James Williamson revient avec un nouveau groupe et un nouvel album sur son label Leopard Lady. Voyons donc ce qui se cache Behind The Shade, c’est comme ça que s’intitule le petit dernier avec les Pink Hearts.
Rassurez-vous, on ne va pas s’étendre sur le pédigrée de James Williamson. Mais quand même lorsque le dernier survivant des Stooges, avec Iggy himself bien sur, sort un nouvel album, on y jette une oreille attentive.
Cette fois-ci, James s’est mis à la colle avec les Pink Hearts, Frank Meyer qui officie dans les Streetwalkin’ Cheetahs, un combo de rock bien pêchu dans le giron des Dead Boys et de leur guitariste Cheetah Chrome et Petra Haden, formidable vocaliste qui avait déjà poussé la chansonnette sur le dernier opus de Stooges Ready To Die. Elle, en digne fille de Charlie Haden, baigne plutôt dans un milieu plus jazzy et n’hésite pas manier l’archet avec brio lorsqu’elle sort son violon, toujours dans un esprit bien rock ‘n’ roll. Voyons comment le mélange peut fonctionner... James Williamson clame haut et fort qu’il est enfin libre de faire ce qui lui plait. Apres dix ans de bons et loyaux services à l’Iguane entrecoupés de plus de trente ans d’une vie parallèle comme ingénieur informaticien dans la Silicon Valley, il a bien mérité cette liberté artistique et le voila donc parti pour nous livrer ses nouvelles compositions. Il le dit lui même, son trip, c’est la musique, pour les paroles, il préfère laisser la main à Frank Meyer.
Photo promo par Heather Harris
Alors que va-t-on retrouver dans ce Behind The Shade ? Tout d’abord des airs connus. "Riot In The Strip" nous accueille avec un sax donnant des relents de punk ska avant de durcir le ton un peu à la manière dont feu Steve Mc Kay maniait les cuivres. La virulence punk est de mise et les riffs de James nous prouvent que sa guitare laissée au repos pendant des années a encore beaucoup de choses à nous dire et d’émotions à nous faire passer. Marrant le dernier vers du troisième couplet avec ses "blah blah blah", ça vous fait pas penser à un célèbre hurleur de Detroit vous ?
Quand James et ses potes s’attaquent à la politique, ça donne "The Revolution Stomp". Là encore, on durcit le tempo, on accélère. On garde toujours un coté soul mas ça groove. Le chef des Etats-Unis prend cher et la Gibson Les Paul Custom libère toutes les frustrations refoulées de James. Des titres comme "You Send Me Down" sonnent comme de vieux riffs de r‘n’b soul. On verrait bien Little Steven Van Zandt venir prêter main forte à James Williamson pour rajouter une couche de guitare supplémentaire pour porter le titre encore un peu plus haut. En tout cas, le feeling et bien là. L’âme de Phil Spector n’est pas loin on plus mais la Les Paul reste prête à rugir. Et les soli de sax nous embarquent un peu plus dans cette atmosphère soul vintage.
Mais malgré ces quelques titres pleins de fougue, on trouve dans l’ensemble sur ce Behind The Shade un James Williamson bien plus apaisé que pour Raw Power. Plus de trente ans on passé... James excelle dans la composition de ballade pop survitaminée. Sur "Judith Christ" par exemple, les textes causent sentiments mais James y rajoute sa patte façon hard rock. Pour soutenir ces titres mid-tempo, il rameute encore les cuivres ce qui donne un coté un peu jazzy original.
"Behind The Shade", première collaboration entre Frank Meyer et James Williamson, est un morceau de guitare tout calme. Il se durcit un peu avec les lyrics désabusé puis la guitare s’emballe sans pour autant atteindre les gros riffs distordus. Le contraste entre la voix torturée et la guitare plutôt cool est intéressant. Un orgue style Hammond envoie des nappes assassines en fin de morceaux et Williamson se lâche un peu pour donner une belle puissance de feu au titre.
Dans ces ballades, Petra Haden et sa voix se mettent en avant. Certains titres comme "Pink Hearts Across the Sky" semblent taillés pour elle. C’est bien fait et ça n’oublie pas d’envoyer de bonnes grosses giclées de gros son quand c’est nécessaire. On notera que c’est quand même bon d’entendre le vrai son de Williamson bien enregistré. À l’époque les sessions studios des meilleurs titres de James étaient plus qu’approximatives et ne permettaient pas vraiment d’apprécier pleinement le talent du monsieur.
Dans l’ensemble, les morceaux sont assez facile d’accès. Avec des titres comme "Purple Moon", on a envie de rentrer dans le morceau un peu à la façon de "The Passenger" pour parler d’un proche collaborateur de Williamson. Les soli nous offrent un Williamson au meilleur de sa forme, enfin libre de s’exprimer comme il le souhaite.
Après toutes ces compositions originales, on signalera en bonus, une reprise de Alejandro Escovedo "Died A Little Today". Cette petite chanson cool prend du sens avec la voix et le feeling de Petra Haden.
Au final, qu’il est bon de pouvoir enfin entendre James Williamson à sa juste valeur ! Il joue ici la musique qu’il aime sans contrainte et sans aucun ego mal placé. Le gars n’essaye pas de se mettre en avant et fait ce qui lui plait avec talent. Ca c’est classe ! Allez on se permet même d’envoyer des cuivres et des violons… Pas très Stooges tout ça, mais James s’en démarque sans aucun souci. Le gratteux de Raw Power s’émancipe enfin du carcan Iggy pour nous livrer des titres beaucoup plus personnels. Il nous invite dans son monde avec une belle sensibilité sans pour autant renier les décharges de décibels quand il s’agit de faire rugir sa Les Paul. Bien joué Monsieur Williamson !
Behind the Shade est sorti le 22 juin 2018 sur le label Leopard Lady Records