Comment retrouver un peu d’énergie au milieu de la grisaille hivernale ? Jetez-donc une oreille au cinquième album de No Age ! Le duo californien de rock expérimental pysché et rageur propose avec Snares Like A Haircut, une musique moins rêche que par le passé mais toujours aussi prenante.
Les Californiens se seraient-ils lassés des enregistrements enregistrés au fond d’une cave avec le matos le plus pourri possible pour sonner suffisamment low-fi ? No Age, duo californien guitare / batterie qui s’est fait connaître dans les années 2000 avec des albums de rock expérimental investissant sans complexe les voies du noise et de l’art punk, s’aventure aujourd’hui sur des chemins moins escarpés - le nouveau label n'y est peut-être pas pour rien.
Même si les critiques avaient noté un très léger assagissement sur leurs deux derniers albums, avec Snares Like A Haircut, le changement est radical et en surprendra plus d’un. L’ensemble semble beaucoup moins rêche que par le passé et lorgne vers un indie rock accrocheur. On pense souvent à The Vaccines, notamment par la voix du chanteur – batteur Dean Allen Spunt, moins écorchée et plus enrobée que par le passé. Les arrangements sont plus faciles d’écoute, l’ensemble apparait moins torturé techniquement.
L’album recèle aussi une nostalgie diffuse, notamment dans les chansons mid tempo comme "Send Me", où le chanteur demande à l’auditeur "where should I go" ("où devrais-je aller ?"). C’est aussi le cas de certains morceaux très contemplatifs, comme le titre éponyme "Snares Like a Haircut", entièrement instrumental, mariant claviers, guitare et percussions, qui propose un passage onirique presque introspectif. On y retrouve la dimension expérimentale propre au duo depuis ses débuts, mais là encore, proposée de façon plus accessible, plus directe, moins torturée. Même certains morceaux plus dynamiques comme "Stuck in the Changer" ou "Drippy" exsudent une certaine mélancolie qu’on connaissait peu aux deux compères.
Et pourtant, en tendant un tant soit peu l’oreille, on retrouve leur patte, leur identité musicale, ce jeu de guitare qui reste garage, ce son qui n’oublie pas d’être saturé, que ce soit sur le titre introductif "Cruise Control" ou sur "Tidal". Les mélodies sont définitivement plus accrocheuses – "Cruise Control", single en puissance - , "Tidal", "Soft Collar Fad", "Popper", mais le groupe ne fait pas de la pop pour autant. L’énergie est toujours intacte, une certaine frénésie se dégage des titres rapides, un besoin impérieux de jouer ensemble et de se faire entendre.
"Soft Collar" est d’ailleurs l’exemple parfait de la synthèse : une mélodie très pop, une voix un peu plus traînante que sur d’autres morceaux, mais un sentiment d’urgence palpable, des guitares rugueuses qui s’emballent et une batterie qui cavale derrière sans fioritures.
Ceux qui suivent le groupe depuis leurs débuts pourront être déstabilisés. Ceux qui le découvriront avec cet album seront probablement conquis par ces morceaux entiers mais accessibles, ces effets sur la guitare de Randy Randall qui saturent et distordent le son sans le rendre revêche, ces mélodies accrocheuses portées par des arrangements bruts qui ne cherchent pas à être lisses.
Les trois derniers titres offrent une conclusion très atmosphérique, où les Californiens reviennent à leurs expérimentations sonores sans perdre de vue l’aspect mélodique. L’auditeur atterrit en planant de ce cinquième trip de No Age, et même si la route est aujourd’hui moins chaotique que par le passé, elle révèle toujours de belles surprises.
Tracklist
1. Cruise Control 03:32
2. Stuck In The Changer 03:15
3. Drippy 02:39
4. Send Me 03:55
5. Snares Like A Haircut 03:45
6. Tidal 03:31
7. Soft Collar Fad 02:26
8. Popper 02:43
9. Secret Swamp 02:47
10. Third Grade Rave 02:49
11. Squashed 04:20
12. Primitive Plus 03:38
Sortie le 26 janvier chez Drag City