Guitare en Scène, jour 2 : Black Rebel Motorcycle Club, The Limiñanas, Danielle Nicole Band

L'année dernière, une tempête orageuse survenue en plein milieu de la dernière journée avait fortement fait remanier l'organisation du festival. Le set d'Extreme avait alors été allongé d'une bonne demi-heure, pour notre plus grand plaisir, mais celui de King King, prévu sur la scène extérieure, n'avait pu commencer que beaucoup plus tard, finissant aux aurores devant un public très réduit et fatigué.

Une fois n'est pas coutume, les portes ne sont pas encore ouvertes que l'orage éclate et va faire revoir les plans pour la soirée. Nombreux sont alors les festivaliers qui décident de tout simplement quitter le site (pour une soirée où les billets ont eu du mal à être écoulés, dur dur), et la décision d'annuler le set de The Mirrors, l'un des trois groupes tremplin qui devait ouvrir les hostilités, est malheureusement de mise. On a donc en guise de set d'ouverture The Limiñanas.

 

The Limiñanas
 


Le duo catalan a ramené la grosse artillerie pour son set. Le décor de scène est travaillé, agrémenté de réflecteurs sur le fond, les musiciens sont disposés en cercle fermé autour de la batterie de Marie et des guitares de Lionel. Beaucoup d'effets...pour pas grand chose. On se posera d'ailleurs de sérieuses questions tout au long du set. Pourquoi autant de musiciens sur scène pour une musique si peu arrangée et aussi linéaire ? À quoi sert le mec qui appuie sur une seule note de clavier sur le premier titre alors que les nappes d'ambiances sont noyées dans les guitares ? Pourquoi y'a un gus en costard qui fait de la danse en sur place sur un fond qu'on distingue à peine ? 

Liminanaze, pas en plan, prout prout le rythme, Rock, Backing Band, Marie, Yann Landry

Alors donc c'est ça, les Limiñanas, "ce groupe que tout le monde s'arrache", ce "duo français prophète", ce "nouveau souffle pour le rock" ? On sait pertinemment que les médias "spécialisés" auront tendance à se chapelurer le schnitzel facilement dès qu'on leur dit "Tiens, ça c'est à la mode, ponds une tirade", mais là, faudra nous expliquer. L'impression d'écouter deux zicos du dimanche qui se prennent pour les White Stripes mais qui ont besoin de cinq accompagnateurs pour atteindre le génie de Jack White (sans l'effleurer, d'ailleurs) et surtout d'entendre  en boucle l'exact même morceau (mais en un peu moins chiant qu'en studio, en même temps y'a du monde qui tente de faire illusion) règne, tu te dis qu'il y a des groupes ou on prend pleins les oreilles, d'autres pleins les yeux, ici on en a plein le cul.

Liminanaze, rock, bouh ils sont trop pour rien, Yann Landry

Surtout, et constatation qui n'est pas des moindre, c'est prétentieux. Entre justement, ces effets avec ce "danseur" qui se veulent psyché, l'attitude pseudo-détachée à la cool du mec qui n'adresse que des "mercis" désintéressés de temps à autre, ça essaie de se montrer plus que ça n'est, et ça s'imbiberait volontiers d'huile pour faire effet miroir. Pourtant, avec la proposition de Lionel aux Mirrors de leur prêter leur matos pour quand même jouer avant leur set, on se doute bien que les Limiñanas ne sont pas des mauvais bougres, bien au contraire. Mais entre un comportement bien "m'as-tu-vu" dans leur com et leur attitude et une musique qui de toute façon ne propose rien d'autre qu'un rythme binaire et des accords répétés jusqu'à saturation sans jamais nuancer, on garde un goût amer et on s'en fout. Beaucoup, même.

On avait décrit Guitare en Scène comme un festival généreux avec son public, capable de gérer toutes les situations improbables en un quart de seconde mais aussi de proposer des surprises toujours agréables pour compenser les désillusions. Cette édition ne fera pas exception : non seulement The Mirrors sont reprogrammés pour jouer le lendemain sur la scène Village avant Zucchero, mais Uli Jon Roth, qui n'a pas quitté le site depuis la jam avec Satriani la veille, se propose d'improviser un set acoustique. Un cadeau qui sera apprécié et accueilli par l'audience, qui va s'offrir un moment solennel quand l'Allemand prend place sur une chaise avec sa huit cordes. 

Papy, concentré, Uli Jon Roth, Scorpions, G3, Yann Landry

Les nostalgiques de Scorpions n'auront rien à se mettre sous la dent, car au répertoire, ce sera de la guitare classique, envolée et inspirée. Que ce soit dans ses passages flamenco, classiques ou accordés, Uli Jon Roth ne démérite pas son statut de virtuose. En trois morceaux, il fera plâner son auditoire vers d'autres temps, ou la musique était instrumentale et complexe. Un moment d'évasion avant de reprendre un coup de massue avec Black Rebel Motorcycle Club.

Papy, Uli Jon Roth, concentré, les gros doigts raides, boutons, Yann Landry

 

Black Rebel Motorcycle Club

Noir. Drapeau noir, mur d'enceintes noires, sweat à capuche noir, cheveux gominés gris. Voilà pour les couleurs. Deux gangs de bikers ennemis (oui des vrais de vrai) sont arrivés un peu plus tôt dans la soirée. Ils sont ennemis à la ville, mais une trève est signée pour l'occasion du festival, tel est le pouvoir de la musique! Ils sont dispersés dans le public pour écouter le Black Rebel Motorcycle Club, qu'on attend sombre et poisseux, et pourtant le concert s'ouvre par la batterie de Leah Shapiro qui balance un rythme disco presque enjoué. Cette base rythmique énergique est noircie, gribouillée par la guitare grinçante de Peter Hayes et par la voix grave et plaintive de Robert Turner, qui assure la partie de basse en ce début de set.

BRMC, Dormeur, Yann landry

Sombre et poisseux, voilà tout de même deux qualificatifs qui collent à la peau du trio. On est loin de l'exubérance des concerts de la veille, et pourtant, disons le, nous ne serons pas tous insensible à la nature viscérale de ce rock. Yeux fermés, le son lourd qui résonne, le rythme un peu laid back par moment sauront nous ensorceler (allez, au moins un sur quatre !). Parfois la guitare de Peter Hayes sonnera comme un clavier désaccordé, pour un morceau étrangement chaloupé, comme une sucrerie sous LSD. On remarquera aussi le passage furtif d'un quatrième membre fantôme, venu jouer du synthé sur "King of Bones", titre au riff puissant, au rythme sexy et animal, ponctué par les halètements de Robert Turner. Souvent, les racines Americana poindront sous l'écorce rugueuse, avec un harmonica très amplifié joué par Peter Hayes.”‹ ”‹À”‹ ”‹ces occasions, on se demandera d'où sort ce son si lourd ! Peter et Robert sont à la gratte, Leah à la batterie, et pourtant des basses puissantes semblent sortir d'on ne sait où.

BRMC, Gomina, Yann Landry, Garage Rock

Pour quelques morceaux, Robert et Peter échangeront leurs places et leurs instruments, ils délaisseront également les guitares électriques pour des accoustiques, et accorderont leurs voix pour des harmonies vocales poignantes. Mou que tout cela ? pas seulement. le Black Rebel Motorcycle Club méritera son nom quand, baigné dans des lumières soit blanches ébouissantes, soit vertes maladives, ou encore rouges de rage, ils laisseront Leah Shapiro déverser sa hargne en cognant furieusement sur sa batterie, en nage, son maquillage lui coulant sous les yeux. Robet et Peter délivreront aussi plusieurs morceaux de furie. Une paire de chansons seront aussi particulièrement dansantes, le public ne s'y trompera pas et commencera à osciller à ces occasions”‹.”‹

MRNC, Dormeur, Yann Landry, Garage rock

Après quelques chansons en seconde partie de concert aux langueurs incantatoires (répétitives?), Robert triturant sa basse, ou s'asseyant au bord de la scène la tête dans sa guitare, laissant Peter au chant, le groupe remet les gaz avec "Spread Your Love", remercie au passage le festival et ses bénévoles si accueillant. Le concert se clôt avec "Whatever Happened to My Rock'n'Roll", le temps de compter 1-2-3-4, l'animal Robert sort enfin de sa réserve, pousse des grognements et finit le concert dans le pit, au contact du public, balance sa guitare, essuie sa sueur, et rideau. 

 

Danielle Nicole Band

On n'a vraiment pas été gâtés par la météo pour cette deuxième journée. Et c'est sous la menace d'un retour des averses que le set final de Danielle Nicole démarre. On ne sait pas vraiment si l'artiste - venue spécialement de Kansas City aux États-unis pour cette date unique en Europe - va pouvoir sortir son set complet ou devra l'interrompre sous le retour du déluge : alors tout le monde se lâche à fond, sur scène comme dans ce qu'il reste du public. Dans un baroud d'honneur, comme pour oublier cette journée décevante, largement gâchée notamment par une météo qu'on qualifiera au mieux de difficile. Et alors sur scène, qu'est-ce qu'on se fait plaisir ! Danielle est très impliquée et passionnée par sa musique et ses paroles : on ressent l'authenticité de ses textes, servis magistralement par sa délicieuse voix soul, jamais mise en défaut. Ça change, et les tracas endurés plus tôt dans la jounée sont vite oubliés. On se dit que même si ça doit s'écourter, on aura quand-même passé un bon moment.

Danielle Nicole, Village, Basse, beaufs, Kansas City

Mais l'aiguille tourne et le show continue encore, alternant les ambiances au gré des changements de basse : la Jazz au son sec et carré pour les titres dansants et très rythmés, largement appuyés sur la rythmique binaire épurée et terriblement efficace du batteur, et la Precision qui avec son identité beaucoup plus ronde apporte de la profondeur et du groove aux titres plus lents, donnant sans retenue dans le lancinant et la complainte, façon vieux blues calé sur des touchés tout en douceur du batteur, Charleston fermé et rythmique au rimshot. La qualité de la prestation est communicative et le public se laisse entraîner sans difficultés pour apprécier le dernier show de la journée, et vibrer avec les cordes vocales de la belle Américaine.

Danielle Nicole, Bon anniversaire les fesses, Basse, Blues, US, Yann Landry

Si Danielle et son look accapare à juste titre l'attention de la fosse, les autres membres ne sont pas en reste pour autant. Parfaits techniquement, ses musiciens font également le show, en particulier le batteur dont les nombreuses expressions faciales rappelent un certain Ian Paice. La bonne entente est flagrante sur scène, tout le monde se regarde pendant les solos et les mots s'échangent : voilà une formation heureuse à voir jouer.

Danielle Nicole, Blues, Phil Anselmo, Chien fou, VIllage, Yann Landry

Finalement, malgré quelques rares gouttes intermittentes, la pluie a daigné épargner le set de Danielle Nicole, fêtant son anniversaire le jour même (chanté par la foule pour un moment d'émotion). Non content d'aller au bout du temps imparti pour son set, le trio servira deux sublimes reprises en toute fin de journée : "Babe I'm Gonna Leave You" et "With A Little Help From My Friends", pour un dernier moment en unisson avec le public et pouvoir mettre un point final plus que positif à cette seconde journée de festival.

Toutes nos photos du jour deux sont dans notre gros album ici

Texte : Laetitia Maciel, Félix Darricau et Thierry de Pinsun
Photos : Yann Landry



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