Liam Gallagher – As You Were

Trois ans après le split de son groupe Beady Eye, formé sur les cendres des iconiques Oasis, Liam Gallagher met au monde son premier album solo, As You Were, publié chez Warner. Conformément à ses revendications de toujours, notamment lorsqu'il exprime son attachement au chant plus qu'à tout autre instrument, Liam laisse, pour la grande majorité des titres, le soin de la composition à des tiers, ici Andrew Wyatt et Michael Tighe, et s'occupe personnellement des textes.

Il est assez difficile de parler de cet album, ce pour deux raisons : la première découlant directement de ce choix artistique inhabituel dans la culture rock actuelle, plutôt lié au monde des starlettes pop désireuses de vendre des images plutôt que d'offrir du son. Sans pour autant accuser injustement le cadet Gallagher de mercantilisation de son propre nom, force est de constater que d'emblée, une clôture est érigée entre l'artiste et son public ; l'aura de l'animal est tellement puissante que, lorsque notre seul souhait serait de la dépasser pour s'avancer au plus près de la bête, on ne peut être que déçu, voire un tantinet irrité, de ce refus d'intimité initial.

La seconde raison est que l'album lui-même souffre d'une certaine banalité. As You Were ne commet aucun impair ; aucune faute de goût n'est à déplorer ; aucun des douze morceaux n'est raté. Mais l'explication en est simple : la prise de risque est quasi-inexistante. Ainsi, tout s'ajuste parfaitement : l'équilibre de l'intensité, notamment, est optimal, avec une dominance de titres up-tempo, judicieusement contrebalancés par quelques ballades sensibles ("Paper Crown", "Chinatown"...). Tout est soigné, la production est impeccablement propre et massive, comme le bon gros gâteau parfait qu'on n'arrive jamais à finir – parce que personne ne veut d'un gâteau parfait. Même les relents d'Oasis sont dosés avec grande justesse, distillés exactement dans la juste proportion, audibles mais pas omniprésents. Ils se trouvent ainsi finement dilués, neutralisés, en fait, à l'image de la voix elle-même de Liam, bien moins acide, bien moins corrosive qu'auparavant.

Mais, si comme nous l'affirmions, la prise de risque est « quasi-inexistante », il convient de s'intéresser à ce « quasi ». Précisément, c'est dans ces instants fugaces, lorsque la machine sort timidement de sa zone de confort, que l'on trouve les raisons d'écouter As You Were. Certains peuvent sembler fortuits, miraculeux : c'est le cas de "You Better Run", flirtant lourdement avec la ringardise, nous secouant justement par le caractère anachronique de cette rythmique bluesy road-trip cliché qui aurait pu, en son temps, devenir le générique de C'est Pas Sorcier. C'est également le cas de "When I'm In Need", où les grandes orchestrations masquant la grande paresse de la composition, rendues totalement inefficaces par leur sous-mixage parviennent, en fin de morceau, à trouver de force quelques vertus planantes, notamment lorsque les cuivres s'ajoutent à la tambouille.

Et puis d'autres semblent des coups plus francs, qui surviennent souvent lorsque le mancunien méprise les grands modèles qu'on aime tant et en renie sa paternité, progénitures mélodiques, pour accoucher d'une ligne de chant moins ordinaire, ou phoniques, pour défigurer le son d'une guitare lead. "Paper Crown", par exemple, est une ballade dont la structure simpliste au possible (on commence à la guitare acoustique, puis on ajoute batterie et compagnie pour monter en crescendo) joue parfaitement son rôle de soutien de la partition vocale, qui elle-même sort des automatismes Gallagher – ça tient à une note, parfois, mais la note compte, décharge électrique dans l'oreille de l'auditeur mou que nous sommes tous. Idem pour "I've All I Need", final réussi de l'album, à la mélodie remarquable, et véritablement « différente ». "I Get By", dans un autre registre, redynamise l'album à un moment où il en avait besoin, grâce à la laideur gloutonne de sa production (délicieuse impression désagréable d'avoir douze guitares dans chaque oreille).

Ce premier album solo de Liam Gallagher comporte donc, consensuellement, bien plus de qualités que de défauts. L'ennui, avec ces qualités, c'est précisément qu'elles sont d'un ennui terrible : on les trouve exactement là où on les cherchait en espérant ne pas les trouver, avides de failles et d'aspérités. En fin de compte, étonnés de n'avoir pas été étonnés un seul instant, As You Were nous déçoit par son incapacité à nous décevoir.

Au cours de la promotion de cet album, Liam a eu à cœur de balayer l'image que la légende et les médias lui collaient. Mais même s'il n'avait jamais été, comme il le revendique énergiquement, le mauvais gars que la presse présente, au moins sa musique, elle, y correspondait ; aujourd'hui, elle semble bien être passée à son tour du côté de ce bon gars qu'on ne décrivait pas, propre sur elle, lisse, raisonnable. Ce serait parfait si l'on comptait le présenter à nos parents en vue de partager d'agréables déjeuners dominicaux entre braves gens bien courtois ; mais ce que l'on attend de Liam Gallagher, c'est une cuite sale au wiskhy sec en plein milieu de la semaine ; tristement, on reste sur notre soif avec As You Were.

liam gallagher, oasis, 2017, as you were, album solo, wall of glass

Le 6 octobre chez Warner

NOTE DE L'AUTEUR : 5 / 10



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