Rock Au Château : Léode et folie kobaïenne – 05/08/2017

Il y a deux semaines, on vous vantait les mérites de Guitare en Scène, et surtout de son aspect jouant sur le festival à taille humaine, pour sa jauge de 5500 festivaliers malgré les monstrueuses têtes d'affiche rassemblées. C'était sans se figurer qu'au Rock Au Château, on passait au stade "Fête entre copains". Dans la cour du magnifique château de Villersexel, c'est cinq fois moins de fidèles du rock progressif qui se réunissent pour le week-end.

Musique extrêmement peu représentée (et, malheureusement, peu appréciée) en France, le Rock Progressif est pourtant un des éléments majeurs de la musique moderne. S'il est encore considéré aujourd'hui comme un style propre à un autre temps et souvent réservé à une caste élitiste (au même titre que le Jazz, et ce pour les mêmes mauvaises raisons), la musique moderne et sa richesse n'en serait pas où elle en est sans les expérimentations du Rock Progressif. Voir que via de très nombreux petits festivals, justice lui est aujourd'hui constamment rendue nous fait franchement chaud au cœur, et on ne sera en remercier assez ceux qui ont permis au Rock au Château d'exister.

Magma, Lazuli, Light Damage, Children In Paradise, Rock Progressif, 2017, live

C'est durant la prestation peut-être un peu trop discrète de Children In Paradise que nous découvrirons les aménagements, vétustes - les moyens ne sont clairement pas ceux des grosses machines -, mais prévus pour le confort de tous. D'ailleurs, pour compenser, les bénévoles sont au petit soin. Ici, point de foule donc point de stress, tout le monde est souriant, avenant. Un stand de nourriture à plat unique, un léger choix de boissons, mais sous couvert de propreté, on peut ramener ses propres consommations. Après tout, place à la musique, le reste n'est que détail.

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La scène, qui nous rappellera les aménagements au Château de Chantilly que nous avions admiré pour David Gilmour, donne directement sur la bâtisse, et sera plus pour le plaisir des artistes, qui bénéficieront d'un cadre idyllique. Lorsque Francis Descamps viendra introduire le concert de Light Damage (le Président du festival viendra présenter chaque formation), c'est avec une certaine émotion qu'il admirera le lieu. Combattant depuis trois éditions pour maintenant son festival à flots, on peut lui assurer qu'il peut être fier de cette belle création artistique.
 

 

Light Damage


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Malheureusement, le set de Light Damage ne sera pas à la hauteur des attentes. Peut-être une mauvaise date, mais une impression amère régnera durant le set des luxembourgeois. En témoigne Stéphane Lecocq (guitare) qui s'emmêlera souvent durant ses introductions de solos ou ses reprises de parties rythmiques, ou la voix de Nicholas John-Dewez qui peine souvent à garder sa justesse. Annoncée comme un virage entre Genesis et Marillion, on en sentira les influences mais on aura du mal à être transportés au-dessus de ces ratés qui s'amoncellent durant la prestation.

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Dommage car les compositions sont plus qu'intéressantes, faisant également penser aux travaux de Nad Sylvan en solo, et certains moments peuvent amener leurs moments d'émotion et d'intensité, comme la superbe reprise de "Shadow Of The Hierophant", démontrant que les musiciens ont malgré le ressenti un niveau plus que certain. On aurait adoré voir une utilisation plus poussée de la thérémine, et l'impression nous donnera malgré tout l'envie de revoir Light Damage sur une date qui, on l'espère, leur sera plus propice.

Magma, Lazuli, Light Damage, Children In Paradise, Rock Progressif, 2017, live

 


Lazuli
 

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La demi-heure de pause prévue entre chaque concert nous permet de constater la popularité de Lazuli auprès du public. Loin de la foule clairsemée qui assistait aux concerts des deux premières formations, le public est nettement plus présent pour accueillir le groupe venu du Sud, atteignant même son plus haut niveau pour cette soirée. Sur scène, on observe une nouvelle fois l'installation et l'accordage des instruments par les membres eux-mêmes, le privilège d'avoir des roadies pour s'en occuper restant réservé aux plus grosses têtes d'affiche (et encore, pas toutes).

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Si l'affluence nous a déjà mis la puce à l'oreille, c'est en découvrant la musique du combo que l'on prend réellement la mesure de la qualité du show que va nous servir Lazuli : le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on passe très nettement un cap, et pas seulement au niveau capillaire. Trois membres sont en avant sur scène et attirent le plus les regards : Gédéric Byar avec sa guitare électrique qui délivre du solo mélodique sans broncher, et surtout la paire Leonetti, avec d'abord le frontman évident de cette formation, Dominique, qui par ses nombreuses guitares (une d'elle neuve, offerte par son fils, luthier de profession) et sa voix toute douce apporte un maximum d'émotions, et enfin Claude, bien plus discret sur scène mais pourtant central dans l'identité du groupe, de par son instrument unique, la Léode.

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Se présentant comme un Chapman Stick sans cordes, cet instrument tout à fait particulier (créé spécialement pour Claude et Lazuli) est capable de balancer les basses les plus lourdes comme des sons électroniques stridents : tout dépend de l'ambiance du titre et surtout de l'inspiration du musicien. Si les connaisseurs apprécient la musique, les novices (visiblement plutôt nombreux vu les discussions après le concert devant le stand de merchandising) restent émerveillés devant cette Léode qui au simple toucher peut agrémenter de sons samplés le Rock Progressif déjà bien varié que développe le reste du groupe, qui n'hésite pas à s'aventurer sur les terrains de l'Electro et de la World, accompagnés de textes en français souvent engagés et aux rimes parfois ingénieuses.

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Les deux autres membres du groupe ne sont pas non plus en reste, Romain Thorel (aux claviers, mais également cor de chasse) et Vincent Barnavol (aux percussions et marimba) jouant les multi-instrumentistes alternant en fonction des titres, allant jusqu'à échanger naturellement leurs positions pendant le concert. Vers la fin du set, plus long que prévu grâce à l'avance emmagasinée en début de journée, Dominique et Gédéric descendent dans la pelouse partager un ultime moment de communion avec le public. Lazuli est passé et vient de laisser une trace qu'il sera difficile d'effacer. On a hâte de les retrouver pour une autre date et de découvrir le prochain album qu'ils préparent déjà.

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Magma
 

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Pour terminer une journée qui finalement est passée bien trop vite, il était temps à l'immense Magma d'envahir le Château. Et alors que l'on verra Christian Vander s'installer sur son kit pour vérifier l'espacement entre ses cymbales, on est déjà emporté, persuadé que ça peut partir n'importe quand. Les musiciens s'installeront peu à peu et la machine "Theusz Hamtaahk" entamera sa course folle. À entendre le groupe commencer par ce titre, on sent qu'il a conscience de jouer devant un public d'habitués.

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En effet, commencer par un titre aussi long et inaccessible pour les novices ne laisse que peu de place au hasard. Les briscards sont de la partie et connaissent bien leur Zeulh, certains arrivant même à chanter les différentes clames entonnées par le groupe, sans faute d'une langue pourtant unique et inventée par le groupe. Alors évidemment, devant une audience aussi réceptive, Magma n'aura aucun mal à convaincre. Tout étant basée sur une notion de crescendo, la progression de l'intensité créera plusieurs transes, que chacun exultera à sa manière. On verra des gens danser, d'autres hurler en brassant l'air, d'autres taper le rythme sur leur corps, les yeux fermés, concentrés, comme si l'hypnose se devait d'être complète.

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Car il est clairement question d'hypnose. Lorsqu'en second titre, Magma entame la déferlante "Mekanïk Destruktïw Kommandöh", notre imagination prend le pas et devient une symbiose avec l'antre musicale dans laquelle le groupe nous invite. On pourrait être pris de synesthésie, envoûtés par cette ambiance torturée qui nous est délivrée, et s'imaginant descendre le long d'un styx rougeâtre vers les enfers que les kobaïens ont désormais investis. Au-delà de tout cet aspect évoqué, l'interprétation sera aussi de mise. Christian Vander est toujours un magicien à huit mains, et sa troupe n'a rien à lui envier. Un immense moment d'une musique toujours aussi intense et unique.

Magma, Lazuli, Light Damage, Children In Paradise, Rock Progressif, 2017, live

Vivre un concert de Magma est une expérience que nous avons eu la chance de reproduire à plusieurs reprises. Mais dans un cadre aussi intime que celui du Rock au Château, c'est encore une nouvelle couleur qui se dévoile. On sortira comblé d'avoir découvert un festival humain, généreux, qui nous donne envie de revenir au plus tôt le lendemain.

Magma, Lazuli, Light Damage, Children In Paradise, Rock Progressif, 2017, live

 

Textes : Félix Darricau / Thierry de Pinsun
Photos Children In Paradise, Light Damage, Lazuli : Bill Bocquet
Photos Magma : François-Xavier Scharschmidt
 



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