Näo n’a plus grand chose du groupe de débutants, et c’est après avoir longuement bossé son truc que le trio nous sort son premier « véritable » album chez Jarring Effects, label indé au nez creux chez qui l’on trouve aussi des pointures du dub/électro (High Tone, EZ3kiel) que des artistes plus orientés rock comme la formation qui nous intéresse aujourd’hui. Electro-rock. Voilà bien une étiquette qui ne veut plus rien dire tant les tentatives dans le genre ont été nombreuses, variées, et terriblement inégales. Depuis que Nine Inch Nails a explosé les charts et imposé des critères de qualité extrêmement élevés, tout se passe comme si au lieu de proliférer, la scène qui aurait pu émerger était morte née. Combien de groupes, à force de se lancer dans un truc un peu trop entre deux chaises, ont fini par pondre un album frelaté qui a causé leur perte ? Pourtant, il n’y a pas que ce modèle-là, et ça, Näo l’a bien compris. Pourquoi continuer éternellement à faire la même chose ? Surtout quand de nouvelles sonorités ont entretemps fait leur apparition et peuvent être intégrées dans un cocktail qui, s’il s’inspire de modèles existants, ne cherche pas à réciter son petit manuel de l’électro-rocker fadasse.
Parce que rapidement, on sent que ce groupe-là peut s’imposer comme la bouffée d’air frais dont le genre a besoin. Loin des recettes frelatées, Näo a choisi de s’inspirer de ce qui se fait de mieux en électronique ambiant, du dub de ses camarades de label aux paysages sonores de DJ Krush. Des sonorités délicates et planantes nous entraînent dans une montée en puissance à laquelle une grosse guitare bien rock vient se joindre tandis que la batterie fait monter la sauce. Bon, ce n’est pas une révolution, mais c’est très bien fait et plaisant à entendre. Les boîtes à rythmes s’entremêlent avec la batterie le long de compositions instrumentales qui se plaisent à mêler l’atmosphérique et la puissance. Plutôt que de s’embourber dans un format rock classique, le groupe préfère profiter du meilleur de chaque monde pour nous offrir une collection de titres tour à tour puissants (« Ilogic », « Uusi » et ses sons de guitare qui évoquent la meilleure période de Nihil, le terrible « Mechanical » qui doit faire un malheur en live) ou plus volontiers tournés vers les ambiances planantes chères à la scène électro/dub (excellents « Calibrate » et « Imago »).
On peut donc se réjouir d’avoir un groupe qui réhabilite l’électro-rock en faisant table rase des formules faciles plus ou moins pompées chez Nine Inch Nails et exploitées jusqu’à la moelle dans les années 1990, because franchement, il était temps que quelqu’un le fasse en profitant de toutes les innovations apportées par les années 2000 (parce que malgré notre côté mauvaise langue, il faut bien reconnaître qu'il y en a quand même eu un peu). On pourra reprocher à Näo de privilégier l’efficacité, un petit côté « brut de décoffrage » et des arrangements qui pourraient être plus travaillés, plus riches. Toutefois, ce premier jet a les défauts de ses qualités, et ce qu’il perd en profondeur, il le gagne en fraîcheur et en immédiateté. Ce n’est là qu’un détail qui laisse plutôt augurer d’une belle marge de progression pour le futur. L’album est suffisamment varié pour s’écouter d’une traite (le dansant « Trent » et le très planant « Killing Time » font un excellent finish) et suffisamment bon pour se le faire plusieurs fois de suite. C’est donc à une belle réussite que l’on a à faire, et c’est avec plaisir que l’on retrouvera Näo en concert cet été et dès la rentrée pour la fêter comme il se doit.
nÄo live band par BertrandVinsu