Rencontre avec Coffees & Cigarettes

Après London Western, premier album mêlant chanson, rock et hip-hop, c'est le flow qui domine "Freakshow" le second opus de Coffees & Cigarettes, sorti en octobre dernier. Mais l'alto de la belle Lyllou fait toujours jeu égal avec la guitare de Renaud. Ce dernier a choisi son blaze en hommage au film de Jim Jarmush - à un S près - et est plus que jamais accro à la culture fantastique sous toutes ses formes (avec une petite préférence pour ses mythes fondateurs, il est vrai…). L'indice le plus évident est ce titre piqué au chef d'oeuvre de Tod Browning, évocation complice de la marginalité avec lequel Renaud se sent des affinités créatrices. Rencontre avec deux fondu·e·s d'une culture pop, pour populaire. Bien plus ancré·e·s dans le réel qu'il n'y parait et en faisant le choix de mixer Hip-Hop et rock, plus que modernes. 

LGR : Renaud, avant de te lancer avec Coffees & Cigarettes, tu étais guitariste au sein d’un groupe de rock…

Renaud : Oui, les Hors-la-loi pendant dix ans, un groupe créé avec mon frère. Chanson-rock au départ, qui a viré par la suite rock progressif. Pour le second album, j'ai eu envie de cordes et c'est comme ça que j'ai rencontré Lyloo avec qui j'ai monté Coffees and Cigarettes.

LGR :Tu ne trouvais plus ton compte dans le rock ?

Renaud : J'ai été guitariste dans plusieurs groupes, sans être à l'origine de leurs créations. Lorsque j'ai commençé à écrire, mes compos ne collaient pas vraiment au registre de Hors-la-loi. Et comme elles recevaient malgré tout un bon écho en live, je me suis lancé. Nous avons tout de suite eu de bons retours, notamment lors de la première partie de Manu. C'est durant ce concert que nous avons rencontré le futur-producteur de notre premier album London Western, les représentants du label de Manu, l'agence Mathpromo… Tout s'est enchaîné très vite ! Nous avons même fait Rock en Seine sur une scèhe jeune public, la même année que Archive, les Foo Fighters

LGR : L'alto de Lyloo donne une couleur très particulière à vos morceaux…

Lyllou : Renaud me demande de jouer au médiator ou de jouer certaines parties comme une section de cuivres sur "Jesse Juice" par exemple. Il met de la distorsion dessus…
Renaud : Je "bourrine" littéralement son instrument !

LGR : Le flow hip-hop domine sur Freak Show. Pourquoi avoir fait ce choix plutôt que chanter ? Parce que c'est ta génération autant que celle du public auquel s’adresse Coffees & Cigarettes ?

Lyllou : C'est un choix qui est venu progressivement et naturellement et qui a été "légitimé" par la scène.
Renaud : Je m'amuse également beaucoup plus avec les mots sur un phrasé hip-hop.

LGR : Dans une chronique de l’album vous avez été comparé à Marc Nammour de La Canaille…

Renaud : Ça fait super plaisir. J'aime aussi beaucoup ce qu'il fait avec Serge Teyssot-Gay. On apprécie également beaucoup Cabadzi, surtout sur le premier album avec les cordes et cette rappeuse dont le nom m'échappe…
Lyllou : Casey !

LGR : Du coup, vous avez pour ainsi dire créé votre propre style le hop n'roll…

Renaud : Oui, même si ça reste avant tout pour moi de la chanson, j'avoue que j'adorais faire des émules ! Ça me ferait vraiment marrer...
Lyloo : Dans "Scarecrow" un titre du précédent album, on faisait un clin d'oeil au groupe toulousain éponyme, qui lui a créé le hip hop and blues…

Coffees and Cigarettes - Copyright Laurent Besson - Caribou-Photo
Copyright Laurent Besson - Caribou-Photo - reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur

LGR : Sur scène, vous vous produisez avec des videoprojections que tu réalises Renaud…

Lyllou : Renaud a failli faire du cinéma et en fait donc sur scène en faisant de la musique !
Renaud : Mon écriture est très marquée par le cinéma, j'écris "image" presque malgré moi.
Lyllou : Son univers fourmille de références littéraires et BD…

LGR : Steampunk fantasy, un des titres de l'album fait référence à un genre fantastique, littéraire autant qu'hestétique. Vous pourriez nous le définir en deux mots ?

Renaud : Comment on imaginait le futur dans le passé, à une époque où l'imagination ne semblait ne plus avoir de limites. Façon Jules Verne, mais en plus anglaise, plus décalé…
Lyllou : D'où le punk. Et pour nous, cela prolonge l'atmosphère victorienne du premier album.

LGR : On vous qualifie volontiers de "déjantés," notamment pour les animations qui accompagnent les chansons...

Renaud : "Freak show" évoque la marginalité et le droit de le revendiquer. J'assume donc. Et un titre comme "Un cri" enfonce le clou.

LGR : Vous ne craignez pas qu’en vous revendiquant de cette culture de l’imaginaire, on ne vous prenne pas au sérieux, au contraire d’autres artistes dont la démarche est plus en prise avec le réel ?

Renaud : Pas vraiment… "Un Cri" parle par exemple avant tout de la marginalité.
Lyllou : Et en même temps, avec un titre comme "Steampunk fantaisy", on peut discerner un sous-texte qui évoque la peur de l'écriture, l'envie de créer… Quelque chose de bien réel pour les créateurs…

Coffees and Cigarettes 2 - Copyright Laurent Besson - Caribou-Photo
Copyright Laurent Besson - Caribou-Photo - reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur

LGR : Votre précédent album London western était déjà très marqué par un univers visuel - ciné comme BD - et littéraire, très orienté fantastique époque victorienne. Des genres que l’on qualifiait il y a quelques décennies de "populaire" - avec ce que cela supposait de condescendance intello - et qui imprègnent aujourd’hui la culture dite mainstream… C’est votre culture et vous la revendiquez au même titre que vous acceptez d'être qualifié de déjantés ?

Renaud : Oui, je revendique ces références en littérature et au ciné, mais je suis particulièrement touché quand quelqu'un me dit que mon univers le fait penser à la BD From Hell d'Alan Moore, plutôt que le film avec Johnny Depp… Mes références cinéma sont importantes, mais souvent liées à de vrais artistes, comme Giger qui a été connu du grand public pour son travail sur Alien, mais qui est avant tout un grand peintre…

LGR : Vous pensez que votre référence à "La Belle et la bête" - version Cocteau, pas la guimauve de Disney - va être perçue par toutes celles et ceux qui vont écouter Freakshow ?

Renaud : Non, je ne pense pas… C'est un film que j'ai découvert très jeune et un de mes premiers grands amours de cinéma et cet extrait était obligatoire pour moi sur "Freak show".

LGR : Vous ne trouvez pas qu’en devenant grand public - et donc commerciale - cette culture a perdu de son pouvoir de subversion ? Les thématiques fantastiques sont rabâchées, surexploitées. On ne connaît même plus les "mythes fondateurs"...

Lyllou : Ces mythes se retrouvent peut-être un peu dilués, avec des genres littéraires comme la bitly, mais c'est une évolution inévitable. Puisque cela devient un genre populaire à part entière, les gens se l'approprient et qu'on soit d'accord ou pas. C'est d'autant plus important de continuer à les évoquer avec comme support un style de musique très contemporain.

LGR : Vous entamez prochainement une tournée qui va débuter par la Belgique...

Renaud : Qui s'enchaînera par Lyon, Gap, qui nous fera passer par Tours et aller jusqu'à Nantes ! Et on sera également au festival Les Bains Douches à Lignières dans le cher.

Suivez l'actu de Coffees and Cigarettes !

Merci à Laurent Besson aka Caribou Photos pour ces clichés pris le 27 janvier dernier à la Boule Noire



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