Yes, we CAN ! Bon maintenant que j'ai pu sortir ma blague bien moisie, on va peut-être pouvoir parler de ce putain de coffret trois cd rempli à rabord d'inédits, de lives à moitié improvisés et autres joyeusetés. Après que le studio historique de Can se soit fait entièrement démantelé, des heures de bandes sont retrouvées. Personne ne semble savoir de quoi il s'agit, si ce n'est Hildegard Schmidt, qui n'est autre que la femme d'Irmin Schmidt, un des membres fondateurs du groupe. Il s'agit en fait de plusieurs compos encore jamais utilisées, et qui attendaient sagement qu'on les sorte de l'oubli.
Patatras, voilà les vieux de la vieille de Can obligés de se retaper le tout pour en sortir les pépites présentes dans ce coffret. Oh, ne vous inquiétez pas, les membres avaient pour habitude de jammer puis de faire une sorte de collage "best of" de leurs bœufs enregistrés sous acide afin d'en sortir l'essentiel.
D'ailleurs, Il faut bien reconnaître que dans leur genre, ces teutons sont de sacrés champions; à tel point que la plupart des groupes post-punk et surtout no wave les citent comme influence. Classe. Sorte de Stooges allemands, Can a néanmoins touché à plusieurs genres, allant du jazz jusqu'au funk en passant par le blues. Ils participent aussi à plusieurs bandes originales de films, notamment celle du cultissime "Deep End", véritablement hanté par leur "mother sky".
Autre chose intéressante, les compos sont en général assez arides et rentre-dedans, ce qui ne manque pas de contraster complètement avec le coté ultra maitrisé et /ou paisible d'autres productions de l'époque. Bah oui, comme indiqué sur la jaquette, on passe en revue les années 68 à 77. Ca nous rajeunit pas, hein ?
Et sinon, que dire du contenu ? Eh bien... Que c'est du Can pur jus qu'on a grand plaisir à écouter. Le plus étonnant est cette fraîcheur permanente que l'improvisation procure au groupe ; à travers la musique jaillit une sorte de fraîcheur incandescente et impérissable, tour à tour expérimentale ou bruitiste, nous offrant par la même les prémisses du punk ("deadly doris", "waiting for the streetcar").
On est aussi agréablement saisi par des titres plus mélodiques qui deviennent des objets sonores extrêmement touchants ("Oscura Primavera", "Alice"), hypnotisants ("Dead pigeon suite", "Midnight men"); et certains morceaux iront même jusqu'à nous mettre en transe (le très planant "Private Nocturnal"). Quand on sait que le leitmotiv du groupe (tout dans l'instant et ne jamais regarder en arrière) aurait pu amener à la disparition pure et simple de ces trésors, il y a de quoi frémir!
On pourrait alors se demander si Can ne surfe pas éhontément sur la vague de rééditions, remasters et autres coffrets d'inédits de gloires passées, allant à l'encontre de leur principe. Et bien franchement, on s'en cogne ; car vu le nombre et la qualités de ces inédits, il est évident que le groupe est à mille lieux de se foutre de notre gueule. Mélangeant allègrement lives, chutes de studios ou bande originale non utilisées, Can nous offre un joli panel des styles qu'ils ont abordés au fil de leur carrière. Une belle rétrospective, en quelque sorte, qui saura ravir aussi bien le néophyte que le fan hardcore.