Rencontre avec les Dätcha Mandala

Le 29 novembre dernier, quelques minutes avant leur concert au Point Ephémère, le trio de heavy blues bordelais les Dätcha Mandala a été littéralement passé à la question. Comment des gamins de vingt piges et quelques, peuvent-ils se réclamer - et le prouver haut la main avec leur album "Rokh" - de Led Zep, Black Sabbath et autres vieilleries des seventies, sans pour autant donner dans la mauvaise copie conforme… Une passion partagée et un héritage famililal en commun pour Nicolas Sauvey (Lead Vocal/Bass/Acoustic guitar/Harmonica), Jérém Saigne (Lead Guitar and Vocals) et JB Mallet (Drums and Vocals). Un son qui leur semble de fait naturel, tout comme le fait de chanter en anglais est pour eux une évidence par fidélité à leurs racines musicales. Un sentiment de reconnaissance qui s'exprime également envers celui qui fut leur maître du son et leur mentor, Chinoi, dont Tom leur technicien a pris la succession à leurs côtés.

Où est-ce que vous avez trouvé ce blaze ? Vous voulez truster à la fois le marché russe et le marché asiatique ?

Jérem : Notre groupe de lycée s'appelait Honky Tonk. Un nom qui nous plaisait pas plus que ça à Nico et moi… Dätcha vient d'un cours d'histoire sur l'Union soviétique. On parlait pas mal spiritualité, philosophie à cette période et j'ai fait l'association entre ce terme russe et Mandala. Une sorte de métaphore du ying et du yang, de l'équilibre des forces matérielles et spirituelles. Le côté matériel de la datcha et spirituel pour le mandala…

Et ça donne un nom qui "sonne" particulièrement à l'oreille…

JB : Et qui donne libre cours à toutes les interprétations possibles et imaginables !

Et le titre de votre album… z’auriez-pas pu relire avant quand même ! Rokh… Ça fait vraiment pas sérieux une fôte pareille !

JB : On avait pensé à Djazz, qu'on a pas trouvé dans le dictionnaire…

Nico : Rokh, c'est un oiseau mythologique présent dans les légendes et contes perses. Il est dit qu'il a vu la création du monde et qu'il peut guérir de toutes les blessures physiques comme psychiques. Ce mythe nous a bien plu…

Jérem : Et ça collait totalement à l'artwork de l'album. Cet oiseau composé de toutes les figures, les personnalités que l'on apprécie tous, a été créé par Markel Urrutia aka "Smoke Signals Studio".

Dätcha Mandala, Clive Martin, heavy blues, Led Zeppelin
Phto © P. Cossé

Vos influences seventies sont pas franchement discrètes… C’est la faute à qui ? A papa / maman, à Tonton Jacky, au cousin Bertrand ?

Nico : Moi c'est cousin Quentin…

Jérem : Les parents, qui écoutaient AC/DC, Supertramp, les Doors...

JB : Et en l'ayant écouté durant notre enfance, c'est donc très naturel pour nous faire cette musique...

Jérem : JB et moi, on a eu aussi notre période métal, mais pas Nico…

Nico : Je suis passé direct à la case Led Zep, David Bowie, Marc Bolan, les Beatles… En colos, grâce à un pote. Je ne connais qu'une chanson "rock" : "Angie" des Stones

Votre album a été produit par Clive Martin qui a travaillé avec Queen, Tom Yorke, The Cure, Midnight Oil, Les Wampas… Et qui est connu pour être 100% analogique...

JB : En 2016, nous étions au studio de Berduquet (à Cénac en gironde) lorsqu'il mixait l'album de Krazolta. On a entendu le son qui sortait avec Clive aux manettes et on s'est dit, c'est exactement ça qu'on veut ! Le 100% analogique, sans écran, tout à l'oreille, c'est pour nous !

Mais avec l'analogique, pas de droit à l'erreur, c'est deux prises sinon rien...

Jérem : On était vraiment prêts lorsqu'on est entrés en studio…

Nico : On sortait d'un mois de pré-prod… Il y a un côté exaltant avec l'analogique, un effet presque live… Il faut être dedans direct. Tu fais deux prises et tu veux en refaire une et on te demande laquelle tu veux effacer du coup !

Dätcha Mandala, Clive Martin, heavy blues, Led Zeppelin
Photo © P. Cossé

Dans une ITW, tu déclarais, Nico : "c’est beaucoup plus dur d’écrire de jolis textes en français sur du rock". Si je vous cite Kemar des No One is innocent (qui constate que la musique en français dans l’texte qu’écoutent les jeunes, c’est le rap) "Tant que les mecs continueront à chanter en anglais, le rock restera underground". Vous en pensez quoi, vous qui avez fait le stade de France avec l’un des groupes français les plus connus "téléphoniquement" parlant ?

Jérem : Phénix, par exemple, c'est pas vraiment underground...

Nico : Dans mon souvenir, il me semble que lui-même a fait aussi le constat qu'en chantant en français, on se limite aussi à la sphère francophone. Un problème qu'a rencontré Téléphone d'ailleurs. On ne cherche pas forcément à faire mieux qu'eux, mais il se trouve que pour nous, ça sort de toute façon mieux en anglais…

JB : Et Gojira, ça marche plutôt bien, non ?

Kemar n'est pas le seul à se poser cette question...

JB : Oui et il a raison de la poser. Et on a un total respect pour sa démarche. Tout dépend de la raison profonde qui te pousse à faire de la musique ; soit c'est pour exprimer quelque chose ou c'est avant tout parce que c'est ce qui te fait vibrer. Ce qui est notre cas… De toute façon, on ne calcule pas si ça va rapporter de choisir l'une ou l'autre de ces langues.

Nico : Et regarde les BB Brunes qui chantaient à leur tout début en anglais et qui se sont mis au français ensuite, quand ils ont signé avec une maison de disque. Ça ne leur a pas forcément bien réussi… On nous proposerait ça, ce serait non. Même si on s'interdit pas d'écrire en français, une chanson par exemple comme les Talking heads

JB : Bof… "Psychokiller qu'est-ce que c'est"

Nico : Tu rigoles, y a tout un couplet en français !

JB : Ah oui, après le pont...

Dätcha Mandala, Clive Martin, heavy blues, Led Zeppelin
Photo © P. Cossé

Vous vous autoproduisez. C’est parce que vous n’avez pas encore trouvé un label assez inconscient pour le faire ?

JB : Tes infos sont fausses ! On a un label suffisamment inconscient pour ça ! MRS Red Sound, le label du groupe Mars Red Sky, dont fait partie Jimmy notre tourneur. Et c'est lui qui nous a filé un gros coup de patte sur la promo de l'album à sa sortie...

Jérem : On a eu des touches avec des labels, mais six mois plus tard, ça a été… ben, non finalement. Et il fallait qu'on le sorte cet album, il était prêt depuis un an !

JB : On l'a enregistré en janvier 2016… Mais bon, ça n'a pas été pas si mal comme timing, puisqu'il est sorti au moment du concert au Stade de France avec Téléphone...

Votre page Facebook affiche 450 concerts au compteur, et ça doit avoir monté depuis. Votre kiff, c’est la scène ?

Nico : Oui mais le studio aussi...

JB : Notre kiff, c'est de faire de la musique ensemble.

Nico : On joue déjà depuis plus de dix ans…

Vous avez biberonné tôt au rock n'roll...

JB : Toujours grâce à nos parents… Et c'est grâce à eux, à la confiance dont ils ont fait preuve envers nous quand après le bac, on s'est décidé à monter le groupe.

Nico : Et on a eu une chance énorme, c'est pas donné à tout le monde…

JB : On en vit seulement depuis mars, lorsque on est devenus intermittents.

Dätcha Mandala, Clive Martin, heavy blues, Led Zeppelin
Photo © P. Cossé

On a lu votre texte dédié à votre ingé son, Jean-Marc André*, alias "Chinoi", disparu en 2015. C’est rare un groupe qui se fend d’un tel hommage à un "technicien"…

JB : C'était beaucoup plus qu'un technicien pour nous. Il a été notre mentor. On l'a rencontré il y a huit ans jour pour jour.

Jérem : Il nous faisait le son, mais aussi la production, l'accompagnement artistique. Dès le premier concert le 1er avril 2010, il a cru en nous et nous a mis les coups de pied au cul nécessaires. C'était quelqu'un d'incroyable, Tom ici présent peut en parler aussi.

Tom : Chinoi, c'était chinoi… Papi quoi. Il m'a appris mon métier et j'ai pris le relais une fois qu'il est parti… C'était quelqu'un de très humain et une pointure, qui a mis le pied à l'étrillier à plus deux tiers du rock alternatif français. Il a lancé la Mano Negra, bossé pour FFF, Noir Désir, Lofofora

JB : On s'en rendu compte que d'autres que nous ont aussi profité l'aide ce qu'il nous a apporté. Des techniciens, des groupes…

Tom : Et sans rien demander en échange ! Il agissait ainsi par passion, par engagement. C'est rare...

Dätcha Mandala, Clive Martin, heavy blues, Led Zeppelin
Photo © P. Cossé

Côté rock, on ne peut pas dire que Bordeaux joue les belles endormies et ça, bien avant que n’arrivent les emblématiques Noir Dez… Vous avez donc tourné avec Mars Red Sky…

Jérem On a fait quelques concerts ensemble à Bordeaux. C'est du stoner rock psyché, ils sont trois, le chanteur a une voix mélodique et aigüe, et ils chantent eux aussi en anglais ! On ne pouvait que tourner avec eux…

Et à part eux, vous vous situez où dans la scène bordelaise ? Plutôt dans la veine revival comme Wylde Tryfles ou plus actuelle comme les JC Satan…

JB : On connait pas les Wylde Tryfles

C'est un groupe de garage sixties.

Par contre, les JC Satan, on connait. On est évidemment proches des Salamander Jive (NDR groupe au sein duquel joue également Nico), des Overcharger (NDR encore : groupe dans lequel Tom tient les drums). De Krazolta, De Colonel Mushroom

Jérem : Ce sont des potes !

Y a un festoche en janvier, Bordeaux Rock. Ça joue bien dans les bars, comme au Printemps de Bourges. Vous y avez participé ?

Nico Euh non… C'est très garage et on dirait qu'on est pas assez rock pour eux… La seule structure - hormis Kriss maximum tour évidemment - à nous avoir aidé, c'est Allez les filles avec Francis Vidal. Une asso organisatrice de concerts, qui fait vraiment beaucoup bouger la ville et qui nous ont également permis de rencontrer ceux avec lesquels on a pu tourner en Allemagne. Les SMAC et compagnie, c'est un peu compliqué, en tous cas pour nous… Ce qui nous a conduit à nous faire tout seuls, avec l'aide de Chinoi bien sûr.

Jérem : Ce qui n'est pas plus mal…

JB : …on ne doit rien à personne ! Même si comme le rappelle Nico, on a bénéficié du soutien de Chinoi. On est surtout bien entouré ; Kriss, Tom, Panpan, Jimmy notre booker… Une famille, quoi. Notre soutien, il est là.

Vos projets pour ces prochains mois ?

JB : On a de nouvelles compos ; on en jouera d'ailleurs une ce soir (NDR "Moha"). Et on prévoit une distribution de Rohk en Angleterre, avec une tournée là-bas et des dates en France, dont une avec N.T.M.

Un grand merci à Kriss Vigneau, Tom et les trois Dätcha pour leur disponibilité juste avant leur épique concert au Point Ephémère

* Jean-Marc André, alias "Chinoi", a également travaillé avec les Négresses Vertes, les Garçons Bouchers, Royal De luxe, Pigalle, Los Carayos, les Hot Pants et même avec Iggy Pop, Slash, Madonna).



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