Glassjaw – Material Control

"fini les délires adolescents typiques du post-hardcore des années 2000, on a là un groupe qui a mûri, dont les couilles ont doublé de volume et dont le son est désormais en béton armé"

Voilà un retour qui ne nous rajeunit pas. Parce que ce ne sont jamais que deux véritables albums qui ont été sortis par le groupe, le dernier remontant à 2002 ! Et hormis quelques EPs qui sont venus rappeler le combo de Long Island au bon souvenir de ses admirateurs... Cela étant, certain(e)s d'entre vous se demandent peut-être tout simplement de qui on parle. Retour à l'an 2000, les magazines qui parlent de rock énervé en font des tartines sur ce groupe produit par Ross Robinson, producteur vedette connu pour avoir lancé Korn, Deftones, Slipknot, Limp Bizkit et beaucoup d'autres. "Next big thing", "le groupe à surveiller", etc etc. Pourtant, malgré un petit succès, le groupe n'a pas réussi à confirmer son potentiel et n'est jamais véritablement parvenu à décoller. Les musiciens étant partis fonder d'autres projets, on ne pensait pas voir Glassjaw revenir un jour, sans qu'ils nous manquent terriblement non plus.


darryl plumbo, new york, post-hardcore


Pourtant, le premier décembre dernier (comment ça on est à la bourre ?) sortait le troisième album long format du groupe, Material Control. Les musiciens se sont longuement répandus dans la presse sur leur besoin d'approfondir leur personnalité et sortir un album qui les représenteraient véritablement. On espère qu'ils sont satisfaits, mais de notre côté, c'est une franche surprise. Oui, Glassjaw a bien grandi : fini les délires adolescents typiques du post-hardcore des années 2000, on a là un groupe qui a mûri, dont les couilles ont doublé de volume et dont le son est désormais en béton armé.

Il est à noter que cette évolution ne fera sans doute pas que des heureux : ce côté bulldozer fait disparaître une bonne partie de la dynamique que les fans pouvaient être en droit d'attendre. Ce mur du son, au sein duquel les guitares se font plus discrètes et laissent davantage de place à la basse sur des titres essentiellement mid-tempos (qui ne mettent pas plus que cela en valeur la performance du batteur de The Dillinger Escape Plan, venu enregistrer, sans compter que la batterie est un peu noyée dans le reste), a de quoi décontenancer. Pourtant, pour peu que l'on parvienne à faire abstraction du passé, la puissance déployée ici, au service de mélodies bien présentes, a de quoi faire trembler les plus aguerris. 

 

 

À l'instar d'un Deftones, auquel le groupe fut comparé et dont l'influence est bien présente ici, Glassjaw délaisse l'alternance passages énergiques / refrains plus mélodiques trop évidente (une formule qui n'a rien de honteux, mais qui a un peu fait son temps) pour se tourner vers des titres plus mélancoliques sur lesquels plane un spleen poisseux et étouffant ("New White extremity", "Strange hours"). Les changements opérés sont radicaux, en particulier en deuxième partie d'album, qui enchaîne les déflagrations d'énergie ("closer", bien hardcore pour le coup). Glassjaw pense même à placer des titres très courts ici et là qui font office de transition et de respirations bienvenues.


L'effort est donc notable et appréciable de la part d'un groupe respectable mais qui n'a jamais été génial non plus. Même le chanteur Darryl Palumbo s'est débarassé de tics énervants : sa voix évoque aussi bien Chino Moreno (Deftones) que Perry Farrell (Jane's Addiction) par moments et évite les sorties de route. Le chanteur maîtrise mieux son affaire et livre une bonne performance. Tout n'est pas parfait, certains titres sont un peu en deça du reste, on peut regretter un manque global de diversité,  notamment du fait d'un mix faisant la part belle à un rendu bordélique, mais on peut aussi accepter de rentrer dans cette production épaisse comme une bière écossaise et prendre plaisir à s'y immerger. Et de la part d'un groupe finalement pas très marquant et après quinze ans d'absence, un album de cette trempe est un petit exploit.

7,5 / 10

Sorti le 1er décembre 2017 chez Century Media
 

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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