En octobre dernier, France Inter le faisait remarquer fort justement. Depuis leur "Malamore", "les Limiñanas ne s'arrêtent jamais". De produire titre sur titre - dernier en date le simple "Istanbul is sleepy" avec Anton Newcombe - et de tourner surtout ! Grâce à eux, le rock garage fuzzelé a enfin voix au chapitre au sein des festivals de musiques actuelles… Pour leur prestation annuelle parisienne - squeezons celui du Plan en mai, puisqu'hors périph' - The Limiñanas a choisi de revenir à la Maroquinerie, qu'ils avaient déjà enflammé en 2015. Est-ce donc en connaissance de cause que le public francilien s'est précipité sur les quelques cinq cent places de la salle de Ménilmontant, à tel point que l'on a à peine eu le temps d'annoncer la date que déjà on affichait complet ? Devrions-nous vous causer dès maintenant de la venue des Limiñanas en mars prochain au Trianon… Gageons que nous serons aussi nombreux pour fêter leur nouvel album "Shadow People" qui sort en janvier.
Pas de première partie ce soir, une première à la Maroq'… Le set de Limiñanas ne commence qu'à vingt et une heures et le temps n'est guère au beau fixe pour profiter des tables de la terrasse. On traverse les rangs des fumeuses et les fumeurs que le crachin n'effraie pas, dès lors qu'il s'agit de tirer sur la clope, à l'ancienne ou à vapote. On y voit goutte à travers les fenêtres embuées du restaurant, preuve qu'il y doit y avoir du monde au mètre carré… À première vue, il ne s'agit pas des aficionados de la scène garageuse parigote, mais plutôt un mélange d'intelligentsia branchouille et de rockeurs et rockeuses de tout poil, trentenaires autant que quinquas. Sans nul doute le concert où il fallait être en ce mois de décembre. La présence d'un certain Antoine Zébra semble d'ailleurs l'attester… Si la plupart des tables ont mystérieusement disparu, c'est pour laisser la place à des platines derrière lesquelles officie un ex-rédac chef de Rock and Folk. Manoeuvre, déjà présent parmi le public de la Maroq' en 2015 joue les DJ avec un plaisir non dissimulé derrière ses ray-ban. Pascal Comelade, un très proche de la tribu de Lionel et Marie Limiñana l'assiste façon Dr Watson. Pas plus que nous, il n'a paru d'être surpris de l'hommage rendu à Johnny H, parti deux jours plus tôt. "So flegmatique" le Comelade !
Photo © E. Jorda
Dès que les portes s'ouvrent, nous sommes pas les seul.e.s à siffler notre binouze pour descendre manu militari dans la salle. Mais prudence étant mère de sureté, on procède à une petite halte au bar en sous-sol… Munis des indispensables munitions, chronirocker et photographe pénètrent dans la semi pénombre de la Maroq, pour tomber nez à nez avec Lionel Limiñana en pleine discussion avec Anton Newcombe. Accoudés à la rambarde qui fait le tour de la salle, ils devisent tranquillou, bientôt rejoints par des membres du groupe. Et personne pour venir les déranger. De mémoire d'habitué, du jamais vu à la Maroq. Ni frime, ni pose, bien dans l'esprit du groupe de Cabestany… Une autre surprise nous attend lorsqu'on rejoint la fosse. D'ordinaire, la batterie de Marie se trouve plutôt côté jardin, une singularité, puisque la plupart de ses confrères sont souvent relégués à l'arrière plan… Ce soir, elle est quasiment au centre de la scène ! Et lorsque The Limiñanas arrivent sur scène, on se rend vite compte que les effectifs ont été revus à la hausse et qu'ils/elles sont désormais cinq à entourer Lionel et Marie.
Photo © E. Jorda
Tout de noir vêtus, comme à l'accoutumée, The Limiñanas ouvrent le feu avec "Malamore". On est donc vite en pays de connaissance. Une invite à retourner de suite à psycheland, avec la blonde hollandaise Nika en ambassadrice au lead vocal. Le roadtrip parsemé de guitares fuzz et de rythmiques primales débute à 300 à l'heure. Ils enchaînent avec "Down underground", une "vieillerie" datant de leur premier album de 2010 et nous emmènent… au "Prisunic" ! Ce titre, référence emblématique des french sixties est de fait chanté en français. Nika n'a pas le phrasé gainsbourrien de Lionel sur la version studio, mais son timbre acidulé rappelle irrésistiblement la complice du beau Serge sur "Melody Nelson"… Idem pour "Tigre du Bengale" qui suit. De "Funeral baby" à "Crank" en "Garden of love", The Limiñanas vont "envoyer" comme le veut la formule consacrée. L'homme orchestre Ivan Telefunken, outre sa dextérité aux claviers nous fait son numéro en jouant de la guitare… avec une cuillère ! À ses côtés, Alban taquine du ukulé entres autres instruments à corde, tout en officiant lui aussi aux claviers. Renaud le petit nouveau de la bande assure lui aussi à la guitare et est le parfait contre-point à Nika sur les choeurs et autres tambourins. Quant à Mickey à la basse, il fait lui figure d'alter ego rythmique de Marie. Ah la frappe de Marie… On ne saurait mieux écrire que l'exégète es-Limiñanas, Mister Eric Jorda : "elle martèle ses futs. Avec elle, le minimalisme du jeu est inversement proportionnel au feeling qu’elle peut dégager." Rien à ajouter... Quant à Lionel, il est devenu ce chef d'orchestre, qui mène tout son monde, exactement là où il le souhaite... A grands coups de riff fuzz et de sourires complices dissimulés derrière sa barbouze.
Photo © E. Jorda
On avait donc aperçu Anton Newcombe dans la salle et repéré "Istanbul is sleepy" sur la setlist posée aux pieds de Marie. Nous ne sommes donc pas surpris lorsque le leader de Brian Jonestown Massacre, ray-ban et chemise hippie immaculée, pénètre sur scène. Ce morceau d'anthologie allait-il être le climax du concert ? Disons qu'il arrive ex-aqueo avec "Shadow people" et "Russian roulette", puisque c'est au tour d'Emmanuelle Seigner de jouer les guest de luxe pour le rappel. L'alchimie entre elle et The Limiñanas est telle qu'il se murmure que cette collaboration va se poursuivre sur scène… Après la reprise de "Gloria" qui aurait pu nous achever définitivement, The Limiñanas vont conclure avec "The train creep a-loopin", clin d'oeil au "Train kept a rollin" de Tiny Bradshaw. On remonte un rien K.O au bar du restau pour une dernière mousse salvatrice, encore sous le coup d'un set qui nous a paru bien trop court. Et surprise, ce n'est plus Manoeuvre qui joue les DJ de luxe, mais Newcomble lui-même ! Belle façon de terminer la soirée, accoudés au même zinc qu'Emmanuelle Seigner et consorts…
Photo - © E. Jorda
Setlist
Malamore
Down underground
Prisunic
Tigre du Bengale
Dimanche
The gift
Funeral baby
Crank
Garden of love
AF3458
Istanbul
One of us
Stella star
Zippo
Can
Betty and Johnny
Shadow people
Russian roulette
Gloria
The train creep a-loopin