Sold out. Deux mots qui augurent toujours d’une soirée chaud bouillant à la Maroq. Pour peu que s’y produisent des légendes du rock garage de l’envergure des Sonics, c’est l’assurance d’avoir du gros son, d’importantes pertes de fluide corporel et d’abondantes absorptions de liquide, malté ou non ! Le groupe de Tamoca, état de Washington, y concluait sa tournée européenne. C’est dire s’ils ont lâché les chevaux… En bons régionaux de l’étape, The Ready-Mades ont tenu à défendre nos couleurs. Ils se sont montrés à la hauteur de leurs revendications ; nets penchants pour la musique noire américaine des 50's/60's, beat de la perfide Albion et l'underground yéyé-situationniste français. On rajoutera le culot de groover en français et d’écrire des textes drôles et engagés.
Même s’ils n'en sont pas à leur première maroq', l'entrée en matière des Ready-Mades s'avère un peu hésitante. Un moment de flottement très passager, le temps pour les cinq de Paname et de Montreuil de se mettre en jambes. Une légère anxiété bien compréhensible ; il va falloir gagner un public de garageux accros aux Sonics… "Finding my way" a donc lancé le set, mais c'est en français dans l'texte - sur "Meta-Cigare" - qu'ils trouvent leur rythme, drivé par leur chanteuse Barbara Stressante. De puissante sa voix se fait rugissante ; la dame a du coffre… et de l'humour pour chanter ensuite les déboires d'une jeune esseulée dans "Auto-gestion sentimentale". Ses comparses se mettent au diapason ; Sir Walter Closet s'énerve au sax baryton sur "Where am I right now ?". Puis the Ready-mades switchent à nouveau entre les deux langues. Français obligatoire pour "Baleine ou cigogne", un titre dénonçant avec punch le harcèlement de rue ou english welcome pour la pépite soul "My Darling".
Photo © Franck Rapido
Le retour au français se fait au détriment du "netocrate", dédicacé par Barbara Stressante à "ceux qui traînent trop sur internet". Une délicieuse gâterie sixties, à l'instar de "Les Oublier". On jurerait avoir sinon vu, du moins entendu Mirza ce soir là à la Maroq'… Après le très drôle "Bungalow" de Palavas-les-flots sur lequel Anatole Transe assure avec brio les chœurs, The Ready-Mades vont presque conclure sur une note dissonante avec "Ouagadougou blues". L'inspiration demeure vintage ; on croit entendre du Ike &Tina Turner… C'est la note sérieuse qui étonne avec cet hommage à Thomas Sankara, l'icône anticolonialiste assassiné il y a plus de trente ans. Le poing levé de Aristide Bruyant, ci-devant bassiste des soviets, ne semble pas être juste pour la galerie…
La température monte devant la scène. On devient étrangement beaucoup plus proche de ses voisins et voisines immédiats. Deux d'entre elles attirent les regards. Elles sont lookés comme en 1964, année de naissance de The Sonics. Robe Courrège et bottes d'un blanc Mère Denis pour la blonde. Tenue étincelante pour la brune piquante qui en éblouit plus d'un. "Regarde" dit celle-ci à sa complice, "on voit les reflets de ma robe dans le blouson du type de d'vant !". Effectivement le gus en question a un dos façon boule à facettes… Link Wray nous martèle les esgourdes avec son "Rumble". Pas fait pour calmer ces excités de vieux rockers. Le technicien chevelu qui règle instruments et micros, demeure imperturbable sous leurs sifflets. On sent qu'il a du en voir d'autres sur les scènes des States. Le public de la Maroq même bien chaud, ça doit ressembler au club Mickey de Palavas-les-flots comparé au public ricain...
Photo © Franck Rapido
Si on en croit les reports lus çà et là sur le net, c'est Freddie Francis qui tient la basse des Sonics pour cette tournée européenne. Eh beh non les gars, faut pas s'fier au DP ou à une page Facebook. Ce dernier, victime d'une crise cardiaque en 2017 a du passer le flambeau à Don Wilhelm, auquel il avait succédé en 2009. Les collègues belges qui ont pondu un chouette papier, ne sont pas tombés dans le panneau eux… Trèves de sarcasmes à deux balles. Tout ça pour vous dire que les Obi-wan kenobi from Tamoca, vénérés par tous les garageux jeunes et moins jeunes, en ont encore sous la pédale ! Rob Lind a beau marquer le coup de temps à autres, il se démène au ténor et à l'harmo. Son statut de dernier Sonics originel le légitime ipso facto en tant que porte-voix du groupe. C'est lui, qui entre autres confidences nous assure qu'il n'y a pas meilleur public que nous autres parisiens. Il doit le dire chaque soir ou presque, mais le public marche à fond dans la combine. Comme il adore la patate d’Evan Foster, benjamin de l’équipe et guitariste très expressif. Jake Cavaliere pourrait lui disputer nos faveurs. Mais il demeure bien sage en comparaison de ses prestations de preacher avec ses Lords of Altamont, se contentant d’arborer un sourire carnassier et de déchaîner ses claviers. Tous prendront le lead vocal au cours du set, à l’exception de Dusty Watson, concentré sur sa batterie et les choeurs.
On ne va pas vous détailler la setlist, sachez juste que ça a commencé à bouger sévère dès le troisième titre “C’mon everybody” et que cela ne s’est pas arrangé ensuite, de “Louie Louie” à “Lucille”. On ne vous parle pas de la furie qui s’est emparée de quinquas et autres sexas lors des derniers morceaux. Ravis de montrer à des plus jeunes leur maîtrise du pogo ! C’est “Psycho” qui a déclenché ce réflexe conditionné. Et les trois classiques avec lesquels ils terminent le show, ne parviennent pas à les achever, ils en réclamaient encore !
Setlist
Cinderella
Shot down
C’mon everybody
Sugaree
Have love
He’s waiting
Be a woman
Back in the car
Dirty rober
Head on black
Lucille
Boss hoss
Going home
Money
Keep a knockin
Psycho
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Doctor
Strychnine
Witch
Un grand merci à Franck Rapido pour la couverture vidéo !