La dernière journée d'un festival est toujours empreinte de cet horrible sentiment, celui qui nous susurre que l'on va bientôt devoir rentrer à la maison. Surtout quand dans l'enceinte de Guitare En Scène, on a déjà l'impression d'y être.
Steve Amber
Et ce n'est pas le rock planant et un tantinet mélancolique de Steve Amber qui nous retirera ce spleen. Grand gagnant du tremplin, on en sera d'ailleurs un peu déçus tant on s'attendait, au vu des formations ayant atteint le peloton final les jours précédents, à un groupe dépassant largement les précédents constats.
Et si la musique de Steve Amber n'a rien de désagréable, son manque de personnalité sera sa principale faiblesse. On pense tantôt à du Oasis, tantôt à du Radiohead avec ce brin de Pink Floyd dans les nappes de claviers, mais tout, y compris l'attitude des musiciens, nous y fait penser. Pâle copie d'un condensé de rock anglais ? N'exagérons rien, mais il manque un sacré brin d'originalité à ce répertoire malgré tout interprété avec justesse.
Al McKay's All Stars
Sous le Chapiteau, c'est All McKay's All Stars qui sera chargé de redorer les sourires. Mais y'a-t-il plus idéal, de toute façon, que le disco funk pour cela ? Le guitariste tourne depuis maintenant de nombreuses années avec sa copie de Earth, Wind And Fire (provoquant d'ailleurs de nombreux débats, sur les confusions avec la formation réelle encore en activité mais aussi sur la légitimité de ce qui peut être associé à une certaine mascarade), et a pour cela réussi à s'assurer la présence de musiciens talentueux.
Seulement, le groupe est en totale autoroute. Pensant que les morceaux se suffisent à eux-mêmes pour créer l'interaction, les interventions serviront principalement à bien préciser qui est Al McKay (ego, quand tu nous tiens), ce dernier ne se contentant d'ailleurs que de plaquer ses accords, aussi funky et bien exécutés soient-ils, en arrière-scène. Dommage de ne s'intéresser seulement à lui, rescapé de la formation originelle qu'il soit, quand les autres musiciens valent largement plus le détour. Une prestation assez froide pour une musique pourtant chaleureuse, mais une qualité d'interprétation indéniable, notamment au niveau des vocalistes, impressionnants à souhait.
Précaution par rapport à la veille, l'orga avancera à l'instar d'Amy Macdonald le set d'Extreme pour permettre aux deux groupes suivants de pouvoir jouer après les intempéries prévues jusque tard dans la soirée. C'est donc toujours sous le Chapiteau que cela se passe, et le public, pourtant constitué de fans, est loin de s'imaginer la claque qu'il s'apprête à recevoir.
Extreme
Toujours fort de son aura acquise grâce à son album Pornograffitti en 1990 (dommage que l'attardement se fasse ici, ce qui est sorti ensuite est tout aussi exceptionnel), Extreme peut encore se permettre de tourner sans sortir le moindre disque, même si depuis Saudades De Rock (2008), le temps se fait long. Lorsque les premières notes de "It's A Monster" se dévoilent, tout le monde est à cran, prêt à en découdre. Et la force d'Extreme sera de jouer de cette tension, qui à aucun moment ne redescendra.
On pourrait croire à quelques faiblesses de justesse pour Gary Cherone, pourtant, après un passage à la régie pendant le solo de Nuno Bettencourt, ses premiers échanges vocaux sur "Lil' Jack Horny" montreront que non seulement sa voix est parfaitement juste, mais qu'il en a sacrément encore dans le ventre. Et on sera d'ailleurs impressionné par le côté pile électrique du bonhomme, constamment à courir de part et d'autres de la scène, ou de se contorsionner pour notre plus grand plaisir, à un tel point qu'il nous vient l'envie de lui demander un extrait de naissance, histoire de révéler la supercherie sur ses supposés 55 printemps, totalement invisibles, et la vérité sur le vampirisme responsable de la bouille juvénile de Nuno.
Car tandis que Cherone, après avoir grimpé d'un simple bond sur les amplis bien haut de Pat Badger, revient à terre via un saut écart frontal dont la souplesse n'a plus de limites, ce dernier grimpe sur l'esplanade servant à entreposer la batterie. Puis saute, puis court. Il y a toujours quelque chose à voir chez Extreme, pas une seconde sans un mouvement intense, et comme cité précédemment, la pression ne redescend jamais, même pendant l'incontournable "More Than Words" où l'émotion prend le relais.
Avec le nombre de classiques que le groupe a à son actif, difficile de rater une setlist, et malgré une ou deux surprises ("Warheads" en début de rappel fera bien plaisir à redécouvrir), peu de prises de risques. Malgré tout, le groupe ayant choisi en dernière minute de rallonger son set d'une demi-heure, ce sera nombre de merveilles supplémentaires à savourer. Lors des dernières notes de "We Are The Champions" de Queen, reprise excellemment interprétée, les coups de tonnerre et la pluie reprennent, mais les esprits sont ailleurs. Les membres se collent à la crash barrière, saluent et serrent toutes les mains pendant que Gary Cherone marche sur la barrière, s'aidant des mains de ses fans pour garder son équilibre. Ca dure, de cette générosité de présence dont ils ont fait preuve tout le set. Un immense moment, rare dans l'hexagone, dont nous ne remercierons jamais assez Guitare En Scène.
Pour patienter le temps que les intempéries (et nos âmes rêveuses) se calment, l'orga nous propose un session guitare avec des musiciens divers présents sur le site. Moment court mais permettant de ne pas s'ennuyer, preuve encore que nous sommes aux petits soins de l'organisation.
Kenny Wayne Shepherd
Sans temps mort, Kenny Wayne Shepherd distille son blues avec entrain et envie, cependant la sauce aura plus de mal à prendre. Peut-être que le temps aura semblé long malgré les joyeusetés offertes, ou peut-être tout simplement que le blues du guitariste semblera trop classique après les musiciens du milieu qui se sont succédé au cours de cette édition.
Toujours est-il que lorsque une énième reprise de "Voodoo Child" de Jimi Hendrix retentit, et avec elle une interprétation quasi à la note, ce qui est presque antinomique dans le blues, on se dit qu'il manque définitivement une once de feeling. Au-delà d'une interprétation carrée et d'un talent qu'on ne met absolument pas en doute, l'impression de voir une prestation de rock à l'américaine, plus basée sur le visuel et le paraître, qu'un concert de blues où la part belle est transmise par les émotions, ne démord pas.
King King
Bien après l'heure annoncée pour la fermeture des portes, il est temps pour le dernier concert de cette édition de fouler les planches de la scène Village. King King et leur rock suave bien à l'anglaise finiront la journée en douceur. "Je sais qu'il est tard mais tâchons de nous amuser, merci d'être resté !" L'envie est intacte et si le public a plus que réduit de moitié, toutes les forces sont rassemblées pour offrir aux membres de King King l'accueil qu'il se doit.
Guitare en Scène a été bien plus loin que tout ce qu'on avait pu espérer. On retient surtout cette ambiance familiale qui ne nous aura offert que du bonheur. Que ce soit Philippe au parking, Sylvain à l'accueil, Leslie et Dempsey au rapport presse, tout le monde est là pour accueillir, accompagner, et offrir le meilleur des moments à toutes les personnes présentes. La meilleure manière de les remercier et de sauver le plus petits des grands festivals ? En revenant l'année prochaine, et en prêchant la bonne parole du rock 'n' roll autour de nous. On vous en conjure, venez à Guitare en Scène !
Crédits photo : Yann Landry / La Tête de l'Artiste