25 ans d'existence. Une paille, non? Et des concerts de feu, premières parties d'AC/DC, de Deep Purple. Ça, c'est Café Bertrand. Walther Gallay en tête, le rock hexagonal à l'histoire chaotique, des breaks à rallonge, autant de fractures, de trous partout... Et toujours, c'est le rock qui gagne. 4ème album, comme son nom l'indique, le nouvel album de Café Bertrand est sorti ce printemps. Fragment de l'histoire du rock made in France, derniers survivants d'une époque pourtant pas si lointaine où les guitares étaient partout, cet opus est plus qu'un simple album. C'est un témoignage, une tranche d'histoire.
Difficile d'évoquer Café Bertrand sans penser à Noir Désir. On ne va pas parler d'influence, on va simplement dire que entre les deux Bertrand, celui du Café, et celui de Noir Dez, il y a une même idée du rock. Une idée qui part des textes, de la poésie brute, tranchante, saignante, des mots qui frappent. Cette écriture, Walther Gallay prend le temps de la ciseler, pour la maintenir à vif, au bord de la rupture. Chaque mot est pesé, soupesé, pour taper juste, dans le mille.
Qu4tre est un album sincère. Les mots sont nus, crus quand il faut. On n'écoute pas Café Bertrand, on est dans leur tête. On est dans leur trauma suite aux attentats du Bataclan, on partage leur douleur de voir des migrants à la mer, on souffre des douleurs amoureuses. Et on jouit aussi, parce que tout n'est pas tout noir. Café Bertrand, c'est tout ça à la fois.
Qu4atre, album complet, complexe. Sincère. Amer. "Thiéfaine a attendu 30 ans pour lesVictoires de la Musique, on sera mort bien avant, et vous nous aimerez bien après". Son vintage, clin d'oeil appuyé à Led Zep, "La Rage", véritable manifeste du rock indépendant. Car oui, Café Bertrand, c'est ça. C'est l'indépendance, rien à foutre de l'avis des autres. Enfin, rien à foutre, si, mais dans le bon sens. Cri d'humanité, "c'est pas parce que", ou comment se mettre dans la peau du racisme ambiant pour mieux le dynamiter. Incompréhension aussi, devant les horreurs que l'Homme peut commettre au nom d'idées mortifères ("Hey Man"). Amour aussi, impossible ("La Route") ou porté au huitième ciel ("Instants Suspendus"), érotisme torride s'achevant dans un orgasme de guitare. Désillusions et pensées sombres, retour sur les plaisirs glauques et éphémères, où tous les moyens sont bons pour refaire le monde, quitte à se réveiller avec la gueule de bois ou des trous partout. Walther Gallay livre avec cet album sans concessions une visite introspective, un voyage dans son intérieur, avec ses doutes, ses félures, ses incertitudes, et ses bouées qui le remontent à la surface. Itinéraire d'un enfant du rock, résumé en quinze tranches de vie.
Café Bertrand, ce sont aussi des guitares. Brutes, brutales même. Directes, à poil dans l'ampli. On entend les doigts qui bougent, on sent la chaleur des lampes. Pas besoin d'effets compliqués, tout est là. Que ce soit pour les morceaux bien envoyés, ou pour les ballades, c'est limpide, plein de dextérité sans tomber dans les excès de la démonstration. Précis. Oui, c'est le mot. Précis. Il faut ça, pour tenir la barraque, pour appuyer les textes sans tomber dans le larmoyant. Il faut aussi une grosse section rythmique, puissante et souple. Parfois en plein dans le temps, parfois plus simplement, aux balais, l'important c'est que ça sonne, que ça pousse vers l'avant, une machine qui souligne, qui emphase le propos. C'est simple, le rock, quand c'est joué comme ça. Jouer compliqué, rythmes complexes, en 7 ou 23 temps, peu importe. Ça sonne, ça envoie. Ça renvoie aussi. À Led Zep, Deep Purple, Noir Désir, et tout ce qu'on voudra y entendre. Il y a pire, comme références, non?
L'album est sorti. Maintenant, c'est sur scène qu'il va falloir défendre cette galette. On est impatient.
En attendant on peut cliquer pour voir le seul clip disponible à ce jour. Vivement la suite.
Café Bertrand est à suivre sur Facebook et sur le site du groupe.
Qu4atre, sortie le 26 mai 2017 chez Rock Revolution Records.
