Ulver ne fait rien comme les autres. Alors que The Assassination of Julius Caesar, son dernier album, a divisé les fans, certains reprochant cette pop-électronique hybride à la Depeche Mode, les autres hurlant au génie, il nous tardait de découvrir ces nouvelles compositions sur scène. La Machine du Moulin Rouge n’est certes pas pleine, mais le public s’apprête à être plongé dans une ambiance retro années 80 bien menée, avec un partie pris scénographique osé et déroutant, à l’image du combo norvégien.
Avant de débuter le set d’Ulver, c’est Stian Westerhus (membre live de la formation norvégienne) qui monte sur la scène, plongée dans la pénombre, pour se lancer dans un set expérimental et difficile d’accès. En effet, le musicien, éclairé seulement de dos par deux spots, joue avec ses pédales d’effet, tritures des textures sonores tourmentées issues de sa seule guitare, et pose un chant de tête à mi-chemin entre Jeff Buckley et Sigur Ros.
Si la démarche nous apparait louable et la prise de risque réelle, l’ennui fait rapidement son apparition, d’autant plus le Norvégien fait preuve de quelques maladresses vocales et techniques en déclenchant parfois des sons mal maîtrisés. On pense certes à Robert Fripp (King Crimson) dans la démarche, mais n’est pas le guitariste anglais qui veut et une partie du public semble gênée par l’interprétation du musicien. Le jeu à l’archer qui vient ponctuellement remplacer le médiator reste malgré tout bruitiste et fort heureusement, une demi-heure à peine après le début du set, les musiciens d’Ulver se mettent en place derrière leurs instruments et ordinateurs, et ce sans coupure avec cette première partie déstabilisante.
Dès la rythmique de « Nemoralia » entamée, on se retrouve en terrain plus connu et mieux maîtrisé, avec l’electro-pop dark et ambiante tirée du dernier opus des loups norvégiens. Garm (Kristoffer Rygg de son vrai nom) s’installe derrière le micro et assène quelques percussions électro qui remportent tout de suite l’adhésion du public. Si The Assassination of Julius Caesar reste expérimental et sujet à débats, l’interprétation live de l’œuvre prend tout son sens, avec un parti-pris scénographique intéressant. En effet, des lasers sont projetés sur l’écran du fond et balayent la salle pour un rendu qui nous plonge instantanément dans les années 80, évitant parfois de peu l’écueil du kistch. On pense parfois à l’ambiance de la série télévisée Stranger Things, agrémentée de mélodies sucrées sans être mièvres pour autant.
La voix de Garm enveloppe les compositions, évoquant son compère Dave Gahan de Depeche Mode (hommage à peine déguisé ou plagiat, nous laissons ce jugement aux seuls spectateurs). Et force est de reconnaître que l’ensemble fonctionne décidément bien. Le temps fort de ce set, c’est bien évidemment « So Falls The World », sombre à souhait, sur lequel les lasers dessinent des lauriers de l’Empereur romain et des colonnes antiques sur l’écran du fond.
Les expérimentations sonores dont Ulver est désormais friand se font toutefois bien présentes (« Rolling Stone », « Transverberation », le final de «Coming Home » allongé à grand renfort de percussions) et la démarche artistique bien réelle. On peut toujours reprocher un manque de communication avec le public, le leader se contentant régulièrement de remercier l’audience en s’inclinant respectueusement, mains jointes, mais ce n’est certes pas le point fort du combo qui préfère présenter son art comme un spectacle son et lumière, plus que comme un concert classique.
Toujours est-il que le public statique bouge la tête en rythme, pourtant peu habitué à l’ambiance night-club parfois frôlée par le set des Norvégiens. Si Stian Westerhus a peu mis en avant ses qualités de guitariste lors de la première partie qui lui était accordée, il se rattrape au cours d’un très long solo frippien sur le final de « Coming Home », qui flirte presque avec le dubstep, mais qui garde malgré tout une puissance typiquement rock et une cohérence remarquable.
Après ce final qui récolte un beau succès auprès du public, les musiciens s’éclipsent pour revenir ensuite interpréter en guise de rappel leur reprise de "The Power of Love" de Frankie Goes to Hollywood. De quoi s’ancrer encore un peu plus dans leur évolution électro-pop, tout en gardant leur patte expérimentale si caractéristique. Le chant de Garm enveloppe une fois de plus toute la Machine du Moulin Rouge. Après avoir joué près d’une heure et demie, Ulver salue rapidement et s’éclipse définitivement cette fois. Une chose est certaine, The Assassination of Julius Caesar prend tout son sens en live, accompagnée des lasers qui renforcent l’ambiance eighties voulue par le combo. Définitivement, Ulver ne fait rien comme tout le monde, et c’est finalement ce qui rend l’expérience live encore plus passionnante.
Setlist Ulver :
Nemoralia
Southern Gothic
1969
So Falls the World
Rolling Stone
Echo Chamber (Room of Tears)
Transverberation
Angelus Novus
Bring Out Your Dead
Coming Home
The Power of Love (Frankie Goes to Hollywood cover)
Photographies : © Arnaud Dionisio / Ananta 2017
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Merci à Fred et l’équipe de Garmonbozia pour l’accréditation.