L'Olympia est le passage obligé de la vie d'un artiste. Celui où l'on a enfin le sentiment de consécration, de reconnaissance, et surtout celui qui nous retire nos casquettes d'ados en mue pour une barbe drue adulte dont les teintes se font de plus en plus grisonnantes : eh ouais, quand on découvrait Weezer, c'était y'a vingt ans.
Pourtant, à voir les générations, entre trentenaires massivement représentés mais aussi la jeune relève et son regard plus neuf, on voit que le groupe n'a cessé d'attirer à lui de nouveaux adeptes, et à voir l'arborescence de t-shirts, qui peuvent autant louer les valeurs de Dinosaur Jr. que celles des Who, ça a clairement brassé large. Élément nostalgique ou élément pertinent, Weezer ? Si un début de réponse s'affirme quant à leur notoriété, la réponse sera avant tout sur scène.
The Orwells, chargé d'entamer les hostilités sera d'ailleurs bien plus jeune que le quartet et dans une mouvance plus brute, quasi punk. En effet, avec un côté je-m'en-foutiste, qui ne saluera jamais son public et une voix faussement "destroy", leur vocaliste aura des airs de Johnny Rotten. Une volonté palpable par des membres encore inexpérimentés mais qui comblent constamment l'espace scénique, pour une sauce qui recevra les applaudissements d'usage mais qui ne prendra jamais vraiment. Il faut dire qu'au delà d'une interprétation correcte, ce que l'on entend là ne semble ni nouveau, ni aguicheur.
Évidemment, inutile de dire que lorsque c'est au tour de Weezer d'envahir les lieux vingt minutes plus tard, l'ambiance a drastiquement changé à tel point que tout nous donne l'impression que la fosse a triplé de volume. Chaque morceau sera chanté à tue-tête, les Américains sont adulés et ça se ressent. C'est d'ailleurs un contraste qui est assez amusant : on constatera vite que les nouveaux titres sont exactement dans les mêmes mouvances que les vagues souvenirs qui nous en restaient : du teenage rock à l'américaine de la fin des années 90, flirtant avec un surf rock innocent. Étonnant donc de voir des nouvelles générations se sentir concernées là où les codes sont clairement calibrés pour accompagner les séries et soirées d'été qui comblaient les actuels trentenaires, codes qui ont bien changé aujourd'hui (en bien ou en mal, chacun ira de son idée). Mais visiblement, la recette reste intacte, en témoigne une énorme motivation de la part du public.
Sur scène, Weezer à ce côté sérieux, avec des membres qui semblent tirer la gueule du début à la fin, mais qui se targuent d'humour solidement placé lors des interventions. On est au Bal de Promo de fin d'année accompagné par des pince-sans-rire. Du rock simple et efficace, terriblement ancré dans son époque mais qui ici semble fonctionner malgré tout. Et ça, c'est dans les faits. Car si l'on se concentre sur le contenu réel, on constatera que Weezer offre le minimum. Un concert très court, où la pression ne remonte jamais vu que le groupe n'a besoin que de s'appuyer sur son public de fidèles pour générer de l'ambiance. Ambiance électrique dans la fosse, et peu d'énergie sur scène.
Musicalement, ce que propose Weezer n'a pas évolué d'un iota : leurs mélodies restent un concentré de naïveté adolescente, comme si le groupe était resté bloqué en 98, et que sa seule ambition reste de faire la b.o du prochain American Pie. On est dans un syndrome passéiste, où groupe comme public refuse catégoriquement de grandir et préfère s'enfermer dans ce qu'il lui reste d'innocence. Et si c'est toujours sympa de se dire qu'on va réécouter les titres qui ont bercé nos années acné, on est en droit d'attendre de nouvelles propositions. Ou pas, en témoignera un public qui semble plus que satisfait de la fête adolescente qu'il s'est créé tout seul, le groupe n'étant au final qu'un bande son de fond.
Alors d'un côté, quand on attend exactement ça, Weezer fait plutôt bien le taf. L'interprétation (qui ne demande pas grand chose) est plus que correcte, et si on mène l'élément de comparaison aux autres groupes des 90's qui peinent aujourd'hui à retranscrire la folie de leur jeunesse (non sans un ridicule qui commence à devenir gênant, on se rappelle des dernières prestations de The Offspring), ils sont au-dessus du panier. Comme quoi, il suffisait d'écrire quelques titres fédérateurs, de ne jamais vraiment se fouler en énergie pour ne pas donner une image qu'on finira par ne plus suivre, et laisser l'audience faire le boulot.
Photos : Rodolphe Goupil