"Zen est donc l'exemple typique du bon groupe auquel il manque quelque chose pour passer au niveau supérieur"
Derrière ce nom d'album imprononçable (en anglais, il paraît que ça veut dire "Sunny People") se cache un trio féminin originaire de Zagreb qui n'en est pas à son coup d'essai, puisqu'il s'agit déjà de son troisième album. Le groupe nous propose un rock vaporeux qui conjugue shoegaze et post-rock notamment, ce qui devrait vous donner une idée. Boucles qui se répètent à l'infini, sons de guitare bardés d'effets et d'échos en tous genres, un chant qui traîne et invite l'auditeur à laisser ses sens s'engourdir et son esprit vagabonder vers d'autres dimensions, l'album est de bonne facture et fort agréable à l'écoute, d'autant plus que nos musiciennes ont le bon goût, en piochant dans des styles certes issus de la même famille mais néanmoins distincts, de ne pas tomber dans les écueils qui handicapent régulièrement les groupes du genre.
Le post-rock "classique" a du plomb dans l'aile depuis longtemps : les lentes montées en puissance sur fond de mélodies gorgées d'émotion sont devenues au fil des années un schéma de composition suranné, réutilisé jusqu'à l'écoeurement, à tel point qu'il est devenu impossible de différencier les nouveaux arrivants, plongés pour toujours dans l'ombre des précurseurs. Zen ne se limite pas à cela et ne tombe pas dans ce panneau, n'hésitant pas à aller voir ailleurs quand ça lui chante, comme "Opet Gange", qui lorgne franchement vers le rock alternatif. Sans aller jusqu'à la dissonance pure, le groupe n'hésite pas à faire cracher les guitares, à leur conférer un son plus distordu pour un rendu qui, toutes proportions gardées, n'est pas sans évoquer Killing Joke, grand spécialiste des boucles hypnotiques.
Les deux facettes de Zen, l'une douce, l'autre moins
Au rayon déceptions, on regrettera néanmoins qu'il n'y ait rien de foncièrement marquant : comme précisé en début de chronique, l'album s'écoute agréablement, mais ne marque pas non plus les esprits. Les mélodies sont mignonnes, mais pas inoubliables, à l'image des refrains : alors que la belle introduction plaintive de "Tijelo Zna" laisse augurer du meilleur, la suite manque d'une accroche suffisante pour que le titre dans son ensemble soit satisfaisant. Un peu dommage, parce que Zen a un talent certain pour créer des boucles et ambiances quand il se tourne vers le psychédélisme (le dernier titre, "Lov na crne tipke", en est un bon exemple). Zen est donc l'exemple typique du bon groupe auquel il manque quelque chose pour passer au niveau supérieur. Reste qu'il pourra faire le bonheur des amateurs du genre.
Sorti le 22 novembre chez Moonlee Records.