors du cœur de cible. Mais comme la nouvelle génération se doit de prendre le relais, autant dire que Blanker Republic n'aura aucun mal à convaincre un auditoire plus jeune. On verra souvent Brice (chant) s'avancer vers le public, avec une forte envie de le rejoindre si ce dernier était plus fourni, et nul doute que la prestation aurait été plus efficace encore.
Car les musiciens, convaincus, donnent tout ce qu'ils ont, et le font bien. Il se dégage de la scène un véritable courant électrique qui prend forme dans les premiers rangs et ne laisse personne indifférent, et la prestation est tellement travaillée que l'on douterait presque du caractère juvénile et émergeant de Blanker Republic. On sera très curieux de voir comment le groupe évolue.
Chez Guitare en Scène, il n'y a jamais de temps mort. Que ce soit le moment "chorégraphie" effectué tous les jours par l'intégralité des bénévoles juste après le groupe tremplin, et quotidiennement sur "September" de Earth, Wind And Fire, où les mini-attentes entre les concerts, il y a toujours quelque chose à voir. Preuve en est durant le temps d'attente avant le concert de LEJ, où près de la console de la scène Village, un jeune loufoque prend place pour un concert semblant presque improvisé. Porcapizza de son nom, le bonhomme fait dans la récup' en tous genres, et jouera sur... une raquette de tennis ! Entre autres objets réassemblés, comme cette panoplie de couteaux placés à divers intervalles entre deux planches de bois pour faire office de xylophone, des pots de fromage blanc en guise de percussions....Bref, une véritable inventivité instrumentale, pour un moment très court mais très amusant.
LEJ
De retour sous la scène Chapiteau, la scène de LEJ est prête et riche en artifices. Avant que Juliette n'aille s'installer au violoncelle sur la partie haute de la scène, les trois comparses se tiennent a capella, dans un faible halo de lumière, et nous enivrent déjà de leurs voix puissantes et complémentaires avant de continuer leur introduction sur un set de percussions montrant que clairement, leur set va être énergique.
À part de rares moments où elles reviendront sur des instruments, Élisa et Lucie assurent le show à la manière d'un concert de rap, se laissant porter par les samples, le violoncelle de Juliette, et virevoltant de part et d'autre de la scène pour continuellement chauffer la foule durant leur interprétation. Leur répertoire, composé essentiellement de reprises, fait polémique, mais pourtant, à en voir la réappropriation totale par les trois musiciennes confirmées, on ne peut qu'être admiratif. Surtout lorsque les compositions, certes peu nombreuses pour l'instant, proposées sont tout aussi intéressantes et laissent impatient quant à l'album prévu pour cet année. Les rageurs prétendant qu'il n'y a pas une once de talent peuvent se raviser, on en a eu une preuve indéniable, et clairement, LEJ devrait aller loin.
Toujours repensé pour surtout être abordé à la voix, l'univers de LEJ est avant tout bourré d'audace tant les réarrangements sont riches et musicalement très travaillés. On reste surtout scotché par les voix de Lucie et Élisa, qui ne montrent jamais le moindre signe de faiblesse malgré leurs mouvements constants, et la virtuosité de Juliette au violoncelle puis à la basse ne fait aucun doute. On sait que le regain de public par rapport à la veille est avant tout du à la présence de LEJ sur cette édition, mais le choix est plus que justifié au vu de la qualité de la prestation.
Et finalement, les intempéries auront raison de l'organisation. Les averses violentes à souhait créent des cascades déferlant autour du chapiteau où le peuple s'abrite et très vite, la douloureuse est annoncée. Au vu des conditions, la prestation de Delta Moon sur la scène Village est annulée. Ce sera finalement après quelques minutes qu'une nouvelle annonce fera apparition, indiquant que le set d'Amy Macdonald est avancé pour pouvoir permettre aux deux groupes restants de pouvoir assurer leur set. Preuve une fois encore qu'en plus d'offrir à tous, artistes comme public, cette précieuse ambiance familiale, l'organisation se coupe en quatre et est d'une réactivité impressionnante.
Amy Macdonald
D'autant que pour calmer les ardeurs de celles et ceux qui se sont pris la saucée, le set d'Amy Macdonald tombe à point nommé. Moins estampillé rock que la grande majorité des formations présentes, la prestation sera sous des augures plus douces, le côté semi-acoustique aidant pas mal, mais ne retirera pour autant une certaine énergie.
Et pourtant, il demeure assez étonnant de voir l'Écossaise se produire en tête d'affiche. Car si Amy Macdonald a bercé nombre d'adolescences, elle est depuis longtemps, et ce malgré une carrière toujours vive et de nombreux albums, ignorée dans l'hexagone. Pourtant, le public est ici présent et connaît le répertoire de la chanteuse, ce qui rassurera sur le fait qu'ignorée des médias ne veut pas dire ignorée de son auditoire.
Tant mieux, car la prestation est plus que sympathique. Loin d'être une folie dégoulinante de sueur comme on a pu assister jusqu'alors, tout est plus fin, moins brut dans les arrangements, mais ne perd pas en conviction pour autant. Amy est heureuse d'être là et nous le rend bien, son groupe est efficace et on ressort le sourire aux lèvres.
Delta Moon
L'autre pisseur aura fini de noyer les terres de Saint-Julien, et l'on peut sortir sans risques du Chapiteau pour se diriger vers la scène Village où déjà, Delta Moon a entamé sans tarder son set de rattrapage. Si les musiciens sont contents de finalement pouvoir jouer, ils auront plus de mal à convaincre un auditoire assez fatigué. Et pour cause, leur blues lancinant, axé sur le slide, manquera de l'énergie dont on a besoin pour retrouver les forces nécessaires à finir le soirée.
Non pas que l'interprétation ne soit pas de qualité, mais ce blues fait par des Américains pour des Américains trouve difficilement sa place dans une affiche qui pourtant favorise un éclectisme toujours bienvenu. Si seulement il avait été possible de s'allonger dans une herbe plus sèche, on se serait probablement laissé porter.
Mark Harman
Popa Chubby, Manu Lanvin... Le niveau du concert de clôture est tel qu'il faudra amener un nouveau rouleau compresseur pour nous emporter à nouveau. Et c'est là tout le génie de Guitare en Scène, qui choisira non pas de nous offrir une nouvelle prestation de blues, mais de ramener un guitariste de rockabilly à la place, genre qui n'est pas connu pour sa mollesse !
Qui plus est, il ne s'agit pas de n'importe quel musicien puisque Mark Harman débarque tout droit de Restless, formation plus que phare dans le milieu rockabilly. C'est dire le niveau de légende qui nous est une fois encore présenté, et nul doute que le public va s'éclater un dernier grand coup avant de regagner ses chaumières ! Du rockab en veux-toi en voilà, à l'énergie folle (cette dernière qui fera casser les cordes de la contrebasse, son musicien contraint de terminer le set à la basse).
À l'instar de Manu Lanvin la veille, Mark Harman invitera nombre de ses copains taper le bœuf à ses côtés. Si ce n'est pas toujours justifié, le niveau des musiciens n'étant pas toujours égal, cette grande fête se solde par une ambiance plus que conviviale qui fait honneur à la mentalité mise en place par le festival. Surtout, Mark Harman et sa bande nous donneront toute la patate nécessaire pour se réveiller un grand coup et rentrer à la maison l'esprit vif, déterminés à éclater nos dernières forces sur la dernière journée du festival, qui promet elle aussi son lot de surprises.