La chanteuse anglaise Nadine Shah sort son nouvel album Holiday Destination le 25 août. On avait beaucoup apprécié son brillant Fast Food d'avril 2015. Ici, Nadine Shah revient avec un projet hautement social et humaniste. Avec Holiday Destination, elle s'oppose brillamment au pouvoir et à leur modèle et à ceux qui nous le vendent comme la seule option viable de nos sociétés.
Avec cet album, Nadine Shah marque sa différence et entre dans le cercle des artistes engagés politiquement par leur musique comme Bruce Springsteen, Joan Baez, Patti Smith, Neil Young et plus récemment PJ Harvey. On voit aujourd'hui un parallèle et même une continuité dans le traitement entre le dernier album de PJ Harvey, The Hope Six Demolition Project, qui traitait de certaines crises sociétales comme celles du logement, du Moyen-Orient et du Quart-Monde. Ce nouvel album parle en douceur, avec son style, du nationalisme, d'immigration, du genre et d'une idée de la révolution. Car oui, pour les gens de bien, ceux qui s'opposeront toujours aux puissants et à leur modèle de vie qui nous écrase, une autre vision du monde est possible. Le monde ne tourne pas rond, aux artistes de nous le montrer et de nous faire prendre conscience des dérives.
L'album se compose de dix titres ravageurs dont certains parlent d'eux-mêmes comme "Out The Way", "Evil", "Place Like This" et "Yes Men" qu'elle explique ainsi : « Les Yes Men sont les personnes qui vendent des mensonges et nous convainquent que leur ennemi est notre ennemi. Ce sont ceux qui se cachent à la vue de tous derrière des caractères gras sur les couvertures de médias grand public, ceux qui nous feraient croire que la main en charge du pouvoir qui vous met perpétuellement des claques est celle qui nous sortira un jour du gouffre de sa propre création. ».
Difficile d'être plus explicite, les grands médias meanstream appartiennent aux grandes puissances financières qui sont du même camp ou mettent en place les politiques, et font croire aux classes moyennes que les problèmes de société viennent des pauvres. Voilà en gros le message. Et comme elle nous le répète dans "Holiday Destination" : "Comment allez-vous dormir ce soir ?" Cela non pour nous juger mais bien pour nous faire nous poser certaines questions. Et au-delà de cela, comment les migrants font-ils, eux, pour dormir...
Chez Nadine Shah, la musique est douce et répétive à tel point qu'elle nous absorbe, c'est roulant. Ecoutez donc "Mother Fighter" où avec intelligence et sans compromis dans le style et dans le fond, elle rappelle comment dans notre cadre familial nous avons maintenant tendance à tout mettre dos-à-dos, que ce soit les hommes face aux femmes, les migrants face aux locaux, les terroristes et les héros. Pour cette artiste néo trentenaire issu de l'immigration (ses parents sont norvégiens et pakistanais), il est important d'en chanter sa fierté face à la (re)montée des xénophobes, des extrémistes, surtout pendant la crise des réfugiés syriens.
Le parallèle avec PJ Harvey ne s'arrête pas aux thèmes de leurs albums mais se poursuit avec cette façon de faire un Rock entêtant, paisible et énergique, aux synthés propres et aux refrains grinçants, aux batteries en cavalcade et aux basses hyper roulantes, auquels s'ajoutent parfois des cuivres et une certaine idée de la modernité, de l'urbanité.
Le titre de l'album et sa thématique lui viennent évidemment des ses propres observations du monde mais aussi tout simplement d'un reportage télé où elle avait vu des vacanciers en Grèce expliquer que l'arrivée de migrants sur l'île de Kos avait vraiment ruiné leur vacances... Elle y voit un déclin de l'empathie. On parle de gens qui tentent de sauver leurs vies et certains autres sont déçus pour les vacances pour lesquels ils avaient économisé. Adjoint à cela la montée du nationalisme, il n'en fallait pas plus à Nadine Shah pour nous offrir un album profondemment humain et revigorant.
Sortie le 25 août chez 1965 Records / [PIAS]