Sapin – Dark is the Night… On is the Party

Le quatuor breton, spécialiste émérite du genre garage-country, a présenté à la mi-octobre le successeur de Smell Of A Prick : Dark is the Night... On is the Party, cinquième ligne dans la discographie de Sapin et seconde collaboration avec Howlin Banana Records. Première chronique garantie sans jeu de mot sur le nom du groupe.


C’est avant tout par ses grandes qualités mélodiques que l’album se distingue, qualités portées autant par le chant principal que par les thèmes de gardien de vaches-surfeur de la guitare. Tout semble d’ailleurs être organisé pour que cet aspect soit mis en valeur au maximum, avec une répartition assez stricte et figée des tâches de chacun : à l’avant, donc, la voix et la guitare lead en parties solistes entremêlées, et à l’arrière, le bloc rythmique, basse-batterie-seconde guitare, au travail dans des rôles discrets mais précieux de soutien de la première ligne. Plus qu’à des morceaux, on a donc véritablement affaire à des chansons, ce qui n’est plus si systématique dans la musique actuelle. Même les chœurs, harmonies vocales pas révolutionnaires mais savamment dosées, sont orchestrées de manière à ce que la mélodie principale demeure toujours en relief, comme cette voix grave doublant la ligne principale sur le couplet de l’ouverture, "MH370".

Dans le même ordre d’idée, les prouesses techniques sont soigneusement évitées, Sapin privilégiant plutôt une efficacité sans esbroufe. C’est probablement ce qui fait que, du même coup, la production globale semble parfaitement adaptée : il n’est pas question ici de présenter une propreté, une clarté optimales, et c’est fort bien ; c’est ce son, un poil rugueux, qui convient à ces compositions énergiques et solaires. Si tout n’est donc pas très clair, cela n’est jamais dérangeant puisque les partitions des différents instruments demeurent aisément compréhensibles.

Le chant, au centre de cet album donc, s’insère parfaitement dans cet environnement. Il s’agit là d’une belle amélioration : la voix semble s’être posée par rapport aux albums précédents, et ce qu’elle perd un peu tristement en fureur (qu’on appréciait à l’époque du Radio Hits de 2013 par exemple), elle le gagne en subtilité, en efficacité pop, lui permettant de mieux trouver sa place dans le mix, alors qu’elle semblait encore un peu isolée sur le précédent, Smell of a Prick. L'accent légèrement franchouillard du chanteur anglophone est loin d'être pénalisant, ça aurait tendance au contraire à éveiller en nous quelque sentiment chauvin, quelque fierté patriotique insolente et dérisoire. Tout n'est donc pas toujours très clair, mais la voix au moins s’intègre tout en dominant le tout ; cet aspect est en quelque sorte nécessaire, l'auditeur ayant envie de se sentir devenir un genre de marginal raffiné lorsqu'il écoute un groupe Howlin Banana.

sapin, dark is the night, 2017, howlin banana, hiroshima

Au final, la seule chose que l’on pourra reprocher à Dark is the Night... On is the Party sera sans doute un certain excès de gentillesse, de bons sentiments, consécutif à la perte de fureur dont nous parlions : peut-être faudrait-il que Sapin soit un peu moins joli parfois, et s'en aille explorer des terres plus ambiguës, tenter le ton plus grave, plus cruel. La bonne humeur constante - sans dire qu'il s'agit exactement de cela ici, puisque quelques précautions ironiques sont prises judicieusement - amène toujours une suspicion irritante de manque de profondeur, de niaiserie. C'est simplement ce qui manque à cet album pour prendre encore plus de hauteur.

On n’écoute jamais trop les labels lorsqu’ils nous assurent dans des communiqués de presse pimpants que tel album est celui de la maturité pour tel groupe, mais force est de constater qu’on peut faire confiance à Howlin Banana : quand il était annoncé que Dark is the Night... On is the Party était  l’album le plus abouti de Sapin, c’était pas des blagues. Les progrès sont palpables, et la composition semble s’être véritablement affirmée, ajustée au projet de base et à la personnalité qui commençait à se concrétiser depuis quelques albums, comme si après avoir essayé du 42 et du 43, on se rendait compte qu’on chaussait en fait du 42 et demi. Une fois qu’on le sait, il suffit de trouver un magasin qui vend du 42 et demi, et choisir des baskets cool. Sapin en est là : le groupe a chopé du 42 et demi, avec des lacets trop bien, la jolie languette, la semelle confortable et tout ; maintenant, il n’y a plus qu’à courir.

Le 13 octobre chez Howlin Banana Records
Album en écoute intégrale ici

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :

Ces articles en relation peuvent aussi vous intéresser...

Ces artistes en relation peuvent aussi vous intéresser...