"sans en tutoyer les sommets, To The Bone n'a pas à rougir au sein de la discographie de l'artiste, loin de là"
On ne présente plus Steven Wilson... Quoique, cet album semble être une bonne occasion de le faire découvrir à celles et ceux qui ne le connaissaient pas encore. Après 4 albums solos, parmi lesquels les 3 derniers faisaient la part belle au penchant progressif du musicien anglais, Wilson semble avoir décidé de prendre le contrepied de cette approche et de dégraisser, de se concentrer sur ce qui était absolument nécessaire, d'où le titre de l'album. Une démarche qui peut se comprendre : après les montagnes russes crimsoniennes de Grace for Drowning (2011), l'hommage aux 70s de The Raven that refused to sing (2013) et l'album-somme Hand. Cannot. Erase. (2015), pourquoi ne pas changer de direction ? Après tout, Wilson a déjà démontré qu'il était très à l'aise pour écrire des titres courts tout au long de sa carrière au sein de Porcupine Tree.
L'idée est encore meilleure du fait qu'ayant atteint un niveau de reconnaissance inespéré pour un artiste sans soutien des grands médias, cet album pourrait être l'occasion d'enfoncer le clou. Et là, forcément, arrive LE débat de cour de récré que nous affectionnons tous : sincère volonté artistique de se diriger vers de nouveaux pâturages, ou volonté bassement mercantile de toucher un plus large public ? Sans doute un peu des deux. Cela étant, si Wilson voulait faire du fric facile, il aurait certainement des moyens plus évidents de le faire, par exemple en se concentrant sur de juteux remasters de grandes gloires, activité qu'il affectionne également et pour lesquelles il est très sollicité. Tout le monde ayant sa propre opinion sur le sujet, concentrons-nous sur la musique.
Accessible, To The Bone l'est assurément. Cela étant dit, l'accessibilité n'est pas un défaut en soi, cela, les amateurs de l'anglais le savent bien et sont parfaitement capables de faire la part des choses tout en ayant leurs préférences. Wilson dit avoir été influencé cette fois par des albums qui l'ont fasciné dans sa jeunesse, citant The Colour of Spring de Talk Talk, So de Peter Gabriel, Hounds of love de Kate Bush et Seeds of love de Tears for Fears. Des oeuvres essentiellement pop, tout en ayant une personnalité affirmée. Mais si les intentions sont limpides et louables, le résultat l'est un peu moins.
Tout commence de la meilleure des façons avec la chanson-titre, qui tient ses promesses. Très entraînante, elle évoque clairement les albums auxquels Wilson fait référence, dont la patte est par ailleurs immédiatement reconnaissable. La suite, en revanche, est plus oubliable. A commencer par "Nowhere now", 4 minutes de pop gentillette, pas désagréable mais sans grand intérêt, une remarque que l'on peut également appliquer à "Pariah", le titre suivant. Wilson a loupé le coche sur ces deux titres anecdotiques, qui font décrocher l'auditeur.
Heureusement, il y a de beaux moments, comme "The same Asylum", touchante et dotée d'un beau break, où Wilson laisse respirer sa musique et les dote d'arrangements plus typiques de son style. Les surprises sont là également, comme sur "Permanating", titre énergique et euphorisant que notre rédacteur en chef adjoint a fort justement décrite comme un "croisement entre Coldplay et Bruno Mars" (et qui ne manquera pas de susciter critiques et quolibets chez celles et ceux à qui la pop donne de l'urticaire). Une réussite. Par ailleurs, le dépouillement peut aboutir : "blank tapes", qui se repose sur une simple guitare acoustique et quelques notes de clavier, est impeccablement troussée, tout comme "Song of I" et sa boucle électro glaçante, illustrée par un beau clip (ci-dessous). Cela commence à faire beaucoup de compliments pour un album un peu décevant, non ?
Cette étrange impression résulte sans doute de plusieurs facteurs : le fait de ne pas avoir assez de très grands sommets d'émotion, le fait que l'album soit une collection de chansons alors que l'on appréciait pouvoir sauter la tête la première dans de longs voyages musicaux, quelques titres un cran en dessous, le sentiment, pour l'amateur de prog', d'un album un peu trop évident... To the Bone est un bon album, pas un grand album. Venant d'un artiste avec autant de chefs d'oeuvres à son actif, que l'on avait fini par croire insubmersible ou presque, ce n'est pas assez. Ce n'est jamais assez. Et bien que l'on puisse rester ouvert, quand arrivent les 9 minutes de "detonation" et ses long solos de guitare, on se dit qu'une meilleure répartition entre titres courts et longs est un format qui convient mieux à Wilson. Pas besoin de coller un procès à l'artiste pour autant, sans en tutoyer les sommets, To The Bone n'a pas à rougir au sein de sa discographie, loin de là.
Sortie le 18 août 2017 chez Caroline International
Et pour parfaire votre vision de l'album, voici notre récente interview de Steven Wilson (cliquez sur la case sous-titres pour les faire apparaître) :