Rencontre avec Alice Botté

Le 24 mars dernier lors d'un concert au Barde Atomique du groupe Echoes & More qui reprend du Pink Floyd (et que nous vous recommandons chaleureusement), nous avons pu nous entretenir avec le célébère guitariste et compositeur, voire même décompositeur Alice Botté.

Précisons que ces propos ont été recuellis avant la disparition de Jacques Higelin le 6 avril dernier. Alice lui rend d'ailleurs hommage en fin d'article avec un texte qu'il nous a confié il y a quelques jours.

Salut Alice !

Bonjour La Grosse Radio !

Tu as joué avec un paquet de pointures, Higelin, Bashung, Christophe, Jad Wio, Charlélie Couture, mais ton aventure musicale commence par une rencontre lycéenne, avec Tom Novembre.

Ouais, on était dans le même lycée, on n'était pas dans la même classe mais Tom commençait déjà à s'intéresser au théâtre, on avait monté une troupe qui s'appelait le Tracteur T, des pièces complètement loufoques surréalistes, donc c'est là que j'ai rencontré Tom et toute cette bande et évidemment Tom m'a présenté à Charlélie qui à l'époque était le chanteur local et j'ai commencé à jouer avec lui, j'étais son premier musicien, vraiment... enfin, sur la route, parce qu'il avait enregistré des albums auparavant avec d'autres musiciens, mais en tous cas voilà, on a commencé l'aventure tous les deux sur la route.

Là, on est à l'époque du groupe Les Fonctionnaires ?

Les Fonctionnaires c'était un tout petit peu après, un an ou deux après, avec Tom à la basse et un batteur et voilà, c'était une époque où je bossais avec Charlélie, on était une petite équipe.

Du coup entre accompagner des artistes et partir dans un délire très solo comme l'est « FEU brûlé », comment on appréhende les deux façons de monter sur scène ?

C'est exactement la même chose je pense, parce que de toutes façons à la base on est au service de la musique. J'ai un copain iranien bluesman qui disait : « on est en mission pour le seigneur » après le seigneur il prend la forme qu'on veut, mais de toutes façons, que tu accompagnes des artistes ou que tu sois tout seul à essayer de faire quelque chose, c'est la même intention de base, c'est essayer franchement d'être pertinent, de pas trop en faire, de faire assez, c'est là toute la question.

Quand on accompagne un artiste, faut respecter la partition mais quand même apporter une touche personnelle ?

Ouais, et puis surtout bien cerner ce que tu vas jouer, cerner ce que la personne va te demander et quand t'es seul c'est essayer de comprendre ce que toi tu veux dans ta tête. C'est vraiment le même processus je pense. Les objectifs sont différents mais je pense qu'on fonctionne de la même manière.

Et en terme de kiff et de vibrations, tu as obtenu les mêmes plaisirs dans les deux exercices ?

Ouais ! Ça dépend avec qui mais en général, moi j'ai toujours eu la chance de jouer avec des gens qui, s'ils ne m'avaient pas appelé, j'aurais aimé qu'ils le fassent. J'ai pas eu l'obligation de faire des choses que j'aimais pas, j'ai vraiment eu cette chance là.

Tu as donc eu la chance de pouvoir lier l'alimentaire et la musique.

Absolument et c'est encore la cas aujourd'hui.

Ça veut dire que tu as eu le choix de jouer avec qui tu voulais ou tu as juste eu un coup de bol monstrueux que tous ceux qui te proposent soient des gens que tu aimes ?

Je crois que c'est les deux, il y a eu coup de bol monstrueux notamment au début quand j'ai rencontré Charlélie, ça c'est un coup de bol monstrueux et je suis parti comme ça très rapidement, j'avais 19 ans ! Et puis des fois aussi on fait des choix, on se dit « non ça j'ai pas envie de le faire » et puis selon le caractère que tu as et ce que tu as envie de jouer, y a des choses, tu ne peux pas les faire. Je ne suis pas un mec polyvalent et quand t'es pas polyvalent, ça réduit vraiment le champ.

T'es pas polyvalent mais tu as joué avec des artistes super différents quand même !

Ouais mais qui m'appellent pour ce que je sais faire.

Ca veut dire qu'ils avaient ton jeu à l'esprit ou ton son et qu'ils se sont dit que ça collerait bien avec eux ?

C'est peut-être plutôt le son, la couleur et ce qu'on apporte. Je pense qu'il faut aussi avoir une petite dose d'audace quand on accompagne des gens pour leur proposer des choses, sinon on reste pépère et plan-plan

Justement, comment on passe d'un jeu écrit à l'univers de FEU brûlé où il y a une grosse partie d'improvisation ?

C'est quasiment que de l'improvisation.
 

Feu brûlé, Alice Botté, Interview, Higelin, hommage

Quand tu joues une partition, tu es protégé par la structure, tandis que dans ton projet FEU brûlé il y a une mise en danger.

C'est ça à la base dont j'avais besoin, c'est la mise en danger. Tout à coup m'affranchir de cette sécurité que j'ai en permanence depuis bientôt quarante ans. Sortir d'un cadre et aller explorer ce que j'avais commencé quand j'avais 25 ans, des concerts solo d'improvisation, que j'avais un peu abandonnés. Du coup j'avais besoin de retrouver ça et j'avais aussi vraiment besoin de partir vers l'inconnu. Alors, en revanche c'est de l'improvisation qui demande aussi du boulot. J'avais aussi besoin de savoir ce que je vaux seul sur scène, sans mes copains, en proposant un truc qui, peut-être, est un peu radical, totalement iconoclaste, mais c'est un besoin, c'est pas une posture. Les choses sortent naturellement. Mais ça demande du boulot, j'ai mon studio, je travaille tous les jours, notamment sur des protocoles de son, une façon d'arranger les trucs, de faire partir des sons, ça je travaille.

Mais ça, c'est calé et tu te promènes dessus au feeling ou même dans les structures il y a des choses qui peuvent bouger ?

Y a pas de structures ! C'est vraiment une musique modale à la base, ce qu'on appelle en anglais la drone music, tu installes une note et tu la modules, ça c'est vraiment des choses que j'aime beaucoup et qui permettent justement d'explorer, les textures, les fréquences et puis c'est quelque chose qui te permet de te balader au gré de l'intuition. Pas de l'inspiration, de l'intuition. Sur ce projet là je retrouve vachement l'intuition que j'avais pu perdre par moment.

Est-ce que le public a une influence pendant ces sets-là ?

Hum... non... pas forcément... euh... J'ai envie que ça soit bien mais j'ai pas envie de séduire absolument, je sais qu'il y a des passages assez difficiles. Par contre, et j'y pense souvent, il y a des gens qui viennent me voir et qui ne connaissent pas le projet, peut-être qu'ils s'attendent à autres choses et là ils sont vraiment très surpris, parce que, évidemment moi on me colle toujours dans des cases et là je suis hors des cases et ça peut surprendre. Alors franchement, y en a qui détestent, j'ai entendu l'autre jour un mec qui disait : « Putain mais finalement il sait pas jouer de guitare » parce que la guitare je la revisite complètement différemment !

Et ça veut dire quoi « FEU brûlé » du coup ?

FEU brûlé en fait c'est... Ma chérie, un soir, me parlait de musique et dans tout le processus sur scène il y a quelque chose qui commence à monter, comme un feu qui prend, il y a une grosse grosse partie incandescente et puis après, au fur et à mesure, évidemment, le feu s'éteint, s'éteint, progressivement, et je lui disais qu'en fait, ce que j'aimais c'est aller à l'envers de ce qu'on propose en général dans un show. C'est-à-dire qu'on part d'un truc super cool pour atteindre une espèce d'acmé, d'apothéose et j'ai envie de le faire à l'envers. Alors des fois j'y arrive vraiment bien, des fois j'y arrive moins bien et donc je lui expliquais ça. Je voulais partir d'un truc très dense, très fourni, très violent pour atteindre une espèce de quiétude. FEU brûlé c'est ça, c'est un feu...

Qui se consume, qui finit en braise ?

En rien ! Voilà, et puis il y a une idée dans la musique qui m'intéresse beaucoup c'est la désintégration des sons, la décroissance, les sons qui meurent, donc qui partent d'un point. Il y a aussi cette histoire d’incandescence... c'est comme la vie en fait. On est brûlant tant qu'on vit, et puis un jour...

On est brûlé, enfin pour ceux qui le choisissent !

J'aime bien Jeanne d'Arc en fait ! Ça m'inspire, le bûcher...

C'est d'actualité en plus, car il y a une polémique autour de Jeanne d'Arc en ce moment !

Ah oui c'est vrai ! Oh merde ! Finalement je déteste !

Rires

Merci de me remettre dans le droit chemin !
 

Feu brûlé, Alice Botté, Interview, Higelin, hommage

On entend souvent des guitaristes qui disent avoir eu du mal ou en tous cas avoir mis du temps pour trouver leur son. Est-ce que toi tu as un son et si tu en as un, est-ce que tu as mis longtemps à le trouver ?

J'ai qu'un son, d'ailleurs j'espère que je ne vais pas le perdre ! C'est un travail d'années et puis surtout, justement, de faire confiance à ton intuition. Faut chercher ton son, pas essayer de copier celui des autres. Du coup, faut jouer, jouer, jouer, et puis après avoir une approche de la musique, notamment de la guitare pour moi.

Et ça tu as pu le garder dans tous les projets auxquels tu as participé ?

Oui, globalement. Alors il y a des gens qui te laissent vachement plus de liberté, mais avec des gens comme Christophe, Thiéfaine, Higelin, qui sont des gens qui te font vachement confiance et qui te disent à un moment donné : « tiens vas-y, joue, pars sur ce que t'as envie »

Et ça ne pose pas des soucis de mélanges de sons ? Par exemple, je ne sais pas si quand tu as joué avec Higelin, y avait encore Pierre Chérèze mais...

Ah non Chérèze il n'était plus là, Jacques j'ai commencé en 2008.

Parait que tous les musiciens disent qu'il faut jouer avec Higelin au moins une fois...

Ah bah ouais!

On n'en parle pas assez de cet artiste, c'est quand même une icône, mais pas très mise en avant, c'est assez étrange...

Il a du public, énormément de monde et je pense que c'est un mec qui fait comme il a envie. On ne lui impose pas d'aller jouer là, de faire ci ou de faire ça s'il n'a pas envie.

Mais si il a envie il peut jouer pendant cinq heures...

Par exemple, quitte à bousculer le concert, l'ordre des morceaux, d'arriver sur scène et de jouer des morceaux que tu connais pas, ou il oublie un morceau, ou il ne le fait pas ! Et ça c'est vachement bien, j'aime bien ça avec Jacques.

Cette envie de casser les codes, je ne sais pas si on peut résumer ça comme ça, mais en tous cas sortir des sentiers battus, est-ce que tu ne crois pas que plus on empile les techniques de son, les textures, les bidouilles, les couches et plus on risque de s'éloigner de la composition pure ?  Est-ce que tu attaches plus d'importance à la composition et ensuite aux arrangements ou alors ce sont plus des ambiances et des sons qui font le morceau ?

Je t'avoue que j'ai des schémas sur chaque partie. FEU brûlé c'est modulable, là en ce moment c'est sur cinq parties qui s’enchaînent. Dans FEU brûlé je suis dans la décomposition, hein tu vois ces mots « décroissance », « décomposition », « désintégration », le préfixe « dé »... C'est pas de la composition... je veux vraiment m'attacher à une formule très libre de la musique, en ce moment.

Après euh je pourrais complètement changer d'option, c'est un voyage ponctuel, combien de temps il va durer je n'en sais rien, le plus longtemps possible mais au cours de ce voyage je pense que tout d'un coup je vais introduire des parties qui vont être écrites. Mais là je voulais m’affranchir de ça et partir et d'arriver et de me dire « qu'est-ce qu'il y a dans mon sac et qu'est-ce que je vais en faire surtout »

Parallèlement à FEU brûlé tu as un projet avec ta compagne, Barbee.

Voilà, Barbee

C'est son vrai nom ?

C'est Barbara mais tout le monde l'appelle Barbee, puis bon Barbee c'est une nana qu'est plutôt pas mal, donc voilà !

Donc c'est un duo plus classique, c'est la transposition de votre histoire d'amour en musique ?

Ouais, complètement.

Une histoire d'amour et une histoire d'artistes ?

Voilà, on s'est rencontré, elle chantait, moi je jouais de la guitare, c'est une histoire, des fois il y a de l'amour, des fois on s'engueule, de toutes façon même quand tu t'engueules il y a de l'amour mais en tous cas c'est un journal de vie, tu vois, et donc on évolue et nos morceaux évoluent en fonction de nous, de notre relation, de nos désirs, on n'a pas forcément les mêmes, donc ça se construit comme ça. Alors c'est plus contraignant évidemment, puisqu'on est deux mais je trouve que c'est bien de pouvoir, en binôme, affronter l'autre et d'aller le chercher et comprendre ce qu'il veut.

Ce qui est bien, dans le dernier album c'est qu'on l'a vraiment construit d'une manière totalement empirique, moi j'avais déjà envie de ça et elle s'est laissée aller à çà aussi. Là pour le coup c'est écrit mais il n'y a plus vraiment de structures, couplets, refrains, donc tout est un peu agencé presque, je dirais entre guillemets, comme une pièce classique.

Là c'est un univers un peu planant, plus aérien ?

Oui pour le dernier album, le premier album était vachement brut de décoffrage dans un système très simple. Sur le deuxième on s'est dit : « tiens expérimentons ! »

Et donc il est disponible ?

Il est sur Xplose Music qui est le premier label de musique « équitable » qui rétribue les artistes à 50%. L'album est vendu 7 euros, donc ce sont des fichiers il n'est pas en support physique. Donc 7 euros et le label te rembourse la moitié, t'as pas de contrat d'édition avec eux, tu gardes ton édition, c'est vraiment un chouette label.

C'est bien de le souligner, on a tellement de cas de plateformes qui exploitent la musique des artistes sans rendre quoique ce soit...

Là tu reçois ton relevé, tant de disques vendus, t'as gagné tant... Et puis tu as totale liberté surtout. Eux c'est très éclectique leurs goûts musicaux mais si ils aiment, ils aiment et ils te laissent faire. C'est vachement bien !
 

Alice Botté interviewé par Mallis, feu brulé, 2018

Revenons à la musique, tu avais donc besoin d'un projet qui te permettrait de te mettre en danger, de sortir de ta zone de confort ?

Oui complètement et puis surtout d'aller sur scène, d'explorer, de chercher. On parle parfois de performance, moi je n'aime pas trop ce mot-là, ça fait un peu « jeux olympiques », moi c'est plutôt une exploration sonore, je suis un peu solitaire, j'aime bien me promener dans les bois sans savoir où je vais, je retrouve toujours un peu mon chemin et la musique c'est ça, ça correspond à ça en ce moment. « Se mettre en danger » c'est une phrase qui est un peu un peu un mantra chez moi, c'est une chanson d'Iggy Pop, "Gimme danger", qu'est un truc qui résonne, dans la chanson il dit « Restons éveillés ».

Pendant ces explorations je suis vraiment en éveil, je suis vraiment concentré à plus de 100% parce que je n'ai aucune structure.

Et quand tu es face à des gens ? Parce que certains connaissent le projet, d'autres viennent car ils t'ont vu jouer avec untel ou untel, d'autres ne connaissent pas du tout ce projet, est-ce qu'ils peuvent avoir un impact sur toi ? Est-ce que tu les vois et les ressens ou est-ce que tu es vraiment dans ton monde ?

Je suis vraiment dans mon monde, comme je te disais c'est vraiment une totale concentration, j'ai plein de trucs à gérer.

Et donc il n'y a pas d'applaudissements pendant tout le set ?

Non. Non, non, ça s’enchaîne. Et, pour l'instant, car c'est un projet qui démarre, y a eu un concert en juillet dernier sur un festival techno en Corse et j'ai démarré en fait début décembre, donc c'est assez nouveau. Jusque là je croise des gens, bon y a ceux qui n'aiment pas, et ceux qui viennent me voir après me disent « merde c'est con, en fait c'est trop court », donc je suis plutôt surpris et c'est plutôt encourageant parce qu'en fait ça les entraîne. Si j'arrive à les amener dans un autre univers sonore je trouve que le pari est gagné quoi. C'est ça qui m'intéresse surtout.

Donc tu as envie d'ouvrir, presque de force, les oreilles des spectateurs

Bah il faut que ça soit bien, faut que ça soit cohérent, faut pas que ça soit décousu parce que je dois faire un truc bien. Après évidemment s'ils aiment, c'est bien et s'ils aiment pas c'est bien aussi ! Il faut faire le mieux possible, c'est un truc de bon petit soldat... Je suis un peu un vieux samouraï au service de ma musique pour le coup, je suis prêt à mourir pour ça quoi.

Ça veut dire que c'est un projet dans lequel il n'y a quasiment pas de communion visible entre le public et l'artiste ? Pas d'habituelles petites ficelles pour que le public tape dans ses mains en rythme ou répète les paroles de tel ou tel morceau ? Du coup il y a une certaine frontière entre toi et le public ?

Le but c'est de paumer les gens et ensuite de les rassurer. C'est ça le truc, au départ c'est très violent, c'est à l'image du monde en fait. Moi je trouve que le monde est violent, il l'a toujours été mais là de plus en plus parce que la violence est sur-médiatisée, mais derrière cette violence-là, il y a vraiment quelque chose de beau. Il y a la nature, l'amour, l'autre... si Dieu existe c'est ça, c'est la beauté des choses.

Donc au début je veux perdre les gens quitte à ce qu'ils s'en aillent, parce que ça peut être très violent le début. La première partie s'appelle "Maria", c'est dédié à la tempête qui a eu lieu en Dominique l'année dernière, une de mes amies était dans sa maison enfermée pendant deux heures, elle a enregistré les prémices de la tempête sur son iPhone et elle m'a envoyé le son, et quand j'ai reçu ce son là, sachant qu'elle était sous son lit, c'était effrayant. Sa maison a été détruite. Ca fait peur surtout que je n'ai pas eu de nouvelles d'elle pendant trois semaines, donc j'ai construit à partir de ce son-là, qu'elle m'a envoyé, sur lequel j'ai empilé des sons qui sont enregistrés sur un 8 pistes, que je peux mixer... Donc c'est la tempête et c'est vraiment, pour le coup, très violent.

Oui surtout que tu pars du silence ?

Non, enfin depuis quelques lives je fais monter le truc, avec un drone... Y a une nana que j'aime beaucoup qui s'appelle Eliane Radigue, une nana des années soixante-dix qui a été une des premières à travailler avec des synthés modulaires sur le principe de la musique modale et c'est un peu un hommage à elle cette première partie qui monte, qui monte, qui monte et boum !

Si on résume, tu parles de décroissance, de désintégration, mais en fait le projet est super positif, parce que tu dis qu'on descend mais en fait on sort de l'horreur pour aller vers quelque chose de...

C'est exactement ça, ça a un côté ultra positif, c'est comme la vie, c'est dire au gens que derrière toutes les horreurs qu'on voit, qu'on ressent, y a quand même la beauté. La beauté des choses existe. C'est partout, une fleur, le regard d'un animal avec lequel tu échanges, l'amour que tu vis...

...dont tu profites mieux parce que tu viens de vivre l'horreur

C'est ça. Puis cette décroissance aussi c'est le message même si je n'aime pas ce mot là, c'est dire qu'il faut décroître, on va trop vite, trop loin, trop violent, on est entrain de tout bousiller, sous prétexte justement qu'on a besoin d'un confort. Mais c'est quoi le confort ?

Le confort n'existera plus si on détruit tout. Partir du compliqué pour aller vers des choses simples. A la fin ça se finit sur des voix, très pures, que j'enregistre au fur et à mesure, c'est presque comme quand tu arrives au paradis, t'entends les anges, si ça se trouve c'est ça. Je pars de l'enfer pour aller au paradis. Je parle beaucoup de religion depuis le début mais je ne suis pas croyant. Je suis très intéressé par la théologie mais pas croyant du tout. Je crois en des choses positives, je crois à l'autre de toutes façons, c'est important.

Et tu as l'impression que ton message est perçu ?

Oui on m'envoie parfois des petits commentaires sur Facebook et oui ils le ressentent comme ça. Au début ils sont surpris mais ils sentent qu'il y a une sorte de crescendo pour arriver à quelque chose de pur et libérateur, tu sors de toutes les pressions c'est un peu comme si t'es malade et que tu vas voir un ostéo, un acupuncteur ou un marabout qui t'enlève toutes les merdes qui sont dans ton corps.

Pour conclure, si tu as des choses à annoncer, c'est le moment !

Je suis entrain de préparer, plutôt que d'enregistrer un disque, un docu-fiction de 52 minutes où il y aura toute la musique. Je fais ça avec deux personnes, donc ça sera un film plutôt qu'un album.

Merci de nous avoir accordé cette interview.

Merci La Grosse Radio.

Au fait, ça te fait quoi d'ouvrir pour Pink Floyd ce soir ?!

Bah je suis impressionné, on m'avait dit Pompéi, je savais pas qu'il y avait un bar ! En fait j'avais rencontré Hocine - batteur de Echoes & More et organisateur de cette soirée concerts [NDLR] - sur un festival où je jouais avec Thiéfaine et il m'a appelé il y a quelques temps pour m'inviter à venir ouvrir pour eux, donc c'est des retrouvailles et ça a l'air vraiment bien, et l'univers Pink Floydien colle bien aussi, ce soir ça va être le festival de la chambre d'écho !

Oui et puis c'est vraiment un super groupe tribute des Floyd !

Ouais, ils sont vachement bien !

Merci beaucoup Alice !

Merci !

Hommage à Higelin



Notre entretien avec Alice Botté ayant eu lieu quelques jours avant la disparition de Jacques Higelin, avec lequel il a beaucoup joué, nous publions ici un texte qu'Alice a écrit et qu'il nous a confié pour un hommage.

Jacques est mort ? non, c'est une grosse blague...encore un fake de réseaux sociaux. Non, Jacques rentre dans la loge, son grand corps de danseur étoilé prend l'espace, tape du pied, te demande les yeux pétillants "alors tu l'as apprise la chanson ? " - Laquelle ? -oh merde tu me fais chier, je ne sais plus laquelle .... Il se marre, te prend dans ses bras : "salut , t'es fringué comme un sac... tu ne vas quand même pas monter sur scène comme ça Alice ...mais non je rigole, je t'aime ma vieille ....

On monte sur scène, Jacques décide de tout changer au dernier moment, tu lui dis Jacques, c'est le bordel et il te répond, bin non on s'en fout on doit faire ce que l'on veut, devant ce public qui nous aime, on lui doit tout. C'est le bordel mais la magie contrôle tout, il chante, pose ses doigts longs et fins sur le piano, avec grâce et dans la liberté la plus totale... reste plus qu'à se coller à lui...se fondre...s'unir comme des frères et faire tout péter comme un orage... éclairs , tonnerre, vie , voix habitée, sourires joyeux échangés entre tous....grande ripaille musicale paienne mais si près des Dieux qu'il défie.

Non !!!! Jacques est vivant, comment pourrait-il faire autrement !

 



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