"Malgré un album qui va en s'améliorant, le début poussif et l'incapacité chronique du groupe à proposer des titres rythmés bien foutus conduisent à un bilan en demi-teinte"
Il aura fallu patienter, mais voilà que Mudweiser se décide à sortir son troisième album. Album qui suscitait une certaine attente, après un Angel Lust plutôt inspiré sorti il y a 5 ans pile poil. Le groupe n'avait pas gommé tous ses défauts, mais quelques breaks inspirés remontaient le niveau et laissaient entrevoir un potentiel plus solide qu'on ne le pensait. D'un autre côté, les musiciens le répètent assez en interviews, ils préfèrent fonctionner au feeling. Le désavantage de ce genre de méthode est un gros manque de recul et des compos pas assez travaillées. On pouvait donc également craindre que les pistes explorées sur Angel Lust resteraient lettre morte. Et... C'est à peu près ça.
Crédit photo Oeil du Viking
Le problème de Mudweiser est l'évidence même : on ne peut certes pas reprocher aux musiciens de chercher à se faire plaisir en jouant du rock lourd et gras, mais il s'agit d'un genre qui a vu pléthores de groupes sortir des pelletées d'albums géniaux. Spiritual Beggars, Fu Manchu, Monster Magnet, tout cela est déjà vieux, et depuis la scène dite stoner s'est considérablement étoffée et diversifiée. Il ne suffit plus de balancer trois riffs bancals avec un son bien lourd pour impressionner, et c'est malheureusement ce dont Mudweiser se contente trop souvent. Parlons-en des riffs : basiques, déjà entendus ailleurs en largement mieux, répétitifs, et très oubliables.
Là où Angel Lust parvenait à pallier le handicap de parties instrumentales globalement peu inspirées par des structures parfois aventureuses ou des refrains épiques qui faisaient mouche, Mudweiser ne s'écarte ici que trop rarement des rails : "Fairy Tale " est un titre paresseux, aux riffs particulièrement plats, et malgré un couplet sympa, "Black Magic Priestess" s'écroule sur un refrain sans intérêt. Pire encore, le chant de Reuno, qui essaye d'en faire trop dans un registre pour lequel il n'a pas les capacités nécessaires, n'est pas convaincant. Et quand arrive un petit break sympa introduit au banjo, celui-ci ne dure que le temps de conclure.
Tout n'est pas complètement noir, on note même une fin d'album bien plus inspirée. "The story of Joe Buck" est assez étonnante, avec une première partie très calme sur lequel on sent un petit côté Nick Cave, un break/montée en puissance bien géré, et une dernière partie enfin accrocheuse. C'est vraiment quand il s'écarte du rock de bûcheron que Mudweiser est le plus convaincant, quand il fait l'effort de proposer de la mélodie, comme sur le refrain de "777", qui propose un chouette final sur lequel plane l'ombre de The Cult. Le dernier titre, lourde mélopée, fait également partie du haut du panier. Le groupe parvient sur cette deuxième partie d'album à faire corps et à proposer bien mieux que du rock lourd de seconde zone. Le chant de Reuno, qui alterne davantage entre chant braillard et soft, où sa voix grave fait merveille, est également bien plus convaincant. Dommage que le quartet se réveille un peu tard.
Comme quoi ils sont tout à fait capables d'écrire de bons titres
Malgré un album qui va en s'améliorant, le début poussif et l'incapacité chronique du groupe à proposer des titres rythmés bien foutus conduisent à un bilan en demi-teinte. Si Mudweiser ne parvient pas à proposer des compos rapides bien ficelées, il ferait mieux de se focaliser complètement sur des titres plus lents, lourds voire bluesy, sur lesquels il est considérablement plus à l'aise. Car en l'état, une moitié d'album convaincante, c'est léger, à plus forte raison quand on parle du troisième album de musiciens expérimentés.
Sortie le 23 février chez Head Records