En fin d'année dernière, le sang des fans de A Perfect Circle n'a fait qu'un tour. En effet, les Américains sortaient de leur léthargie de plusieurs années, en dévoilant coup sur coup deux titres ("Disillusioned" et "The Doomed") et annonçant dans la foulée un nouvel album. L'attente avait été longue depuis eMotive (2004) et même Thirteenth Step (2003), dernier opus composé uniquement de titres originaux. Nous avions bien eu quelques inédits à nous mettre sous la dent lors de la sortie du best-of Three Sixty (2013), mais cela faisait tout de même léger pour les amateurs du combo.
Aujourd'hui, A Perfect Circle dévoile un album qui tire plus vers le rock progressif que vers le metal alternatif de Mers de Nom / Thirsteen Step, avec des titres écrits avec précision, finement arrangés et sur lesquelles la voix de Maynard James Keenan exprime une émotion toujours à fleur de peau. La délicatesse avec laquelle le duo Billy Howerdel / Keenan a pensé ce nouvel opus se manifeste de plein fouet avec le titre éponyme qui ouvre l'album. "Eat The Elephant" démarre en effet par une association piano/batterie, sur laquelle vient se poser la voix fragile du chanteur de Tool (assurément l'un des vocalistes les plus doués de sa génération), comme un pied de nez à ceux qui s'attendent à voir débouler un titre direct et puissant dès le début. Cette façon de penser l'album se poursuit avec "Disillusioned" ou "The Doomed", parmi les meilleurs titres de la galette (on comprend alors aisément pourquoi APC a choisi de les dévoiler en avant-première), où la passion et l'énergie côtoient une sensibilité qui ne peut laisser de marbre l'auditeur.
Dans la même optique, "The Contrarian" ou "Talk Talk" sont écrits pour mettre en avant la voix de Maynard, qui se permet même de très belles harmonies vocales sur le premier, et un chant plus rageur sur le second. Le piano est plus présent qu'auparavant au sein de l'album ("DLB", "Eat the Elephant", "Disillusioned", "Get the Lead Out"), même si l'on sent une envie pour le duo de compositeurs d'expérimenter, notamment sur un "Get the Lead Out" très ambiant presque trip-hop.
Toutefois, parmi ce recueil de titres sublimes, atmosphériques et d'une noirceur indéniable, on ne comprend pas le choix de "So Long and Thanks for all the Fish" (la référence à H2G2 n'aura pas échappé aux fans de Douglas Adams), le titre le plus faible de l'album, qui casse totalement l'homogénéité de ce début de galette. En effet, les accents popisants et trop joyeux de cette composition en mode majeur rompent totalement avec l'ambiance pesante distillée par le combo. De même "Delicious" reste un bon titre mais trop classique et à la ligne de chant mal ficelée, que l'on aura tôt fait d'oublier.
On retrouve bien un "By and Down the River" pour ramener l'auditeur dans des sphères plus sombres, et ce même si l'effet de surprise n'est plus là pour ce titre déjà connu par les fans sous un patronyme plus court ("By and Down" était alors le seul titre réellement inédit de la compilation sortie en 2013 et mentionnée plus haut). Cette chanson renoue avec les meilleures compositions des Américains, et l'on peut saluer le solo de guitare de Billy Howerdel, qui prouve alors son goût prononcé pour les six-cordistes issus du milieu prog, tout comme sur le couplet de "Feather".
Au final, ce disque permet à A Perfect Circle de faire un grand retour, avec des compositions qui restent parmi les meilleures écrites par Billy Howerdel, se mettant parfaitement au service de la voix gracieuse de Maynard James Keenan. On regrette seulement la présence de deux titres dispensables (So Long" et "Delicious") qui brisent la cohérence d'un album qui, sans ces morceaux, aurait été (ni plus ni moins) un pur chef d'oeuvre, et la suite logique de Thirteenth Step. Avec Eat The Elephant, on ne peut toutefois nier le talent d'écriture du duo de compositeurs, qui ravira sans aucun doute ses fans lors des deux passages en France d'A Perfect Circle, au Hellfest et sur les planches de l'Olympia en juin prochain.
Sortie le 20 Avril 2018 chez BGM
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