Pour la sortie de son nouvel album, Dustynations, en anglais ce coup-ci, nous avons rencontré Pascal Mono et sa voix redresse-poils qui vole des aigus à Robert Plant et des graves à Johnny Cash en offrant des disques bien à lui, aux textes réfléchis et à la musique sensitive.
Aux amoureux puristes de l'épuré trio guitare-basse-batterie, allez jeter une oreille, ça sonne !
Bonjour Pascal Mono, on se rencontre aujourd'hui pour parler de Dustynations, ton 4ème album, mais d'abord, et pour les lecteurs de la Grosse Radio, peux-tu nous dire quelques mots sur ton parcours et surtout sur tes albums précédents ?
Parcours chaotique, destination incertaine que celle du musicien!.. « It’s a long way to the top if you wanna rock’n’roll » chantait Bon Sott… Mais en quelques mots, ok… INTACT, mon premier album était un message d’intégrité affichée malgré la pression ambiante suite à la surexposition médiatique de 2005-2006… « Avec des mots », la « Télévision superstar », « Aïe », ne voulait que s’asseoir sous « Les Etoiles » pour faire l’amour avec un « Grand A » , « En Somme »... Puis la Major change de D.A. (directeur artistique) le nouveau ne signe que de la "chanson française" alors « Je Me Casse »…
Ah ah ! Que des titres du premier album ! Bien ouéj'...
Le deuxième c’est le plus pur, avec celui dont on va parler ensuite… C’est Rouge Nuit, un voyage à travers les émotions, un univers plus sombre qu’à l’habitude, mais pas noir pour autant. Dixième des meilleures ventes « Rock Français » pendant trois mois sur la Fnac en numérique, une vraie satisfaction quand tu reprends tout à zéro et en indé… Je fus comblé. Les concerts derrière furent bien rock’n’roll aussi, notamment au Théâtre Lino Ventura en double plateau avec les Dum Dum Boys (dont nous pleurons encore la disparition du bassiste Erik Fostinelli, paix à son âme de "tendre voyou"…)
Pour le troisième , on s’envole sur la Latitude 43. C’est l’album enregistré, mixé dans le sud. Assumé.
Ce disque m’a emmené à New York, à cette même latitude 43° où j’évoque aussi certaines disparitions, et puis les printemps arabes, ma grand-mère, la résistante de la seconde guerre… Malgré « Le Bûcher Des Offenses », c’est aussi l’album de l’auto-dérision avec « Au Bord De La Mer », une vieille chanson écrite sur un coin de table alors que je venais de débarquer à Paris…
Boucle bouclée, le tryptique achevé, il était temps de passer à autre chose…
(Art work :Jeff Maunoury)
Oui, justement « DUSTYNATIONS » est en anglais. D'où cette envie est-elle venue ?
De mes entrailles ! Dès l’adolescence, j’ai commencé à imiter mes aînés… Dylan, Lou Reed pour le look, puis les grands groupes, Police, Led Zeppelin, Aerosmith etc pour les voix… Et à force, j’ai chopé les accents, les attitudes, et c’est resté, mais c’est à l’intérieur, c’est digéré aujourd’hui… Je ne cherche que le son juste, pas la démo.
Et puis, l’anglais c’est la langue de cette musique, ça rentre bien dans les fréquences d’une guitare sèche ou électrique. Et ensuite c’est aujourd’hui moins un problème de chanter en anglais qu’au temps où les Majors étaient reines et nous dictaient quoi mettre dans une chanson pour nous signer… Ils ne détiennent pas plus la vérité d’un succès que mon chat ne détient d’autorité sur mon lapin !
En anglais enfin parce que les Américains ont cautionné mes textes. Là j’ai dit ok, on en fait un album, on fonce, on va voir du pays… Quarante-quatre titres ont été écrits pour cet album. Trois ans : une année de remise en forme + deux années d’écriture et d’enregistrement.
(photo : Sophie Rossetti)
On est dans ton studio perso là, et on aperçoit de sacrées guitares comme une double manche… On peut en voir quelques unes sur le dos de la pochette d’ailleurs… Tu nous parles de tes "maîtresses" ? Il y a une favorite ? Quelles sont leurs histoires ?
La double manche est une guitare « Jacobacci »… On dit qu’il n’y en a que 150 dans le monde, car les frères Jacobacci, luthiers italiens des années 70-80 faisaient tout à la main… J’aime beaucoup cette guitare que je ne vendrai jamais même si je l’utilise peu car très « typée » (Jimmy Page). Mais ma favorite est la Fender Télécaster… Une erreur de fabrication au départ… Leo Fender a trouvé le son extraordinaire, un côté country, roots, métal… LE « gling » quoi.
Ensuite ce sont mes Gibson électro-acoustiques, dont une avec une belle histoire dans un magasin à New York. Un jeune qui voulait la laisser en dépôt-vente… Je lui en ai proposé 200 dollars de plus que ce que lui en proposait le patron, on a fait affaire dans la rue, par 45° en plein mois d’août, le boss me fusillait du regard, c’était chaud !
Mais au risque de te décevoir, je ne suis pas fétichiste et mes guitares ne sont pas mes maîtresses... Je ne leur fait pas l’amour, ce sont les chansons elles-mêmes que j’essaie violemment de séduire ! Ces sacrés guitares sont comme le prolongement de mes bras pour m’accompagner dans mes chants profano-mystico-habités !
(Photo : Flora Doin)
Sur le disque, qu'avez-vous utilisé comme instruments et comment s'est fait l'enregistrement ? On te sait amoureux de l'analogique par exemple, sur des précédents projets, mais pour celui-ci ?
Comme d’hab’ j’ai envie de dire. Basse-batterie et… beaucoup de guitares ! Beaucoup de répétitions aussi et de travail d’écriture en amont pour arriver au studio avec l’idée précise de l’intention sur chaque titre, et du résultat final, même s’il y a toujours des surprises, et heureusement !.. Ce sont même parfois des accidents, des erreurs qui inspirent ce qui reste au final… Le studio, c’est l’école de l’humilité, c’est Sparte. J’ai appris à l’apprivoiser.
Quand j’étais gamin, je rêvais d’entrer en studio, on n’imagine pas… C’est un travail quasi-ingrat. Tout sera fixé. Après les mix et le mastering, on ne pourra plus y revenir. C’est l’inverse du concert en tout point. Donc, que des prises « live » à l’enregistrement.
C'est-à-dire qu’on n’a pas empilé les choses comme ça se fait beaucoup aujourd’hui, avec ce son qui devient de plus en plus froid, de plus en plus aigü, insupportable… Non, ici ça joue, ça respire, ça chauffe. Ensuite je refais certaines parties de guitare et certaines voix, notamment pas mal de chœurs pour le coup… Pas mal de guitares additionnelles à la maison aussi pour cet album...
Oui l’analogique bien sûr mais l’analogique ET le numérique, aujourd’hui on n’y coupe pas. Et ça me va, le Studio « Blue Star » à la Victorine est top et le boss, un vrai professionnel qui a travaillé avec Andy Wallace. Voilà, la côte n’est pas que cette carte postale jaunie au soleil…
Je t'ai déjà vu jouer sur LapSteel aussi, tu l'embarques sur tes nouvelles dates ? Quels instruments sont prévus pour présenter ton nouvel opus en live ?
La guitare en « slide », j’adore ça, c’est hyper riche en harmonique, et j’en ai mis quasiment sur tous les titres. Ca me sert pour tout, des bruitages, des ambiances solo, des accords de puissance, c’est très efficace, mais sur scène, et même si ça se joue assis, c’est casse-gueule. Je veux rester debout devant le public quand on joue en groupe aussi… Mais je n’exclus pas d’emmener ce petit bijou de guitare hawaïenne en tournée…
(Photo : Flora Doin)
Le 24 février, tu feras la présentation du disque sur Paris, au Bus Palladium, avec une formation particulière. Parle-nous de tes musiciens présents ce soir-là, des guests sont aussi annoncés je crois...
Oui, je retrouve un ami de longue date à la guitare en la personne de Philippe Paradis, réalisateur entre autre de Christophe, Thieffaine… C’est un pur bonheur de le retrouver après presque 15 ans de route chacun… Ensuite, c’est toujours Patrick Loiseau à la basse, ça fait 10 ans qu’on travaille ensemble… On est un vieux couple ! Et comme l’équipe est parisienne sur Paris, je reprends Sylvain Joasson dit « Sly », à la batterie. Il joue sur les deux albums précédents, idem, c’est un pote de longue date. C’est donc un groupe ! Même si c’est une seule personne qui écrit toutes les chansons… L’idéal pour moi en fait.
Je précise que sur l’album, c’est Yves Maillé qui joue la batterie, ancien de Chuck Berry, actuel de Cabine 13. On fera les dates du Sud ensemble, il est pas jaloux !
Et pour les guests je suis servi aussi : Greg Zlap vient de confirmer, c’est un harmoniciste hors pair, débauché par le team de Johnny Hallyday d’ailleurs, on l’a entendu récemment dans des circonstances pas marrantes, c’est un gros talent !
Et là aussi, un vieux pote que je retrouve, de retour de sa tournée « Au Nom de la Rage » avec Trust : Nono. À la gratte c’est un des tout meilleurs dans ce pays, il va apporter une touche hyper classieuse en fin de show, la cerise sur le gâteau, un bon kiff tout simplement.
(Photo : Laurent Pons / Art work : Jeff Maunoury)
Ça va sonner fort donc !
Ca va bien sonner, on a un très bon ingé-son (Christophe Marais) ! Faut que ce soit fort, mais confort…
Tes trois premiers albums, écrits en français, présentaient des textes percutants, avec une façon particulière de tourner et retourner les mots, les sens... On n'est pas tous bilingues alors pour les "langues vivantes level 1" comme moi, peux-tu nous dire de quoi ce disque parle ?
T’as pas « Google traduction » ? (rires) Le communiqué de presse parle de « retour aux fondamentaux », je suis d’accord. « C’est dans les vieilles marmites… » La vie, l’amour, la mort, avec ça t’as de quoi voir venir... Voilà, c’est un disque mâture, pas excité, un opus post-attentats qui veut dire dans son jeu de mot (DUSTYNATIONS) les destinations bien sûr, donc toujours ce thème du voyage, le « trip », mais aussi mot à mot « Les Nations de Poussière »… Les fantômes du passé, les vieilles peurs à exorciser, la troisième guerre, le révisionnisme, les théories diverses et variées du complot etc, ce monde rame, l’humanité se débat, se combat aussi, elle semble indécrottable, elle flippe… Mais l’envie et le désir de partager n’a jamais été aussi fort justement.
L’avènement du virtuel rend le travail des gens sur le réel, totalement indispensable. Et je ne prêche pas que pour ma paroisse d’homme de scène… On peut constater que c’est tendu, mais on peut constater aussi que les possibilités d’aujourd’hui sont quasi-infinies…
L’avenir appartient à ce foutu présent, alors soyez présents, soyez vivants !!!
(photo : Sophie Rossetti)
J'ai l'habitude de terminer mes interviews sur un petit jeu, si tu veux bien t'y prêter : je te dis un mot en rapport avec ton univers et instantanément, instinctivement, tu me dis ce qu'il t'évoque ok ?
Ok…
- Terre ? Ancrage
- Pierre ? Jet
- Halo ? Lumière
- Vibration ? Good
- Liquide ? Eau, alcool
- Puissance ? Pouvoir
- Protection ? Enfance
- Croyance(s) ? Erreur(s)
- Réflexion ? Temps
- Peur ? Faille
- Amis ? Confiance
- Famille ? Socle
- Voyage ? Changements
- Philosophie ? Vitalité
- Attitude ? Gratitude
- Altitude ? Hauteur
On se retrouve le 24 au Bus, tu nous invites pour qu'on te fasse un Live Report pour La Grosse Radio ?
Tout le monde parle anglais maintenant ! (Rire)… Bien sûr que vous êtes invités !
Merci !
You’re welcome La « Big » Radio !