Il y a des lieux comme ça, à Paris, où il fait bon aller trainer ses docs, ses santiags, ses rangers ou ses escarpins. Un lieu discret et pourtant baigné de lumière quand on sait qui en a foulé le sol. Un lieu indus, différent, pas tellement classable comme l’artiste qui se l’est donné grave ce jeudi pour nous, sacré p’tits veinards que nous sommes.
Pour les plus mélomanes, le studio Atlas, situé près de Belleville, devrait vous rappeler quelque chose… Pour les autres, il suffit d’imaginer Air en train d’enregistrer quelques petites ritournelles (euphémisme assumé). En parcourant le couloir, leur disques d’or, des synthés vintages à souhait (dont un qui appartenait au Beatles s’il vous plait !) ainsi qu’une photo de Charlotte Gainsbourg sur place vous accompagnent. Un cadre idéal pour y découvrir Louis Arlette, musicien et chanteur Français, son nouvel EP À notre gloire et son tout premier album Sourire Carnivore dont la sortie est prévue pour le 8 février.
L’heure du concert sonne, on rentre, enfin ! Tout est en place, une ambiance tamisée nous accueille, rien de plus normal pour un studio mais ça va plus loin. On sent déjà comme de l’électricité dans l’air. Ça tombe bien : un synthé, une guitare, une batterie (celle de Virgin Suicide tant qu’à faire) et un micro se tiennent prêt. L’artiste nous toiserait presque passant de jugé à juge. Une sacrée prestance et dire qu’il ne chante pas encore ! On tourne la tête et c’est au tour de la guitariste de retourner la situation. Poussez les curseurs les gars, nous sommes toute ouïe. Comme une "Avalanche", on se prend en pleine tête la voix relativement indescriptible de Louis.
On s’envole dès le premier titre à l’arrière-gout, plutôt agréable, de Noir Désir. On oscille entre puissance de la voix, rock et chanson française. Des instants de force instrumentale laissant la place à des moments de silence. "À notre gloire" se laisse apprécier, en trinquant à la nôtre. Le tout s’enchaîne, alternant intelligemment entre force et douceur. Là où l’artiste se distingue, c’est dans son aisance à se placer sur des univers différents. Différents ? Finalement peut être pas. Sa voix fait le lien entre toutes ces compositions. On se prête plutôt bien au jeu, contents de déambuler dans son monde. Aimer ou ne pas aimer ? Telle n’est pas la question. Louis Arlette appose sa marque pareille à un coup de fouet qu’on a plaisir à prendre.
Tantôt contemplatif, tantôt incisif, il nous embarque et nous envoie directement sur l’Atlas. De là, on le regarde évoluer avec panache et fragilité comme celle d’un enfant pris sur le fait. Il tâtonne, ça se ressent. Les musiciens quant à eux l’épaulent et même le guident. Ne serait-ce pas la définition d’un groupe ? Là aussi l’artiste a su se la jouer fine. Il y a de sacrés loustics autant à sa gauche qu’à sa droite. Personne n’aura oublié la fougue voire la rage de la guitariste vivant et inhalant sa musique. Parfois trop surjoué, trop théâtralisé, leurs rôles dépareillés contribuent toutefois à susciter notre intérêt. On aurait presque aimé voir davantage d’interaction entre eux soulignant ainsi cette nouvelle collaboration. Mettons cela sur le dos de cette association récente.
Passer de un à quatre ne se fait pas sans apprivoisement. Louis Arlette pourrait se définir ainsi ; sauvage et libre comme sa musique. Rien ne se classe mais tout se découvre y compris des choses que l’on avait déjà entendu. Il en faut pour reprendre du Brel et "Je suis un soir d’été". Défi relevé mais attention toutefois au péché d’orgueil. Critiquer les reprises trop électro de Brel pour en faire de même, c’est culoté et dangereux… Magnanime on passera à autre chose parce que, entre nous, le restreindre à une certaine impudence serait dommage. On va dire que c’est limite un petit charme qui se laisse apprécier mais uniquement avec modération.
Prochain concert le 14 février à La Boule Noire, Paris
Sourire Carnivore sortie le 8 février chez Le Bruit Blanc/One Hot Minute/Wagram