Bon. On va pas se mentir, Sur les Pointes, on connaît bien. On n'en est pas à notre coup d'essai, et puis on est partenaire. Vu la gueule et la mentalité du festival, pour nous, c'est pas rien. Mais trêve d'égarements, toute cette intro foutraque pour dire que même si on n'en avait jamais entendu parler, l'affiche de Sur Les Pointes nous aurait de toute façon nous faire pointer présent. Avec nos tronches de prolo, on sait qu'on y a notre place, et c'est toujours mieux qu'à l'usine (celle-là, t'façon, y'en a plus, le porte-chemise l'a déplacée à 6000 bornes).
Donc ouais, quand les programmateurs ont balancé l'affiche, on était loin de débander. Et tu pouvais visser tes doubles fenêtres sur ton nez, y'avait pas que dans les grosses têtes qu'il y avait du beau monde. Des revenants, des rares, du gros son et du moins lourd, c'est éclectique, ça va chercher dans le rock et dans le métal, dans le rap et dans la world aussi, dans des à-côtés reggae, avec l'esprit keupon qui va avec. Alors ça s'accumule devant les deux pauvres barrières qui bloquent l'entrée, y'a du retard, c'est à l'arrache, et en soi, on s'en balec. Le public sent le metalleux à plein nez, on se doute que les loustics sont venus en masse pour acclamer Ultra Vomit. Ça sent aussi les mecs qui ont pris des pass uniquement pour une journée, à se demander si l'affluence sera similaire les autres jours. Vu l'affiche, aucun doute, et tant mieux, on verra de nouvelles trognes.
Sales Majestés
Par Thierry de Pinsun
L'entrée difficile et retardataire, les grosses basses mal réglées des Sales Maj qui sonnent en fond de tympan, ça excite. Ça tombe bien, lorsqu'on parvient enfin à entrevoir les zicos depuis le bout du chapiteau, c'est un chant anti font-national qui résonne. Rien de tel pour entamer son premier jeu de coudes de la soirée. Malheureusement pour nous, la soirée atteint son pinacle pour les Sales Majestes, qui ont déjà éclaté une bonne partie de leur énergie, au rythme de la biture pré-scène dont sont témoins les titubements et les articulations bafouées de Yves. On aurait aimé se prêter à la fête initiale mais qu'importe, les hymnes sont là, de ceux qui ne vont pas chercher bien loin mais qui vont droit au coeur. Que ce soit quand ça attaque la corruption des états ou le monarque en chef auto-proclamé tout puissant, il ne fait pas bon soutenir la Marche quand on se rend Sur Les Pointes, et ici, à constater l'unisson, tout le monde a l'air d'accord.
Biffty
Par Yannick Krockus
Sur Les Pointes, c’est un festoche à grande gueule. Alors pour cette première soirée, il fallait du lourd. Du gras aussi. Biffty, c’est ça. Avec son pote, DJ Weedim, c’est la Boulangerie française. On va tous vous rendre obèse. Yeah. Rap slow tempo, punchlines directes, c’est cash, c’est crash. Grosses basses, forcément. Un flow bien envoyé, dans ta face. Complètement souillette. Oui et alors ? Sur scène, c’est le bordel. Ils sont deux au début, Biffty et DJ Weedim. Du rap keupon, rien à battre, ils envoient ce qu’ils ont envie d'envoyer. Puis rejoints par Julius qui vient performer, se taper la mufette avec ses potes.
Biffty, c’est du gras. Assumé. Des oinjs en rafale, une bouteille de rhum sur le coin de la console. Et des titres tout droit sortis du prochain album, « La potence ». Du cul, aussi. Une santé de fer, le bonhomme, il baise tout le monde. Parce que c’est comme ça, parce qu’il fait ce qu’il veut. Le public aime ça, les rapeurs et les keupons sont potes ce soir. Pas de limite, Biffty envoie sur tout le monde. Son univers, c’est la banlieue, les spliffs et les meufs. Les beats lourds, les paroles posées sur les sons de DJ Weedim, la provoc qui fait mouche, un faux air de « rien à foutre » même si le truc est bien bossé. Une dernière rafale de bisous à la maréchaussée, et c’est la fin du set. Le chapiteau s’est pris sa dose, du rap sale, qui tâche sous les ongles. Comment ça, tu veux pas lécher mes couilles ? La boulangerie française, qui va tous vous rendre obèse… Biffty, pas sûr que ça plaise à ma grand-mère...
Ultra Vomit
Par Thierry de Pinsun
La fête sous le chapiteau bat son plein, la foule est compacte, tout est blindé pour Ultra Vomit (chose attendue et que l'on imagine similaire, même type de public oblige, pour Tagada Jones). Petite musique d'ascenseur avant que la bande à Fétus ne débarque sous des huées glorieuses. Les gens sont présents et comptent bien chanter à tue-tête les titres qu'ils connaissent tous par coeur. Le groupe débite un set calibré et rodé, mais sans jamais oublier d'improviser ses discours, d'ajouter des clins d'oeil plus inédits (l'hommage à Dolores O'Riordan durant "je ne t'ai jamait autans aimé", le "Évier Metal" que Fétus interprète dans une imitation de Lemmy Kilmister entamée un morceau plus tôt sur "Quand J'étais Petit"...). Pour les connaisseurs, c'est la grosse éclate. Pour les amateurs, qui se prêtent évidemment au jeu tant Ultra Vomit invite naturellement au délire, avec son dernier album Panzer Surprise bien plus accessible d'ailleurs, c'est une autre affaire durant les morceaux, ce qui nous permettra de constater un point assez gênant et assez persistant.
Sous le chapiteau principal, les potards sont réglés à fond les ballons. Et attention, on te dit pas ça dans le sens où c'est fort, ça encore ça passe, mais dans le sens où le pauvre gus derrière sa table galère pour balancer un mix correct. Le son est souvent haché bouilli (et celle-là, ils l'ont pas jouée d'ailleurs), la basse de Matthieu Bausson et la double caisse de Manard noient absolument tout. Autant quand ça joue "La ch'nille", c'est le but, mais quand il s'agit aussi de se marrer sur les paroles et que tu fais partie de ceux qui ne les connaissent pas encore, c'est un peu plus déconnant. Heureusement, Flockos et les autres s'en donnent à coeur joie pour amuser l'auditoire, et les néophytes auront clairement envie de se procurer l'album pour se taper des barres à la maison. Pari réussi? Clairement. On le sait à la vue des sourires et des regards épuisés par un final habituel sur un "Je Collectionne Des Canards (Vivants)" ponctué par la présence d'Andréas (un peu plus tôt, Niko des Tagada Jones venait pousser la chansonnette sur "Un Chien Géant"). En tout cas, on s'est bien éclaté, et on était visiblement pas les seuls.
Assassin / Schlass
Par Thierry de Pinsun
L'avantage d'un festival comme Sur Les Pointes, c'est, comme on le mentionnait plus haut, son éclectisme. Pas de lassitude parce que même si t'adores ça, te prendre juste des grosses guitares ça varie pas spécialement, alors un bon changement de genre dans les dents, ça fait du bien. Et si t'aimes pas, tu seras d'autant plus content quand lesdites guitares reviendront. Au programme, deux scènes, l'une proposant Schlass, l'autre Assassin. Ça tombe bien, deux formations dont on ne parlerait pas en temps normal à La Grosse Radio. On commence par se diriger tranquillement vers la team du fils/frère Crochon (mais si tu sais, celui dont le papa a préféré s'appeler Cassel, vu que ça rendait quand même un peu mieux au générique). Et la remontée qui rappelle qu'on est plus tout jeune, que La Haine c'était y'a 20 ans, et que pour Kassovitz, passer de jeune talent prometteur à blague au Burger Quiz, c'est l'affaire d'un pas, de celui qui te rappelle que derrière ton apogée plutôt courte, t'as pas fait grand chose de terrible.
Et la gloire d'antan, Rockin Squat va tout faire pour capitaliser dessus. Jouant au maximum avec ses fans de la première heure (au vu de la moyenne d'âge, on doute un peu de cette affirmation, mais la réception reste forte), on ne doute pas de la sincérité du bonhomme, mais tout sonne assez daté. En même temps, avec trois albums dont le dernier a 18 ans, faut pas s'attendre à de l'actualité. Sauf que dans une musique où absolument tout est basé sur le texte (Assassin ne se dénote pas par des instrus riches, ou du moins pas sur scène), ça peut vite faire vieillot, et c'est totalement le cas ici. La fibre nostalgique fonctionne dans beaucoup de genres, dans le rap elle t'éclate dans le mur si t'as pas suivi le mouv. L'énergie reste quand même là, les gars donnent plus que de raison, ceux qui les ont vécu apprécient, les autres se disent qu'ils ont au moins vu l'une des plus vieilles, si ce n'est la plus ancienne légende de la vieille garde rap française.
Sous l'Oasis donc, la seule des trois scènes qui ne sera pas un chapiteau mais un préfabriqué, Schlass, c'est une autre ambiance. Baptisé groupe de, il faut citer, rap-punk-volvo-core, il faut un certain temps pour s'acoutumer au délire. Charlie Dirty Duran et Daddy Shwartz, deux énergumènes aux vocoders insupportables débitent des insultes outrageusement trash sur des beat dégueulasses. C'est marrant deux minutes, y'a deux trois punchlines qui font marrer ("je vais te baptiser le frifri façon panda" en tête) comme quand tu tombes par hasard sur deux lignes de Kaaris, mais on se fait vite chier, ça tourne bien en rond. On a vu dans une interview suite à leur signature chez Sony que les gus changeaient de style pour quelque chose de plus assagi. On sait pas vraiment ce qu'ils ont proposé comme répertoire ce soir, mais c'était pas bien sage dans le texte. De là à dire que c'est politiquement incorrect... Aujourd'hui on se déclare "trash" dès qu'on balance trois blagues de cul ordurières alors qu'on est pas foutu de parler de quoi que ce soit d'autre. Donc désolé Charlie, on te "fistera avec nos mst" une autre fois, garde tes pré-pubères, on aura du vrai dégueu après-demain avec Didier Super.
Tagada Jones
Par Yannick Krockus
Sur Les Pointes, c’est un festoche fidèle. Les artistes aiment y revenir. Par exemple, Tagada Jones : 3ème passage, sur dix éditions, pas mal, non ? Même si le site est nouveau, ils sont chez eux. « Zéro de conduite », pour démarrer, pour bien montrer qu’ils sont toujours là. Leur dernier album, «La Peste et le Choléra, a un an environ, et toutes ses dents. Bien plantées, toujours affûtées. Ça saigne, ça claque. Le set est super rôdé, tu m’étonnes ! "Yec'hed mat", "Tout va Bien", le set fait toujours la part belle aux morceaux anciens. Devant ça remue, le grand chapiteau vibre, le plancher vrille. Toujours aussi vindicatif, Niko harangue le public, le fait réagir. Le son est puissant, propre, les fumigènes généreusement fournis par le stand de merguez de l’autre côté. Pas grave, on est venu pour ça, le public en redemande. Et puis, il commence à se faire tard aussi, quelques valeureux guerriers commencent à rendre l’âme à qui elle appartient.
Ce n’est clairement pas le cas des Tagada Jones. Les titres défilent, avec cette même rage, cette énergie communicative, qui fait des Rennais un des groupes les plus intéressants sur scène. Le final avec "Vendredi 13", et l’hymne définitif qu’est "Mort Aux Cons", le prouvera encore ce soir. Tagada Jones laissera le public avec la banane (la crête plutôt d’ailleurs), rincé. Belle première journée, le nouveau site, planqué en pleine zone industrielle sur les quais de Seine, même si il n’a pas le caractère bucolique du parc des années passées, se prête vraiment bien à l’exercice. Et la météo clémente a bien aidé à la réussite de ce Day One. Les plus motivés continueront la soirée, les plus fatigués rentreront prendre des forces, parce que ce n’est pas fini, il reste encore deux jours...
Photos : Alexandre Raphel. Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe.