Les Ahuris l'attendent depuis plus d'un an et il arrive le 25 janvier 2018, le nouvel album de Romain Humeau, Mousquetaire #2. L'album sortira sur son nouveau label Seed Bombs Music et non pas chez Pias comme précédemment.
Le chanteur compositeur du groupe Eiffel, Romain Humeau s'est entretenu avec nous pour en parler. Et plus largement, c'est l'interview punk du mois, on a dézingué à tout va, mais avec passion et analyse. Grosse revue de l'histoire et de l'utilisation de la pop par nos contemporains, de la manière de créer dans cette société du spectacle permanent. Une interview sans filtre d'un dandy de l'harmonie pour un album pop rock hyper varié, pour la Variété avec un grand V.
L'album Mousquetaire #2 sort le 25 janvier mais est annoncé et prêt depuis plus d'un an, l'attente n'a pas été top longue ?
Tout a changé par rapport à ce que j'avais imaginé. A la base, y avait 30 chansons, ça devait s'appeler Mousquetaire et y avait qu'un album. Toutes les chansons devaient sortir au même moment, notre ancien label Pias m'a dit ok, on fait comme ça. 2 mois avant, ils m'ont dit que finalement ils aimeraient bien séparer en 2 albums et les sortir à 2 mois d'intervalle. De mon côté, toutes les chansons étaient écrites y a même 2 ans, en même temps. Quand j'ai su ça, à la place de geindre et de pleurer, je me suis dis que j'allais faire différemment en produisant ces chansons différemment de ce que j'avais prévu. J'ai terminé de produire le disque y a pas si longtemps que ça. Je suis parti sur un autre trip de prod' un peu plus varié, avec une tension différente en son. Et certains textes non finis n'ont pas été finis comme prévu. J'aime bien bouger par rapport à ce qu'il se passe, on bouge avec la vie, avec les événements.
On remarque que Mousquetaire #1 et #2 ne sonnent pas pareil en effet. Je voulais revenir sur ton départ de Pias. Comment cela s'est passé ? Est-ce un choix d'indépendance ou est-ce lié à la sortie décalée du #2 ?
C'est pas que lié à Mousquetaire #2. Pour être clair, je suis parti en tant que Romain Humeau de chez Pias et non en tant qu'Eiffel. Eiffel sortira son prochain album chez Pias. En même temps, c'est moi qui écris les chansons d'Eiffel. Il y a eu un désaccord sans violence de vision de ce qu'il se passe dans l'industrie du disque. Je ne peux pas de le dire différemment de ce que je leur ai dit et de ce qu'ils m'ont dit. On n'est pas d'accord, tout le monde sait que l'industrie du disque se casse la figure. C'est malheureux.
L'histoire de la musique gratuite, c'est une connerie sans nom pour la création, la culture et pour ce qui va se passer dans les 40 ans à venir. Moi je suis pour la musique pas cher, ça je l'ai toujours prôné et je le prône toujours. Et là, non, elle est gratuite et ça ne marche plus du tout. Et par rapport à ça, les différents acteurs comme les maisons de disques, les tourneurs, les programmateurs, les éditeurs ont différentes manières de s'adapter. Et à mon avis, qui n'est que mon avis, leur idée d'aller vers le streaming en pensant faire du fric avec le bas catalogue n'est pas la bonne. Ils ne font plus attention aux artistes, sauf ceux qui vendent, et il n'y en a plus que 10, quoi. Le niveau culturel baisse énormément, je trouve. Le niveau d'implication, de folie baisse. On va de plus en plus vers l'idée de formatage, on l'entend tous les jours à la radio, à la téloche, aux Victoires de la Musique et autres conneries de ce genre… Je ne suis pas d'accord avec ça.
Pour le coup, notre label indépendant qui s'appelle Seeds Bomb Music, on le fait, on est tout petit, on est certainement très ridicule, mais c'est une idée qu'on a eue il y a très longtemps en se disant que vu ce qu'il se passe il faudrait monter notre maison de disques. On a déjà un studio, une boîte d'édition. Ça s'est passé un petit peu plus tôt que prévu et un peu dans la folie… On a monté tout ça en 6 mois, c'est très difficile, on galère mais on sent aussi les petits fruits qui poussent. Il y a beaucoup de choses très positives là-dedans. Ça me permet de sortir tous les disques que je peux produire. Et dans un avenir assez proche, dans 2 ans, on sortira ceux d'Eiffel aussi. A la base, ce n'est pas ma vocation de monter une maison de disque mais c'est un bon moyen pour nous et on sera étonné d'ici 2-3 ans de voir le nombre d'artistes connus qui vont se lancer là-dedans.
Il y a déjà Pamela Hute, Mademoiselle K qui font ça…
… Même Mademoiselle K a la même démarche que nous, les mêmes soucis aussi. Je vois qu'elle a relancé une street team et nous c'est ce qu'on fait aussi car il n'y a plus de possibilité d'affichage. La seule manière d'annoncer qu'on sort un disque, qu'on fait un concert, c'est Facebook , site qui reste qu'on le veuille ou non, pour les branchés et les bobos…
… Et ce n'est pas fiable du tout non plus. Ce n'est pas parce que les gens cliquent sur « J'y vais » qu'ils viennent aux concerts…
Oui, pas fiable du tout. Moi je pense qu'il faut vraiment se barrer du net. Ça ne veut pas dire le quitter pour ne pas l'utiliser mais faire aussi en parallèle, du physique : du flyer, de l'affiche, du bouche-à-bouche, de l'oreille-à-oreille. Ça peut paraître un peu passéiste, de revenir aux 90's quand on faisaient nous-mêmes nos affiches. Non, je suis pour la modernité. Je ne suis pas du tout de ceux qui disent que c'était mieux avant. Je dis juste qu'en ce moment c'est totalement foireux et par contre, ça va être bien mieux après. Je suis plutôt confiant en l'avenir, faut juste attendre que tout ce truc dans lequel on nous a mis, parqués sur le net, finisse par gonfler les gens. On va aller vers quelque chose de mixe.
Et pour en revenir au streaming, il flingue aussi la radio…
Ça, tu es sûrement plus au fait que moi. Mais oui, ça flingue le droit des artistes, on parle de fric, hein, de droits d'auteur, ça baise les éditeurs, ça baise les programmateurs de spectacles parce que les petites salles ferment, ça faut le dire, en France, les petites salles ferment. Et à côté de ça, y a le Ministère de la Culture qui va dire que la musique se porte très bien car il y a les Vieilles Charrues, les Eurockéennes, mais on s'en fout ! Moi, je m'en branle des gros festivals !
C'est fou de voir que des petites salles mythiques comme la Mécanique Ondulatoire se voient interdites de concerts car la batterie fait trop de bruit et qu'on y remplace les concerts par des Djs…
Mais c'est pareil comme ça partout, à Bordeaux, à Toulouse, etc. Et aux Victoires de la Musique, le mec qui va être primé pour ses lives, c'est un mec seul avec un Iphone. Je ne défends pas que le droit des créateurs, chanteurs, mais je défends le droit des musiciens. Quand il y a un duo qui s'est formé car il voulait être un duo, c'est cool mais là y a un nombre de duos créés juste pour entrer dans les clous du fric. C'est-à-dire qu'il n'y a plus de frics, les mecs proposent 1 000€ pour faire un concert. Mais il faut savoir, et c'est important de le dire, quand il y a 1 000€ pour faire un concert, l'artiste prend 80-100€, après c'est des frais de transports, d'hôtel. On a pas de syndicat, on est mal organisé. Pour revenir à ce que tu disais, ça baise aussi les photographes, les techniciens, les magasines… Il faudrait que tout ce petit monde s'organise…
Il y a un truc qui devient clair pour moi, c'est quand t'es un groupe qui signe dans une maison de disque, sans t'en rendre compte, les mecs te disent que ça serait bien que tu fasses Ruquier ou telle émission mainstream et puis on te fait glisser, alors qu'à la base t'es juste auteur-compositeur-chanteur, dans la case entertainer. C'est pas ça, moi je ne suis pas pyromane, je ne fais pas de feux d'artifice, je ne me déguise pas pour jouer sur scène, je ne me chie pas un bras en direct sur Youtube pour faire des vues. Je fais juste de la musique.
Tu parles déjà du quotidien, de la vie, dans tes chansons, pas besoin d'aller en parler à la télé…
Oui, voilà, c'est ça. Moi, c'est simple, à la Bob Dylan, filez-moi une guitare et si ça vous plait pas, basta. Et je ne veux pas beaucoup, je veux juste béqueter. Quand je dis « je », c'est le « je » collectif, c'est pas moi, je pourrais parler au nom de Cyril Mokaïesh, de Cali, de Stuck In The Sound, de tous mes potes, quoi. On pense tous la même choses, il faut protester contre ça : On n'est pas des amuseurs, on est des artistes. C'est pas une pose rock n' roll pour moi de dire ça, qu'on ne veut pas des être des amuseurs chroniqués par Hanouna, parce que cette société du spectacle, cette grande débauche circassienne elle existe aussi en politique maintenant.
On voit comme Trump a été élu, c'est un sketch. En France, tout le monde se fout de la gueule de Trump, mais il est à la pointe de ça. Et nous, on est juste derrière. C'est pas ma vie tout ça. Je décide de faire les choses comme je les fais et où je les fais, c'est-à-dire que je ne suis pas à Paris, je partage ça avec un certain nombre de collègues, je ne suis pas tout seul à penser ça…
Pour revenir à la musique, tu parlais de tes copains musiciens, tu n'as jamais été avare en collaborations diverses, dans Mousquetaire #2, on trouve le rappeur Billyboy et la chanteuse Slomy. Tous deux nous sont inconnus, comment les as-tu trouvés ?
Je vis « avec eux ». Billyboy est un rappeur tout nouveau, mais qui n'est autre que mon batteur. Il ouvrira d'ailleurs mon concert au Point Ephémère.
Il va jouer 2 fois donc…
Voilà, c'est ça, je lui ai dit que c'était à lui de voir car c'est super balaise, frontman en première partie et reprendre la batterie derrière. Mais bon, c'est un jeune multi-instrumentiste dont je défends vraiment le travail.
Et Slomy, c'est très particulier car ce n'est pas une chanteuse à la base, même si elle chante depuis toute petite, c'est ma fille de 20 ans. C'était pas du tout dans l'idée de faire le duo, le papa et sa fifille. C'était plutôt la déconnante car Salomé est plutôt punk dans l'idée et surtout danseuse de flamenco à Séville et là, on avait 10 jours ensemble et j'avais cette chanson « Smartly Stupid » prévue pour un duo avec une femme et je lui ai proposé.
J'étais intrigué car je n'avais rien trouvé sur elle…
Ah oui, non, peu de chance qu'on entende parler de Salomé Humeau en tant que chanteuse. On pourra en entendre parler en tant que danseuse de flamenco, où elle a un niveau de dingue.
Pour en revenir à Mousquetaire #2 et son contenu hyper varié, tu as toujours été identifié rockeur français, alors que tu dépasses des cases…
Oui, j'ai 46 ans et on m'a toujours étiqueté comme ça. Je ne suis pas un rockeur, je ne donne pas de coups de pied dans les poubelles, je ne dis pas zut à papa et à maman, c'est ridicule. J'ai une idée du Rock très précise pour moi, qui n'est pas celle d'Aerosmith, ni celle des Pixies, des Beatles, de Bowie. J'aime aussi plein d'autres musiques et j'essaie, peut-être plus en solo qu'avec Eiffel, non pas de le prouver ou de le montrer mais d'en jouir.
C'est pour ça qu'il y a la petite ballade « Artichaut » ou un truc hip-hop « Rock the Rockeurs » vachement emprunté à Eminen, dont j'adore le travail. Y a aussi « Naked Lunch » avec ses emprunts à Gorillaz. Y a des petites choses baroques ou 60's comme « Franch Pop Vs English Wine ». Ou encore un bamba « Trop nul pour mourir », je n'avais encore jamais fait de chanson avec les trois accords de base do fa sol. Je suis un peu snob harmoniquement (il rit). Alors, allez, fais-en une, une bamba à la « Twist and shoot », c'est bien sûr de moins bonne qualité ce que j'ai fait mais c'était l'idée en racontant l'histoire de ce mec qui tente de se foutre en l'air, mais qui n'y arrive jamais (il rit). C'est de l'humour, en même temps, y a des choses plus dures aussi. J'aime bien les changements d'humeur, d'être varié, mais que les gens avec qui je vis aussi. Ça ne nous empêche pas, nous, de passer une soirée à regarder un live de Gotainer et juste après Pantera.
C'est vrai que Mousquetaire #2 est plus varié que le premier opus qui ressemble plus à un album d'Eiffel, plus sombre et mélancolique. Dans ce deuxième volet, tu chantes aussi plus en anglais et notamment en alliant français et anglais au sein des mêmes morceaux, c'est vraiment intéressant comme approche…
Ah, tant mieux si ça te plaît car d'autres me disent « tu écris tellement bien en français, pourquoi chanter en anglais ? ». Alors déjà, je ne prétends pas du tout écrire bien en français. J'écris juste plus précisément en français qu'en anglais. Toutes les grandes lacunes que j'ai en anglais me permettent d'écrire des choses plus simples et j'aime beaucoup ça vu que c'est ma culture aussi, la pop anglo-saxonne, les Kinks, les Beatles, les Beach Boys… Ça me permet aussi de dire des choses simples qui sonnent bien car en français, t'es baisé où à la base je peux avoir 25 pages de textes et quand il en reste 3, c'est encore trop.
Je pensais qu'il y aurait même plus d'anglais dans cette album car tu avais dit te servir de ton projet solo pour t'autoriser à chanter en anglais. Je pensais à un album tout en anglais…
Je n'en suis pas capable, c'est juste une histoire d'incapacité. Enfin, je peux chanter en anglais tout un album, c'est pas le problème mais je préfère me concentrer sur ce que je peux bien écrire en anglais et le reste le faire en français. Mais je suis très fier de chansons comme « Tram track to the blue » qui est tout en anglais et qu'on prend plaisir à jouer sur scène. Et pour dérouter, il y a certains titres en anglais alors que leurs textes est en français, c'est ma manière de toujours un peu dérouter...
Pour l'anglais et le français, il y a un beau pied de nez avec le dernier titre « French Pop Vs English Wine » faisant référence à la phrase de John Lennon « French rock is like english wine ». Penses-tu qu'on a progressé en France en matière de pop rock ?
Non, je suis très dur là-dessus mais il y a tout de même de très beaux contre exemple comme Stuck In The Sound et Feu ! Chatterton. Je me fais tout petit devant eux. Je trouve ça génial, ce qu'ils font. Il y a un truc génial là, depuis 2-3 ans, c'est le revival des 80's, tout le monde a chié dessus pendant 20 ans dont les plus grands journaux français et maintenant c'est la mode... On trouve génial de jouer sur des pads Simmons. Vu que c'est mon enfance, on allait dans les booms en 85, on écoutait Duran Duran, The Cure, Depeche Mode, ça m'a toujours influencé cette musique-là. On a chié sur tout ça pendant longtemps et maintenant tout le monde se réclame de Ian Curtis et de Joy Division mais tout le monde sonne comme Rose Laurence « Africa » « Je veux danser comme toi ». Je trouve ça pitoyable. Et c'est relayé par les grands journaux et radios, et là tu te dis qu'ils nous prennent pour des cons. Et je ne parle pas des textes... Je trouve ça un peu scandaleux. Et en filigrane, tout le monde se doute bien quand dans 2 ou 3 ans, y a un mec avec une guitare Jaguar portée très bas, un jean troué, aux cheveux longs blonds pas lavés qui va se pointer. Car on refait l'histoire à l'envers, on va nous refaire le grunge...
On en reçoit déjà des albums de groupes dits post-grunge ou grunge tout court...
Mais voilà. Mais qui est-ce qui monte ça ? C'est les gens de ma génération qui sont dans des maisons de disque, comme ils n'ont pas d'idées, ils nous la refont, faut arrêter de déconner... Encore que les Anglais ou les Américains... mais nous, on est français, y a un problème là. La France a un complexe de supériorité. On a eu de très très bons artistes, Gainsbourg, Brel, Brassens, Higelin...
Ou même Bashung, qui nous sortaient ses plus beaux albums au moment du grunge...
Oui, voilà. Mais même actuellement, par exemple, j'adore Camille, Feu ! Chatterton... Et sûrement plein d'autres que j'oublie. Mais sûr la totalité, y a 2% dont on peut parler, le reste, ça ne tient pas debout... Tous les chanteurs qui sortent de The Voice, la Star Ac', etc., faut arrêter de déconner...
L'avenir doit être dans la folie. Feu ! Chatterton propose ça. Je trouve ça nouveau, dans la manière de me caresser, de m'inviter à une sorte de trip, et j'y crois... Ça me fait du bien.
Tu connais Radio Elvis aussi ?
Oui, c'est très bien aussi Radio Elvis. Y a quand même de super groupes, attention, je ne dis pas. Après, il y en a qui sont présentés de manière un peu trop intellectuelle. Alors qu'ils ne sont pas intellos, mais instinctifs, animaux, touchants. Je suis dans la génération des groupes qui ne sont pas encore vieux, mais ça ne va pas tarder, on est pas tout jeunes non plus, mais je suis très bien où je suis. J'm'en fous, je vis à l'africaine, je peux jouer aux Légo avec un gamins de 2 ans et taper un bœuf avec un bluesman de 75 ans. Je n'ai pas de problème de jeuniste parisien, avec les tranches d'âges, les cibles, toutes ces conneries. Et pour ma génération, je trouve ça vachement bien qu'il y ait des groupes de 10-15 ans de moins que moi que j'aime. Je ne pense pas qu'on existe seul. On existe car d'autres gens font des trucs à côté.
Tu as contacté Feu ! Chatterton pour une collaboration ?
J'ai été en contact 1 ou 2 fois avec Arthur, et j'espère qu'un jour on se rencontrera. J'aime les collaborations, c'est pas le problème, mais il faut qu'elles soient justifiées, valables, avec un truc épais derrière pour que ça se passe. Si ça arrive, tant mieux, sinon, c'est pas grave.
Tu nous avais bien surpris avec « Vendredi ou les limbes du Pacifique », tu as d'autres projets alternatifs comme ça sur le feu ?
Je souhaite mettre des projets en branle. J'ai plein d'idées là-dessus. Et il y en aura. Déjà « Vendredi ou les limbes du Pacifique », le disque est fait mais en live, y a un sentiment de frustration énorme par rapport à la France. Il s'agit de l'adaptation du livre de Michel Tournier, un des plus grands auteurs français, qui s'il fallait compter a vendu plus de 10 millions de livres dans le monde. Je parle de chiffres, je m'en fous, mais comme tout le monde te parle de chiffre alors allons-y... Et les principaux intéressés par le projet sur scène sont l'Allemagne et l'Angleterre...
Après la mort de Michel Tournier (nda : 18 janvier 2016), nous étions sur scène 3-4 jours après pour jouer « Vendredi ou les limbes du Pacifique » à la Maison de la Poésie à Paris. Je me souviens que Denis Lavant, l'acteur, et moi, avons dit au public être sidérés que la Ministre de la Culture ni le Président de la République n'ont dit aucun mot sur lui. Personne n'était à son enterrement.
Par contre, il y a 2 millions de personnes dans la rue pour l'hommage à Johnny Hallyday, c'est 2 fois plus que pour Victor Hugo, et on a eu droit à des éloges funèbres d'Emmanuel Macron... C'est sidérant. Je ne crache pas du tout sur Johnny, il ne m'a jamais touché, ça mort m'attriste, je compatis avec les gens qui en souffre. Je sais que c'est un personnage historique, mais enfin, Johnny Hallyday n'a pas écrit une ligne de chansons... Si son mérite a été de durer, qu'on célèbre ça, mais sans plus, quoi...
C'est dans l'air du temps que d'en faire des caisses...
Oui, mais c'est catastrophique. C'est beaucoup d'argent, un gros dispositif coûteux... Je trouve ça scandaleux. Et à côté de ça, Michel Tournier, qui a écrit « Les météores », « Vendredi ou les limbes du Pacifique », « Le Roi des aulnes » et tant d'autres, rien sur lui... Je ne comprends pas qu'on décore des Chevaliers des Arts et des Lettres, Bigard, ou je ne sais pas qui...
Si on prend une photo de l'état de la culture actuelle en France, y a de quoi, soit rire longtemps, soit pleurer... C'est notre rôle, à moi, musicien, à toi, mec de radio et à nos potes de parler de tout ça.
Ce qui tu fais bien surtout est d'utiliser la poésie dans ton art. J'ai remarqué que les chanteurs actuels sont très premier degré. Quand tu écoutes par exemple des textes d'Orelsan, c'est très cash, manquant de détachement. Noir Désir, c'était aussi cash mais avec de la poésie. Tu as su garder ce détachement, la mise en abîme... Sans la poésie, les textes deviennent affligeant...
Complètement ! Tout ce que viens de dire, je suis ok sûr tout et tu mets le doigt sur l'essentiel. C'est la clé de tout. J'en parlais encore récemment avec un ami. On se posait la question de savoir comment formuler ça. Parce qu'après les gens vont te dire que tout est poésie, qu'Orelsan, c'est de la poésie. On peut jouer sur les mots mais pour la poésie, il faut un trajet personnel à celui qui propose sa poésie. Si on le sent, comme je le sens chez Arthur Téboul, chez Pablo Néruda, chez Brel...
Chez Cyril Mokaïesh aussi, d'ailleurs...
Oui, voilà, j'aime beaucoup Cyril. Ça me fait chier de voir que c'est difficile pour lui, comme pour moi, c'est difficile. C'est très difficile pour nous. On n'est pas en train de cartonner. On a l'impression que les médias s'en foutent. La seule raison est qu'on n'est pas bankables. Mais j'en suis fier, car imagine de moi qu'on dise que je suis bankable...
Tu serais obligé d'aller chez Ruquier...
Oui, et est-ce que j'en serai un artiste pour autant... Soljenitsine ou Rimbaud ne se demandaient pas s'ils étaient bankables...
Ils faisaient juste leur taf...
Oui, t'as raison, c'est un taf. On est aussi artisans, on n'est pas qu'artistes. Et pour moi, comme tu l'as dit, c'est le manque de trajet poétique rien que dans l'idée du texte. Je trouve qu'il y a un manque cruel d'harmonie. Gainsbourg remarquait déjà en 1977 la pauvreté harmonique des chansons proposées à la radio. Et je suis sidéré ! Pour faire rigoler des amis, j'ai pris la suite d'accords mi mineur, do, sol, ré et j'ai chanté avec ça les 40 tubes actuels. Ce sont les mêmes ! On ne peut pas faire ça.
Certains peuvent dire que je suis snob parce que j'ai fait le conservatoire. Non ! Il suffit de mettre des bizarreries, une surprise, des trucs interdits. En arabe, on dit haram, j'aime l'idée de l'interdit, du tabou, du truc contre-nature pour un peu défriser. A un moment, faut quand même avoir un truc qui dérange ou qui étonne. On parle du trajet textuel d'un côté et du trajet mélodique, harmonique de l'autre, mais surtout de la petite bête que font les deux quand elles sont juxtaposées. Et pour moi, écrire une chanson, c'est pas écrire une musique et écrire un texte. C'est un ensemble, c'est un tout, c'est une inspiration, c'est un trip, et ça je ne l'entends que trop rarement.
Il ne me reste plus qu'à te souhaiter de faire un bonne tournée pour ce Mousquetaire #2...
Je te remercie. C'est compliqué, on va se battre. Mais on sait pourquoi !
Le nouvel album MOUSQUETAIRE #2
Sortie le 25 janvier 2018 chez Seed Bombs Music
CONCERTS
07.02.18 Sortie 13, Pessac (33)
08.02.18 Marché Gare, Lyon (69)
09.02.18 Le Rio Grande, Montauban (82)
10.02.18 Le Forum, Charleville-Mézières (08)
24.03.18 La Batterie, Guyancourt (78)
05.04.18 Le Ferrailleur, Nantes (44)
06.04.18 La Gaîté Lyrique, Paris (75)
13.04.18 Le Chaudron, Le Mée-sur-Seine (77)