Un dernier album plus abordable, une communication massive, une popularité montante, une reconnaissance tardive mais plus que méritée… Voici la recette pour faire exploser l’affluence d’un concert en à peine plus de quatre ans. Steven Wilson a pris du galon dans la capitale des Gaules, et ce Transbordeur fermé de moitié lors de son dernier passage en 2013 est bel et bien entièrement ouvert et plein à craquer aujourd’hui, signe que l’expérience Wilson touche un public beaucoup plus large et de tous âges.
Pas de première partie nécessaire, on embarque dans un spectacle de presque trois heures en compagnie de cinq musiciens bien plus que talentueux. On retrouve les éternels Nick Beggs à la basse ainsi que Adam Holzman au clavier puis sur cette tournée, le compositeur anglais est accompagné par Craig Blundell à la batterie et Alex Hutchings à la guitare.
C’est derrière un voile très fin que le groupe entre en scène, dans un silence presque religieux là où nous avons l’habitude d’entendre applaudissements et cris. Ce silence reflèterait-il l’aura dégagée par Steven Wilson et ses compères nous laissant sans voix ? Ceci est l’explication qui nous paraît la plus logique. Le compositeur anglais est lui aussi surpris par ce silence, il nous demande donc de vraiment participer si on prend du plaisir et ne pas hésiter à chanter avec lui.
L’ouverture se fait avec la douce “Nowhere Now” tirée de To The Bone, dernier album en date. Un bon choix d’entrée en la matière avec cette structure évoluant crescendo qui permet de se mettre dans l’ambiance une fois pour toute. S’en suit le chef-d’oeuvre “Pariah”, sur lequel nous comprenons enfin l’utilité de ce voile cachant partiellement les musiciens. N’étant pas présente ce soir, Ninet Tayeb est quand même mise en avant lors de ses parties via rétroprojecteur. Une mince compensation, qui n’est tout de même pas négligeable. Ce voile servira par la suite à diffuser des images telles que des photos et films d’enfance venant illustrer “Lazarus”.
Voir Steven Wilson en concert n’est pas simplement musical, c’est aussi un ensemble visuel prenant et émotionnel. Un clip est par exemple diffusé derrière les musiciens durant “People Who Eat Darkness”, nous plongeant encore plus dans l’ambiance sombre du morceau, ce qui permet aussi de mieux saisir le message véhiculé en plus de l’explication donnée par Wilson avant le début de la chanson.
C’est au tour de Hand. Cannot. Erase d’être mis en avant avec le sublime enchaînement “Home Invasion” et “Regret #9”. Encore une fois, le choix du placement de ces chansons dans la setlist est judicieux. Ils permettent tous les deux de mettre en lumière les musiciens, rappelant que Steven Wilson n’est pas seul et pas non plus imbu de lui-même. Chacun a sa place sur scène et a sa chance de briller. Adam Holzman est sous les projecteurs sur “Home Invasion” puis c’est au tour de Alex Hutchings de faire le show avec le superbe solo de “Regret #9”.
Le premier set de huit chansons se termine sur la magistrale “Ancestral” où là aussi, Alex Hutchings est attendu au tournant et répond totalement présent sur le somptueux solo écrit par Guthrie Govan. Une ballade finale à travers les âges de près d’un quart d’heure, durant laquelle on prend conscience de ce que l’on est en train de vivre ce soir, et surtout du génie du compositeur qui se trouve sur scène.
“The Creator Has A Mastertape” avait déjà été joué sur le premier set, et Steven Wilson continue de rendre encore plus nostalgiques ceux qui l’étaient déjà en débutant la deuxième partie avec “Arriving Somewhere but Not Here”. Ce set est d’ailleurs en grande partie centrée sur Porcupine Tree, une preuve que Wilson ne laisse pas complètement de côté son projet qui l’a fait exploser dans les années 2000. Nous aurons donc le droit aux douces “Lazarus” et “Heartattack in a Layby” et enfin “Sleep Together” pour coller à l’ambiance installée précédemment sur “Vermillioncore”.
Ces chansons de Porcupine Tree sont toutes séparées par d’autres titres tirés de la discographie de Steven Wilson solo. A commencer par “Permanating” introduite par l’explication de l’histoire de cette chanson. Steven nous explique qu’entre son père qui écoutait de la pop et sa mère fan de disco, le mélange des deux dans sa tête a donné ce titre plutôt atypique. “Ne vous inquiétez pas, ça ne dure que trois minutes” nous a-t-il avertis avant de commencer. On regrettera juste le manque de respect des personnes du public ayant obligé Wilson à stopper son discours et à les faire taire, pour la simple raison qu’ils voulaient être assis dans des gradins habituellement debout.
Le spectacle touche à sa fin, l’heure du rappel est arrivée. Petit projecteur au centre de la scène, Steven Wilson revient seul, ampli portatif à la main, se rappelant sa première fois à Lyon dans les années 90. “Even Less” est donc dédié aux personnes qui étaient déjà là à cette époque. Jouer ce morceau de manière très simple, en solo avec simplement une guitare électrique à la main ajoute un côté très authentique qui nous rappelle qu’avec du très simple, on peut faire quelque chose d’incroyable et intemporel.
Le clou du spectacle est bien entendu le dernier duo très attendu. “Harmony Korine” et “The Raven That Refused to Sing” accompagné de son clip si émouvant et touchant. Le choix de terminer ce concert sur cette note de mélancolie montre encore une fois à quel point Steven Wilson est sensible à la transmission de toutes ces émotions lors d’une de ses représentations. Encore un concert parfait et mémorable signé Wilson qui n’est pas prêt d’arrêter à la fois de nous surprendre et de nous combler.
Photos : Lukas Guidet
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