Les Patron$ au Chinois de Montreuil, 7.12.2017

Jeudi soir, à Montreuil, banlieue est. Montreuil, encore une fois, capitale du Rock'n'Roll. Cette fois-ci, c'est au Chinois que ça se passe. La salle de la Croix de Chavaux accueille ce qu'on pourrait qualifier de cover-band, un groupe qui fait des reprises de classiques du Punk-Rock. Avec un petit détail en plus : On a à l'affiche les Patron$. Récit d'une soirée qui a tenu plus que ses promesses.

Alors que la salle se remplit doucement, arrive sur scène Alexis Delmastro. Ce n'est pas la première fois que la première partie d'un concert est assurée par un artiste qui ne fait pas de musique. Alexis Delmastro, c'est un peu pareil, mais pas trop. Il aimerait bien faire de la musique. C'est ce qu'il va nous expliquer dans un long monologue, plein de gags et de vannes au goût douteux souvent très bonnes. Une entrée en matière bien drôle, qui verra une guitare littéralement exploser avant que le premier accord ne vienne lui chatouiller les cordes. Ou encore, ce que tout bon guitariste a eu envie de faire une fois dans sa vie sans oser aller jusqu'au bout : pulvériser une guitare à coups de bottes pour aller récupérer un médiator récalcitrant, tombé dans la rosace.
Prestation pas évidente, mais un résultat atteint, le public s'est bien marré. Et il semblerait que Alexis Delmastro soit venu pour ça. Contrat bien rempli.

Le temps de ramasser les vestiges de guitares qui jonchent la scène, et les choses sérieuses peuvent démarrer. Fort, très fort.

Les Patron$, même si le nom est plein d'ironie et d'autodérision, ce sont quand même les boss. Plus de 30 ans de bouteille, des concerts à foison, dans les plus grands stades comme dans les plus sombres squatts, les Patron$ ont tout connu, ensemble ou séparément. Tellement longtemps que ça dure, que le Punk-Rock coule dans leurs veines, et qu"ils le distillent à l'envi.

Daniel Jamet et Tom Darnal, aux guitares et chant, ont faim. Ont envie. Gros son, très correct pour une salle à l'accoustique issue de la gastronomie asiatique. Et ça joue. Si Tom pose ses rythmiques pour se garder de l'énergie vocale, ce n'est pas le cas de Daniel, dont la technicité et le jeu juste auront fait merveille tout au long de la soirée. Allez, laissons-nous aller, on y retourne, petit extrait :

Les Patron$, c'est une bande de sales gosses. Des ados attardés, qui rejouent ce qu'ils écoutaient alors adolescents. La setlist est gavée de pépites, avec du croustillant dedans. Parce que les mômes, quand ils étaient ados, c'était en 76 à peu près. Dans ces quelques années qui ont changé la face du Rock'n'Roll. Dans ce mouvement Punk qui a tout renversé sur son passage.

Alors, du Punk, on s'en prend dans les esgourdes. Stooges, Dead Kennedys, bien sûr. Sex Pistols, évidemment. Les Patron$ connaissent les tauliers. Mais ils ne jouent pas les trop évidents, hein, pas de "God Save The Queen", non, ce sera "Pretty Vacant". Et puis, beaucoup d'autres groupes, à la notoriété bien inégale, mais avec tous ce point commun, cette colère, cette énergie, cette folie. Damned, Dead Boys, Guilty Razors, Buzzcocks... Autant de noms dans une même soirée, ce n'est plus un concert, c'est un reportage! une commémoration!

Derrière ses fûs, Phil "Garbancito" Teboul envoie du lourd. Frappe sèche, précise, breaks nerveux, une efficacité redoutable. Et un groove, mon colon! Parce qu'on dira ce qu'on voudra, le Punk, même si ce n'est pas super exigeant, quand en plus tu le fais tourner, ça devient carrément jouissif. Ca balance bon, et ça donne un boulevard à Jo Dahan. Autre phénomène, celui-là! Outre son jeu ultra-expressif, ses cordes martyrisées, le son est parfaitement rond, avec cette pointe d'attaque qui ajoute encore de l'huile sur le feu. Chaque mimique est à l'image du plaisir qui existe sur scène. Toutes les expressions y passent, de quoi écrire un dictionnaire des expressions de visage.

Le set est énorme. Avec une entracte. Mais méritée, et nécessaire. La setlist annonce pas moins de 24 titres, et même si le morceau Punk ne dure que une minute trente sur disque, sur scène, c'est plus. Un show bien réglé, avec des musiciens qui connaissent le boulot, et qui aiment ça. Qui finissent même avec un dérapage ultra-maîtrisé, un boeuf servi saignant, sur ses huit ou neuf pattes. un concert à rallonge, personne ne veut partir, que ce soit sur la scène ou dans la fosse.

Les Patron$ auront tenu la barraque pendant presque deux heures, peut-être plus, impossible de savoir. Sans jamais relâcher la pression, sans lever le pied à aucun moment. Des covers, d'accord, mais des covers comme ça, c'est tous les jours! d'ailleurs il se murmure derrière les murs à pêche que un album verrait peut-être le jour... Guettons la page Facebook du groupe, on y verra leurs prochaines dates de concert, et on en saura plus sur cette galette qui si la rumeur est vraie s'annonce patatesque.

Photos © Olivier Aubry

Merci à Dominique Agostini