Mercredi et jeudi se tiennent à Nantes, les Biennales Internationales du Spectacle (BIS). Dans ce cadre interprofessionel à la Cité des Congrés aura lieu le mercredi soir une soirée exceptionnelle, Côte à Côte, qui nous fera vibrer au son de 3 groupes canadiens francophones : Saratoga, Emile Bilodeau et les Hôtesses d'Hilaire.
Les concerts sont ouverts au public sur réservation ici.
Le but de Côte à Côte est d'avoir "l’opportunité de renforcer les relations et les collaborations entre les filières canadiennes et européennes par la présence d’une délégation de plus de cinquante professionnels de la musique qui viennent à la rencontre de leurs homologues et du public français, dans l’idée de mettre en valeur la chanson francophone".
Serge Brideau, le chanteur et parolier des Hôtesses d'Hilaire a pris le temps, avant de prendre son avion pour traverser l'Atlantique, de répondre à quelques questions à propos de son groupe, de la musique, de la vie en général. Rencontre avec un artiste charmant.
Salut Serge, t'es-tu remis à la bière le matin ? (nda : dans un court documentaire qui sera présenté à Côte à Côte, on voit Serge expliquant avoir arrêté la bière le matin tout en se faisant une espèce de smoothie)
Oui.
Tu évoques le Prog des 70's parmi tes influences, hormis les longs solo et des synthés, j'entends surtout le Rock 80's francophone (Trust par exemple sur "Machine à bière").
Est-ce que l'académie française a changé la définition du mot influence ? Dans une courte entrevue que j'ai donné, dernièrement, ils m'ont demandé "C'est quoi mes influences?" Et j'ai répondu la musique prog des années 70. Ce qui a été coupé au montage, c'est la longue liste de groupes de musique et de musiciens qui m'ont influencés. Je ne prétends pas faire de prog, je ne fais pas des chansons comme Gainsbourg ni comme Zappa et non plus comme The Doors.
Qu'est-ce qui t'as marqué niveau Prog ? Connais-tu Ange ?
Oui, je connais Ange. J'ai vu le claviériste d'Ange jouer à Chambéry avec un groupe prog. La prog... j'aime les concepts dans les histoires, j'aime quand la musique approfondit l'histoire : j'aime écouter de la prog quand j'ai le temps, j'écoute cette musique comme j'écoute un film.
Le Prog a une approche très particulière du Rock et tu adjoins le psyché, plus libre. Est-ce lié au au fait que vos compos proviennent de jams ?
Les Hôtesses d'Hilaire, on commence souvent avec une session d'improvisation. Souvent quand ces sessions sont bonnes, on les enregistre. Et ensuite on coupe dans le gras et on essaye de faire des chansons.
Est-ce que ce que tu suis le Rock en France ? (Qui lui a tendance à regarder de l'autre côté de l'Atlantique...)
Malheureusement, je ne connais pas la scène rock d'aujourd'hui en France. Un ami m'a fait écouté, il y a quelques jours, un Belge que j'ai beaucoup aimé, Nicolas Michaux. As-tu des suggestions à me faire ? (Nda : on lui parlera de certains groupes pendant le BIS)
Crédit photo : Shanti Loiselle
Tu as déjà énormément joué en Europe, qu'attends-tu de votre passage aux BIS ? Et comment s'est fait votre venue à ce rendez-vous pro à Nantes ?
Je sais pas trop comment on a été choisi. J'ai une bonne manageuse. Je ne sais pas trop à quoi m'attendre des BIS de Nantes. Ce que je souhaite, c'est que le programmateur des Viellies Charrues vienne nous voir jouer et qu'il aime notre musique, et qu'un jour, on se retrouve dans leur programmation.
Tu alternes chant et narration ("Glen qui l'a dit", "Hilaire au Mexique") selon les chansons, quelle est ton approche de la technique vocale ?
Hahaha ! Je n'ai pas de technique vocale.
On observe, sinon ressent de la mélancolie, une espèce de tristesse du quotidien dans tes textes et les instrus (par exemple, sur "La Fin"), conçois-tu la musique comme un moyen de se séparer des ses fardeaux qui nous pèsent ? Faire la musique pour se libérer, en fait ?
Oui, sur l'album Touche moi pas là!, il y a la chanson "La fin". Oui et non. Oui, ça me fait du bien de mettre des mots sur cette folie quotidienne qu'on vit d'être des êtres conscients. Mais je trouve ça lourd de vivre en 2018. Je suis né à la mauvaise époque.
En outrepassant ton accent (le mien, parisien, est bien pire (rire)) et en accédant à l'universalité des tes propos, aux ajouts de bruits de mer, d'oiseaux, on se sent partir (Deauville, Mexique... peu importe la destination semble-t-il), le Nouveau-Brunswick t'angoisse-t-il ?
Non, au contraire, le Nouveau-Brunswick m'apaise. C'est tranquille. Je vis dans le bois sur le bord de la rivière Pokemouche. Mon voisin le plus près habite à un kilomètre de chez moi. C'est chez nous que je viens me ressourcer. Chez moi, il y a du silence et de l'espace, il y a rien qui pourrait m'angoisser quand je suis lå.
La mer t'influence, t'apaise : tu l'as déjà prise pour voyager à voile ?
Un jour... Mon cousin et grand ami Claude a fait le tour du monde en voilier. Il me fait rêver avec ses histoires.
Tu parles de l'héritage lexical, de ton dialecte régional. En France, on remarque un affaiblissement de la langue. Tu combats ceci ou tu penses que l'évolution est inévitable et que l'on sauve ce qu'on peut ?
Quand j'étais enfant, il avait un groupe qui jouait beaucoup à la maison. 1755. Les Beatles de l'Acadie. Je dansais sur cette musique entraînante sans trop comprendre ce qu'ils disaient. Adolescent, je n'aimais pas beaucoup 1755, la musique acadienne de mes parents. Un langage que je regardais de haut. Des textes qui ne me parlaient pas. Mais jeune adulte, je les ai vus en spectacle et j'ai compris 1755. J'ai compris leurs messages, d'être fier d'être Acadien, d'être fier de notre histoire de résistance aux Anglais, à l'assimilation, d'être fier de notre langue. Ce n'est pas être chauviniste qu'être fier de l'Acadie. On est les Gaulois de l'Amérique du Nord. 1755 m'a marqué. Je chante dans ma langue et je suis fier de le faire à cause de 1755. J'espère que ces beaux dialectes ne disparaîtront pas. Il faut les maintenir en vie. Les chansons, le théâtre, la poésie, la littérature ou encore les films sont des bons moyens de les sauvegarder.
Bon séjour à Nantes !
Un séjour malheureusement trop court.