Un rêve éveillé pour le groupe de rock psyché typé 70's Dätcha Mandala : en moins d'un an passer de petites salles où nous avions pu les voir devant une vingtaine de personnes jusqu'au Stade de France récemment en première partie des Insus devant 30 000 personnes, c'est à leur puissance folle que ses membres le doivent. Avoir réussi à attirer l'attention de Kolinka et Aubert, il fallait le faire, ici pas de copinage, juste la séduction liée à leur musique hors du temps.
Crédit photo : Julien Dupeyron
Rokh est un oiseau mythique des contes arabes et l'homophone de notre style musical favori. Quoi de mieux pour définir la musique de Dätcha Mandala que cet oiseau de feu lié à l'orage. Et s'il présage d'une mort imminente, c'est ce qu'on retrouve aussi souvent dans le Rock, une intensité proche de la rupture. Cette rupture, cette angoisse profonde que l'on ressent dans le Blues. "Men I've got a feeling in my heart I need ton scream and shout!" ("Anâhata"), Dätcha Mandala s'évertue de rendre positives ces sensations lourdes en chantant vouloir célébrer le fait d'être vivant, que rien ne peut les arrêter. Le karma a une importance dantesque dans leur oeuvre forte de spiritualité ("Have you seen the light"), dans le fait de vivre aujourd'hui aussi, de s'éveiller. On ressent les influences du rock psyché ayant emmené George Harrison en Inde sur les chemins de lui-même.
Crédit photo : Pierre Wetzel
De leurs looks à leurs arrangements et à la production de leur musique, tout indique les 70's, un son brut, étouffé mais puissant, loin des standards lisses du Rock d'aujourd'hui, tout numérique. Rokh est aux confins de l'Occident à la rencontre du proche et du lointain Orient. Des sons arabisants, d'autres rappelant le sous-continent indien, Dätcha Mandala a parcouru le temps et l'espace avec ce 8 titres pourtant homogène qui ne se laisse pas mourir. Le final du dernier titre "Loot", 3 minutes optimistes et intrumentales saisissantes, se ralentissant sans s'enfuir après une première partie de plus de 8 minutes synthèse de l'album.
Un album qui rendra hommage aux plus grands groupes de heavy blues comme avec le "Da Blues" que n'aurait pas renié Led Zeppelin, une voix qui rugit autant que les guitares grincent. Du revival sans revival, c'est vraiment d'époque sans la réfléxion de faire revivre une période, un style musical, Dätcha Mandala ne nous est pas contemporain, il vit dans les années 70 avec ses flower ballades folk ("Uncommon Travel", "Smiling Man"). Sa manière de jouer, son attitude, tout nous y mène. On passera longtemps aussi à se demander si "Misery" est une reprise d'un classique tant son air nous entête déjà.
Le rêve éveillé de Dätcha Mandala nous fait fermer les yeux et nous prélasser dans la contemplation d'une époque bénie que nous n'avons pas vécue mais pour laquelle nous avons comme eux une profonde dévotion. Rokh est bien plus qu'un hommage, c'est un moyen d'y être, de la vivre sans procuration, de se laisser bercer dans le heavy blues, de souffrir en silence mais la tête pleine de riffs.
Sortie le 10 novembre chez MRS Red Sound