*Chronique écrite par Jef de la Lune*
« Avec un tumultueux battement d’ailes, entra un majestueux corbeau digne des anciens jours. Il ne fit pas la moindre révérence, il ne s’arrêta pas, il n’hésita pas une minute ; mais, avec la mine d’un lord ou d’une lady, il se percha au-dessus de la porte de ma chambre ; il se percha sur un buste de Pallas juste au-dessus de la porte de ma chambre ; — il se percha, s’installa, et rien de plus.
Alors cet oiseau d’ébène, par la gravité de son maintien et la sévérité de sa physionomie, induisant ma triste imagination à sourire : « Bien que ta tête, — lui dis-je, — soit sans huppe et sans cimier, tu n’es certes pas un poltron, lugubre et ancien corbeau, voyageur parti des rivages de la nuit. Dis-moi quel est ton nom seigneurial aux rivages de la Nuit plutonienne ! » Le corbeau dit : « Jamais plus ! » ( Edgar Allan Poe - Le Corbeau, traduit par Charles Baudelaire)
« Jamais plus » c'est aussi l'expression qui me vient à la bouche lorsque j'évoque Katatonia maintenant. En effet, comme pas mal d'auditeurs de La Grosse Radio, j'ai été marqué par une chose en lisant la news révélant les détails du nouveau disque des mélancoliques suédois au mois de juin , et visible ici , l corbeau est de retour. Oui le volatile traditionnellement de mauvais augure ( et qui m'a donné envie de vous citer ces quelques lignes du célèbre poème de Poe en préambule ) dont nous pouvions admirer la dépouille sur le classique Brave Murder Day paru en 1996 faisait donc sa réapparition sur ce Dead End Kings à la sortie programmée pour le 3 septembre 2012 chez Peaceville Records ( distribution Snapper Music ) et laissait donc entendre un retour aux sources, peut-être pas au style Gothic Doom des débuts mais...Au Katatonia que j'ai aimé, voilà il faut l'admettre, le Katatonia des grands jours semble loin derrière nous et le corbeau présent sur cette pochette, pas terrible je trouve avec cette écume noirâtre lui sortant du bec et ce ton gris « coloriage », n'est qu'un leurre. Fini le groupe tant prometteur que j'ai découvert, attiré justement par la cover de cet album ( cet ange au coeur d'un paysage enflammé...), par l'excellent Discouraged Ones ( sur lequel Jonas Renkse se mettait vraiment au chant en délaissant les vocalises growlées et dévoilait un joli filet de voix qui allait trouver son épanouissement au fil des sorties suivantes ). Fini la mélancolie nocturne de Tonight's Decision et le sublime désespoir élégant de Last Fair Deal Gone Down et Viva Emptiness avec ces refrains qui vous amènent les larmes aux yeux parfois, et ces mélodies renversantes. Depuis The Great Cold Distance, Katatonia semble appliquer une recette qui lui convient ( enfin peut-être pas à tout le monde si l'on en juge le départ des frères Norman après la sortie de l'album précédent Night Is The New Day ) : Un riff, un tempo médium (voire lent ), le chant plaintif de Jonas Renkse ( qui reste néanmoins une des plus belles voix « pleureuses », malgré son physique de nounours viking, du Metal Gothique ) qui se surperpose dessus, des refrains mollassons, le tout enrobé dans des arrangements ( cordes, bidouillages électro ) et une production soignés.
J'ai été déçu par The Great Cold Distance ( même s'il y'a quand même quelques bons morceaux sur cet album comme « July » par exemple ), ça a été la même chose avec Night Is The New Day, enfin aux premières impressions car finalement, en l'écoutant plusieurs fois, j'ai fini par être séduit par ce disque labyrinthique qui dévoile ses charmes au fur et à mesure. Avec ce huitième album, Katatonia semblait vouloir explorer de nouvelles possibilités, s'ouvrir vers des contrées progressives, un peu à la manière des compatriotes, et amis, Opeth. J'attendais donc de Dead End Kings qu'il soit le vrai point de départ de l'orientation timidement abordée sur le disque précédent. Mais non. J'ai écouté de nombreuses fois cette neuvième offrande des suédois névrosés, espérant le même déclic que j'ai eu avec l'album précédent, mais Dead End Kings reste figé dans une certaine routine. C'est un retour en arrière oui, mais aux morceaux plutôt ennuyeux de The Great Cold Distance, d'ailleurs le groupe le compare souvent à ce disque dans les interviews qu'il donne depuis quelques temps.
Pourtant Dead End Kings n'est pas un mauvais album, il y'a du bon matériel ( par exemple l'efficace « The Parting » qui inaugure le disque fait plaisir à entendre, le heavy « Buildings » et « Ambitions » se laissent bien écouter aussi, de même que « Undo Young » avec ses arrangements de cordes et son refrain qui fait mouche ou le morceau disponible depuis quelques temps sur le Net « Dead Letters » qui sent bon le single sans non plus être exceptionnel ), il y'a même un morceau sublime : « The Racing Heart » ( les refrains « chialés » comme sur ce « The Racing Heart », moi ça me rend tout flageolet ) mais voilà, ce nouvel album de Katatonia il est juste bon, et c'est là le problème lorsque l'on a été habitué à de l'excellence de la part d'un groupe.
A peine correct même pourrions-nous dire en étant plus sévère. Car il y'a aussi du moyen sur Dead End Kings, « Leech » par exemple est franchement mou du genou, « Let Lean » malgré son effet d'écho sur la voix de Jonas ( un vrai gimmick car il y'en a partout sur l'album ) et un riff sympathique reste anecdotique, quant à « First Prayer », c'est un morceau...Ennuyeux, malgré son break aux arpèges. Signalons que le groupe a invité l'actuelle chanteuse de The Gathering, Silje Wergeland, qui accompagne Jonas sur le deuxième piste de Dead End Kings : « The One You Are Looking For », ce titre est correct mais pas inoubliable et se termine de façon abrupte, ce qui laisse une impression de travail inachevé. C'est justement le jugement que je laisse sur ce nouvel album de Katatonia, il va falloir commencer à se réveiller avant que tout ne devienne... Katastrophique.
Jef de la Lune
Liste des titres :
1.The Parting
2. The One You Are Looking for is Not Here
3. Hypnone
4. The Racing Heart
5. Buildings
6. Leech
7. Ambitions
8. Undo You
9. Lethean
10. First Prayer
11. Dead Letters
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