Après quelques mois de mystère entourant ce nouveau groupe, Madame Robert commence à légèrement dévoiler ses gambettes. Un premier extrait du futur album lâché tel une cacahuète sur le comptoir d'un bistrot, qelques dates de concert annoncées avec la discrétion d'un curé un lendemain de Noël, les 5 membres cultivent le teasing.
Premier concert, O'Gib, Montreuil, 6 juillet 2017.
Il est 20 heures, les 5 Roberts (Reuno de Lofofora, Stef et Xa de Parabellum, accompagnés de Julien Mutis et Léa Worms), finissent tranquillement leur préparation. Il fait bon, le concert est dans une heure. Malgré le trac qui les travaille, ils ont la gentillesse de nous accorder quelques mots.
Interview d'un groupe dont on ne connaît (presque) rien...
Madame Robert. Vous venez d’univers différents, Lofofora, Parabellum, du blues… Qu’est-ce qui vous a réuni ?
Julien :
Ce qui nous a réuni, c’est le rythm’n’blues, la soul, toute cette musique un peu vintage, colorée et chaleureuse. Même si on vient tous d’univers différents, on a quand même ce truc en commun. Pas que d’ailleurs, on a aussi d’autres choses. Je viens plus du blues, du vieux rock’n’roll, et c’est aussi ça qui nous a réuni à la base.
Et le nom, Madame Robert. Nino Ferrer ou pas Nino Ferrer ?
Reuno :
Oui, ça vient de là, à la base. C’est aussi un de mes prénoms, Robert. Je trouvais ça rigolo, j’ai proposé ça à une des premières répètes, ça a plu. Madame Robert, ça sonne, c’est généreux.
C’est un groupe avec des textes en français, c’est aussi un truc qu’on revendique. Plutôt que d’aller vers Léo Ferré et Brassens, comme ça se fait beaucoup dans la nouvelle chanson française, on s’est plus orienté vers Dutronc, Nino Ferrer, des gens qui savaient aussi manier le second degré, et pas que la pignole. Même si c’est bien, la pignole, aussi !
Stef :
Et même des gens plus récents, Bashung, etc, tu vois.
L’idée est venue comment ?
Stef :
Ca faisait longtemps que Reuno et moi on s’était dit qu’on ferait un truc ensemble.
Reuno :
Au début je croyais que c’était une blague. La première fois qu’il m’a dit « tu ne veux pas qu’on fasse un groupe de Rythm’n’blues ensemble », déjà il devait être tard, il y avait de la buée dans mes carreaux alors que je ne porte pas de lunettes, et j’ai cru que c’était un gag. On a fait beaucoup de dates avec le Bal des Enragés, et j’avais tendance à ambiancer après dans les loges. Je mettais souvent du Rythm’n’Blues, la Motown, la Stax,…
Stef :
Moi je tournais avec Julien dans des groupes de Rythm’n’blues, des groupes de blues… On est assez fan de ce style de musique, j’ai vu que Reuno aussi, et donc on avait cette envie. C’était dans les tuyaux, sans vraiment le planifier. Puis ça s’est fait.
Reuno :
C’est ça. On s’est dit allez, on y va ! On s’était dit, par téléphone, on va faire un groupe de reprises. En même temps les copains font beaucoup de groupes de reprises. Avant le Bal, je n’avais jamais fait de groupe de reprises. Mais ça nous a vite saoulé de faire un groupe de covers. On a fait tourner un peu, on a essayé, puis très vite on s’est lancé dans les compos, quasiment dès la première répète.
Je ne te cache pas qu’on a tous des heures de vol, et quand tu fais un nouveau groupe, tu as envie que la communication se fasse tout de suite. Tu as envie d’un truc où il ne faut contourner l’égo d’untel, ni ménager la susceptibilité du batteur, quoique ça on est quand même obligé (rires). C’est ça tu vois, on se connaît depuis longtemps, on savait que ce serait facile, et puis musicalement on a vite trouvé nos repères. Au bout d’un an on avait déjà pas mal de morceaux.
Stef :
On a commencé à quatre.
Reuno :
On était presque prêt à enregistrer, mais on s’est rendu compte qu’il manquait quelque chose. Il manquait des claviers, une couleur, une chaleur. Et ça n’a pas été évident non plus, parce que souvent, les gens qui jouent du clavier jouent du piano, ou du synthétiseur. Mais les gens qui jouent du clavier, avec une énergie Rock’n’Roll, et avec des gammes plutôt blues, ça ne court pas les champs, ni les prés, ni les parkings de supermarché.
Xa :
Et donc, je voudrai présenter Léa Worms, qui nous a rejoints en octobre.
Reuno :
L’arrivée de Léa Worms, c’est la meilleure chose qui m’est arrivée dans la vie depuis mon château-fort de Playmobil quand j’avais 8 ans.
Photo Mathias Auster
Mais toi, Reuno, tu avais déjà joué dans un album de reprises de Brassens ?
Reuno :
Oui c’est vrai. Je ne crache pas dessus, c’est pas ça. On nous encense une nouvelle scène de nouvelle chanson française qui tire ses inspirations des trucs les plus larmoyants, Serge Reggiani, Léo Ferré, tous les trucs qui, personnellement, m’emmerdent assez. Je ne vise personne, mais tu vois ce que je veux dire ! Alors que les textes de Dutronc, même si ce n’est pas lui qui les a écrits, ou Nino Ferrer, c’est ça le génie méprisé de la chanson française par excellence. Nino Ferrer, c’est un mec qui a fait plein de trucs, il ne faut pas le limiter aux "Cornichons" ou à "Mirza". Il a fait des tas de trucs hyper intéressants, il n’est jamais trop tard pour découvrir son œuvre.
Et même Eddy Mitchel ! Oui, j’aime bien Eddy Mitchel. Voilà. Je revendique plus, dans Madame Robert, cet héritage là, plutôt que quelque chose d’un peu plus intello.
Vous avez démarré quand ?
Stef :
On a commencé un peu avant la dernière tournée du Bal. Fin 2014. Ca a mûri 3 ans.
Julien :
Ca a mûri 3 ans, mais en même temps ils étaient à fond dans la tournée du Bal. Et Lofo a aussi sorti son album, avec la tournée derrière. Donc chacun avait du boulot de son côté, avec tous ces projets. On a continué à mûrir le projet pendant tout ce temps-là. Et il fallait ce temps-là pour qu’on trouve Léa, parce que avant elle n’était pas née.
(s’ensuivent quelques vannes, et des échanges que la morale nous empêche de retranscrire, ou alors uniquement avec autorisation parentale).
Et ce soir, premier concert, la salle est pleine…
Reuno :
Oui, ça fait forcément plaisir. Il y a plein de gens que ça interroge, chez qui ça suscite de la curiosité, de savoir ce qu’on va faire ensemble, alors qu’il n’y aura rien de Metal ni de Punk… Et c’est important ici. On avait envie que la première date de Madame Robert ait lieu à Montreuil. On est très flatté, il y a uniquement un morceau qui circule assez discrètement sur le net, et on arrive à susciter de l’intérêt, de la curiosité. Il y a déjà beaucoup de monde qui nous suit, alors qu’on n’a encore rien fait ! On n’a surtout pas envie de les décevoir.
Et les prochaines étapes ?
Reuno :
La tournée mondiale ! Première partie de James Brown, tout ça ! Ou alors Montreuil, puis Fontenay, on va finir à Torcy bientôt !
Vous avez une expérience de concerts qui tournent à l’énergie, à l’humour aussi. A quoi vont ressembler ceux de Madame Robert ?
Reuno :
A tout ça. C’est la même cuisine, c’est pas le même temps de cuisson, c’est tout. Mais sinon c’est à peu près les mêmes ingrédients. De toute façon, on est qui on est. Contrairement à ce qu’on croit, c’est pas ceux qui sont étiquetés Métaleux qui vont écouter le plus de Metal, ni ceux qui sont les plus affreux punks qui ne veulent jouer que du GBH. On va prendre du plaisir, c’est déjà pas mal.
Photo Mathias Auster
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Et le concert, après tout ça...
On va préserver le suspense, Madame Robert n'a pas encore dévoilé tous ses charmes, mais on peut déjà affirmer que le mot "généreux" est bien choisi.
Les 5 compères ont de la bouteille, et ont sû passer outre ce "trac de débutant" comme l'avouera Stef après le concert. Car c'est vrai que le projet est loin de Lofo ou de Parabellum, et que le groupe n'avait aucune idée de comment un public, plus habitué à voir les différents membres au travers du Bal des Enragés, allait recevoir cette nouvelle expérience.
Rassurez vous, les Robert, le public a aimé. Parce que derrière le style, les musiciens sont là.
La rythmique groove. Groove sévère, même. Stef et Xa bien sûr jouent ensemble depuis la première élection de Giscard, voire Pompidou selon certaines mauvaises langues. Et ils ont un sens du rythme, du gimmick qui tourne, une complicité, qui fait bouger les pieds des plus récalcitrants. Tu ajoutes Julien, au jeu impeccable, bluesy soigné, un peu crade comme il faut quand il faut, tu saupoudres du Léa Worms dessus, jeu de clavier autant en atmosphère qu'en feeling et énergie, et tu obtiens une sauce savamment dosée, avec la pointe d'acidité qui gratouille, et surtout une formidable machine à pulser. Reuno au chant oublie presque ses voix saturées (même si parfois le naturel revient au galop). Les textes piquent quand il faut, on est loin du larmoyant décrié quelques heures auparavant.
Photo Matias Auster
Rythm'n'Blues chanté en Français, des compositions, quelques reprises, les Madame Robert revisitent le style, en ajoutant leur énergie, leur folie, leur impertinence, tout en conservant les fondamentaux : Rythme qui swingue, groove imparable, énergie et générosité.
Quant aux morceaux, conservons le mystère. L'automne est bientôt là, qui nous permettra de mieux écouter l'album tranquillement dans notre canapé. Conservons simplement ce gros moment d'émotion lorsque Reuno a laissé couler quelques larmes lors d'un blues puissant, en hommage au patron, au tôlier, Schultz, parti trop tôt, et qui aurait adoré voir ses potes jouer chez lui, à Montreuil.
Madame Robert continue sa mini-tournée d'été, à Mirande le 5 août.
Toute l'actualité du groupe est à retrouver sur leur page Facebook.
Merci aux Roberts pour leur disponibilité.
Merci à Mathias Auster pour les photos.
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