Sur Les Pointes, Jour 2 – 19.05.2018

Sur Les Pointes, Jour 2. Après la soirée Punk-Métal de la veille, les héros sont un peu fatigués. Mais le soleil est là, le sourire est partout. La plage aménagée sur le site est prise d'assaut, les merguez grillent gentiment, et sous le chapiteau, voilà que déboule le Grand Cabaret de Opium du Peuple...

Opium du Peuple

Par Yannick Krockus

Que je T'aime... Quel bel hymne pour accueillir le joyeux carnaval de Opium du Peuple! Slobodan, soutane au vent et missel en avant, ouvre la voie mystique à Soeur Délices et Soeur Coeur. Une vision, une révélation... qui ne dure que peu, les trois facétieux farceurs s'avérant vite de bien piètres religieux. En effet, au bout de quelques instants, surgissent du diable vauvert les membres d'un orchestre populaire, noeuds papillons du meilleur effet à la boutonnière (ou ailleurs, on ne sait plus trop). Le tout pour entonner en choeur le célèbre hymne Punk-Hardcore des années 80, "Capitaine Abandonné", issu de la tradition ouvrière révolutionnaire toulousaine. Le public est soufflé. Sous le choc. et ce n'est pas fini, ce qui s'avère être un Cabaret Punk enchaîne les titres, tirés du patrimoine populaire français. "Laisse tomber les filles", ou encore "Le Lion est Mort", qui verra une chorégraphie tirée d'un opéra (le gâteau, pas le repaire de petites filles en tutu) agrémenter le spectacle.

Tu l'as bien compris, ce spectacle est total. Une orgie scénique, servie par des musiciens qui savent comment ça marche. Gros son, grosse énergie, des enchaînements soignés, des changements de tenues vestimentaires rodés - essaye de rentrer dans une combinaison de latex en moins de 247 minutes, et tu comprendras l'exploit - , chaque titre joué a droit à son univers. On n'a pas affaire à un simple groupe de reprises, mais à un vrai show. Chacun a sa place, personne ne reste en retrait. Même ce pauvre Machine, batteur de son état, viendra avouer ses addictions récréatives, prêtant ses baguettes, et recevant en échange un micro en parfaite harmonie avec son kilt.

Côté échange avec le public, on a été servi. Volubile, Slobodan? Le mot est faible! Et libre penseur (un prérequis pour venir aux Pointes, ne l'oublions pas). Même si visiblement il n'assume pas tout, laissant au public le soin de préciser comment c'est cool de faire l'amour à Jésus... À La Grosse radio, on ne veut pas de problème, on ne répétera pas parce que c'est pas bien, et puis parce que normalement c'est la place du suppositoire, non mais!

Les rappels verront un lancer de sombrero, puis un circle pit sur Luis Mariano, ce qui nous permet de narrer cette anecdote, véridique puisque narrée par un keupon à sa bière et interceptée par votre serviteur: Luis Mariano est le véritable inventeur du Circle Pit, qui s'effectuait traditionnellement sur l'introduction de la "Belle de Cadix", introduction qui n'eut malheureusement lieu qu'une fois, pour une sombre histoire de droits télé. Cette petite incartade culturelle avant de préciser que le final se fait sur un RockCollection des familles, la famille Punk-Rock-Métal (les Shériffs, Parabellum, les Bérus, Motorhead, ...) étant dignement fêtée par Opium Du peuple. Putain de concert, putain de spectacle.

Emir Kusturica and The No Smoking Orchestra

Par Thierry De Pinsun

Les dernières notes résonnent qu'Emir Kusturica and The No Smoking Orchestra ont déjà entamé leur set. Faudrait réviser l'enchaînement, on aurait bien aimé les voir envahir la scène, mais au moins, la pression ne redescend pas. C'est toute une nostalgie qui intervient, on se souvient quand papa, qui n'aimait pas trop le Serbe fou, partait en voyage d'affaires, nous permettant enfin d'écouter sans cachette dans notre cave underground nos albums bien-aimés. On se souvient de Dolly Bell, de la panoplie d'instruments qui se marient à merveille, et très rapidement, les membres se délient, la danse commence. "La vie est un miracle" scande Emir lors de ses discours très courts, consistant pour la grande majorité à nous répéter qu'il y a un nouvel album. Et ce set, composé essentiellement de ces nouveaux titres, n'a rien à envier aux classiques attendus, tant le plaisir est certain et qu'il nous tarde de poser une oreille sur ce Corps Diplomatique, extrêmement prometteur et nous rendant plus excités que n'a pu le faire la voie lactée.

Et ici, tout n'est pas tout noir ou tout blanc (et ce même si entre chaque titre, c'est la panthère rose que les musiciens s'amusent à nous jouer). Il n'y a pas une once de déplaisir, on se prête totalement au jeu, que ce soit sur scène ou dans la fosse. On voyage vers un autre temps, celui des gitans, loin des rêves ouest-américains et dans une musique tellement conviviale qu'on se croirait dans un fest-noz ou papy, assis dans le fond, filme les danseurs avec sa Super 8. On se sent comme Diego Maradona, invincibles, et les musiques qui nous restent en tête des heures après sont la promesse que dès qu'on entend dans la même phrase le nom d'Emir Kusturica et une salle, on y va les yeux fermés et les oreilles ouvertes.

Merci à Charles Marlangue pour les photos