Il y a des choses dont on peut être fière. À la Grosse Radio, c'est peut-être d'avoir été dans les premiers, en France, à croire à une tribu hybride. Les prêtres Punk ou les Shaka Ponk méritent le coup d’œil, voire le coup de tête et tant qu'à faire, mettez-y tout le reste. Entre nous, vous n'aurez peut être pas le choix parce que ca pète de tous les cotés.
Comme tout milieu paradisiaque, il faut se méfier de l'eau qui dort. L'odeur de sueur, les armoires à glaces dispatchées dans la fosse et les quelques fumées illicites ne sont plus pour vous, habitués que vous êtes, des alertes potentielles. Positionné au premier rang, encadré de teenage aux bagues saillantes, on se pense à l'abri... Pauvre naïf que nous sommes. Ce soir c'est Shaka Ponk.
En guise de première partie, Mai Lan. Présentation de son dernier album Autopilote et enchaînement. plutôt agréable et bien plus pêchu que dans nos souvenirs. Au moment du second morceau, elle quitte la scène pour revenir avec des mitaines, un peu grossières d'ailleurs. On comprend pourquoi. Il en sort des faisceaux lumineux avec lesquels elle s'amuse à danser. Là, on se dit que cette histoire prend un tournant intéressant... Puis vient le titre suivant qu'elle nous susurre à l'oreille, "Gentiment je t'immole". Mais c'est qu'on l'aurait presque oublié celui-là. Excellente reprise de "Bâtards de Barbares" de La Caution avec toute la sensualité, la douceur et la féminité de Mai Lan. Ces nouveaux titres "Nail Polish" et "Dial Number", beaucoup plus électro virulant, lui confèrent un petit coté Die Antwood, les lentilles en moins.
Voilà, un avant-goût qui aurait du nous mettre la puce à l'oreille mais que voulez-vous, la confiance règne. On décèle toutefois dans le regard de certains parents accompagnateurs, une appréhension. Une piqûre de rappel de leurs années de débauche ? Ah si on savait... Apparition sur scène, brasier dans la salle et... ça commence. Premier arrivé, Goz, le mythique singe, l'emblème du groupe. Il faudra nous expliquer un jour la fascination des singes dans la musique. Entre Shaka Ponk, Gorillaz, Bruno Mars, Artic Monkeys et Joey Starr, l'animal fascine. Suivent la formation au complet Frah et Sam au chant, Mandris à la basse, C.C à la guitare, Ion à la batterie et Steve aux claviers et aux samples. Le décor et les lumières sont peaufinés, le plaisir se savoure autant par les oreilles que par les yeux. L'énergie qui se diffuse contamine la foule à la manière d'un gaz euphorique. Et là c'est le drame...
Enthousiasmés que vous êtes, épris d'amour et de soudaine motivation vous vous approchez, telle une mouche sur une lumière incandescente et mortelle, près de la scène. Vous ne faites que répondre aux invitations gestuelles de Frah qui vous demande de venir à lui. Son côté gourou vous hypnotise et la foule qui vous presse ne vous laisse pas vous échapper. Quand vous comprenez que vous ne pouvez plus faire marche arrière et que le chanteur recule pour mieux sauter littéralement, il est trop tard. C'est ainsi que vous vous retrouvez à porter le leader de Shaka Ponk à bout de bras. Les zones de contacts de vos mains sont diverses et variées et, finalement, vous vous dites que vous connaissez maintenant très bien le groupe. Peut-être même trop. Une fois ce rapprochement effectué, ce sont les quelques centaines de fans de la fosse qui vous bousculent. Trop de contact tue le contact surtout quand celui devient pogonesque. Il est temps de prendre la poudre d'escampette et d'aller regarder ça de plus loin.
Sortis de votre torpeur, vous voyez certes moins bien le faciès de ces fous furieux mais vous appréciez davantage. La vue globale sur la scène, nous laisse entrevoir un spectacle total et quasi à 360°. Le show de cette nouvelle tournée The MonkAdelic Tour est épique. Les premiers titres du nouvel opus s’enchaînent de manière rythmique. Pas d'interludes, pas de chipotages, pas de manières. Shaka Ponk, ca pousse au corps avec son mélange Hard Rock, Funk et Hip Hop. On apprécie notamment le dynamisme Pop, Rock, Fusion de "Faking Love" de leur nouvel opus The Evol sorti en novembre 2017. Belle mise en bouche pour apprécier "On Fire" avec ses riffs énergiques, vifs et ses breaks annonçant les différentes phases du morceau. Malgré cette fougue, il se dégage de ce groupe une sorte de mysticisme. Imaginez déjà un concert plongé dans une semi obscurité permanente, réhaussée de lumières rouge vif, sang ou esprit cabaret. Ajoutez à cela la tenue sans équivoque de la chanteuse Sam, l'amazone. Femme ? Déesse ? Matronne ? On ne sait pas, on ne sait plus, serait-on perdu ? Et ce n'est pas la folie de Frah qui ira prêcher contre sa paroisse.
Parce qu'en parlant de mysticisme, il faut voir le garçon sur scène... ou pas d'ailleurs. L'idée c'est que justement, monsieur à la bougeotte. N’arrête pas de se balader dans le public. Un vrai lion dans l'Arena ! Il saute de la scène et remonte, le temps d’interpréter nouveaux morceaux et titres cultes du groupe comme "My name is Stain" et "Wanna get free" qui font prendre 10 degrés au zenith. Il demande aux gens de former une allée où il s’immisce, pareil à un militaire victorieux, pour rejoindre son piédestal au centre de la fosse. De là, il invite les gens à tourner autour de lui. Des dizaines de personnes se mettent en mouvement dans un rythme obsessionnel. On quitte Rome et son général pour rejoindre La Mecque... Mais Monsieur n'en finit plus et repart, direction les gradins rendant les mecs de la sécu complètement en stress à lui coller l’arrière train. C'est en haut de l'espace qu'il commence à interpréter la magnifique reprise de leur répertoire, "Smells Like teen spirit" de Nirvana.
Tout d'un coup, on sait qu'il se passe quelque chose. Le son baisse, c'est la première balade de la soirée. Le rouge remplace l'obscurité convenant parfaitement à la voix de Sam qui a pris la place de Frah sur son podium. La reprise nous envoie ailleurs, Sam est accompagnée par la guitare dans un rythme ralenti. Frah prend la relève du haut des gradins et répond à Sam. On prend en intensité en dégustant l'échange entre ces deux artistes. Vient le moment d'intégrer les autres musiciens et surtout la batterie qui emporte totalement le morceau pour lui donner force et presque violence. Ça s'énerve de nouveau et Frah repart dans ses frasques. Il monte sur les épaules d'un monsieur qui a l'air plutôt ravi. Il descend en saluant la foule « Hello », « Hello », « Hello »... Jusqu'à votre serviteur qu'il regarde la pupille dilatée mais le sourire au lèvres. Étonnant de voir un rocker tatoué et à demi-nu porter des lunettes. Ce concert est décidément plein de surprises. Peut-être fatigué de voir ses chiens de gardes tourner autour de lui, Frah retourne sur scène. Pour délivrer une performance à tomber. En même temps, ce n'est pas au vieux singe qu'on va apprendre a faire des grimaces.
Photos : Rodolphe Goupil
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