"Forcément, tout cela est plus proche de la chanson que du rock qui nous est cher. Mais quand on découvre une vraie personnalité qui a des choses à dire et à jouer, et malgré des défauts qu'on ne peut passer sous silence, cela mérite un grand coup de chapeau"
Artiste en provenance de Montréal, Samuele roule sa bosse dans la musique depuis longtemps, avant de s'être décidée il y a quelques années à s'y consacrer totalement et de sortir son premier album. Entre folk et blues, la musique de la jeune femme n'est certes pas la plus rock qui soit. Cela étant, il y a là une vraie personnalité qui mérite d'être découverte. Samuele se livre toute entière sur ses compositions, centrées autour de textes finement ciselés. En effet, l'habillage musical est centré sur les paroles, dont ils suivent les émotions et le sens.
Crédit photo Julia marois
Les textes ont une importance primordiale, l'album démarre d'ailleurs sur un spoken word, "égalité de papier", qui prône l'égalité des sexes à sa façon : "le prochain qui me dit le sexe vend reçoit mon poing au menton, si le sexe vendait vraiment, on penserait à la moitié des acheteuses et acheteurs qui préfèrent les garçons, c'est pas le sexe qui vend, c'est la soumission". Le texte est fort bien tourné, dit sans agressivité tout en allant droit au but, et l'accent québecois lui confère du charme. Le titre de l'album est clair comme de l'eau de roche, tout comme l'est "la sortie", premier extrait bluesy bien senti, et toujours un talent certain pour marier les mots.
Que l'on se rassure, si le sujet revient régulièrement, de une il n'est jamais assené sans finesse, de deux Samuele a d'autres choses à chanter. Malgré des sujets parfois lourds de sens et une musique globalement douce-amère, il n'est pas question de tomber dans le pathos, comme en témoigne l'ambiance plutôt joyeuse de "coeur de tôle". D'ailleurs, les arrangements sont le fruit de nombreux instruments, contrebasse, piano, flûte, ou des trompettes pétaradantes qui viennent relever la sauce et appuyer le texte de "compter sur ça". Samuele a d'autres cordes à son arc, le blues notamment, qui lui permet de balancer des titres aussi incendiaires que touchants et groovy. "Tous les blues", le bien nommé, peut mettre tout le monde d'accord, tandis que 'Dactylo" pourrait faire fondre les coeurs les plus durs.
Cela étant, on regrette tout de même que l'instrumentation ne soit pas plus originale, poussée, travaillée, en bref qu'elle reste bien trop sage (un comble vu le propos de l'artiste et le titre de l'album), d'où un sentiment de lassitude qui pointe le bout de son nez (plus à l'aise sur scène qu'en studio, c'est elle qui le dit). C'est particulièrement vrai sur les derniers titres, qui manquent singulièrement de folie, de mélodies plus marquantes. Et si la chanteuse est peut-être douée sur scène, elle ne parvient pas encore à toujours proposer des versions studios qui se suffisent à elle-mêmes. Il y a des réussites, on en a parlé, mais aussi des compos plus anecdotiques, tout du moins sur disque. Peut-être prennent-elles une toute autre dimension sur scène ? A vérifier.
Mais quand on découvre une vraie personnalité qui a des choses à dire et à jouer, cela mérite un certain coup de chapeau. Comme quoi la belle province a peut-être bien des choses à apprendre aux artistes français sur la meilleure façon d'utiliser la langue de Molière.
Sorti le 2 mars 2018 chez InTempo Musique
